Nouveaux KPI et achat programmatique : Audion dépoussière la pub audio digitale

Nouveaux KPI et achat programmatique : Audion dépoussière la pub audio digitale L'adtech française permet d'acheter de l'inventaire programmatique sur les plateformes audio. Son avantage : mesurer le taux de mémorisation des spots et leur impact en magasin.

Les annonceurs qui veulent acheter de la publicité audio digitale ont peu d'autre choix que de passer par l'une des principales agences médias généralistes du marché. Mais depuis début janvier 2018, un petit nouveau, Audion, a décidé de faire de la pratique sa spécialité, en se focalisant sur le mobile où se concentre la majorité des usages en matière de streaming audio.

Lancée par Kamel El Hadef et Arthur Larrey, la start-up française propose de dépoussiérer les codes d'un secteur où les spots sont souvent achetés comme en radio, à coup d'ordres d'insertion, et sont mesurés à l'aune de KPI pas toujours appropriés. "La majorité des campagnes de pub audio digitale mobiles sont jugées sur leurs performances en matière de taux de clic et d'écoute, c'est une hérésie", déplore Kamel El Hadef. Ainsi, l'auditeur qui entend une publicité sur Spotify prend rarement son téléphone en main pour cliquer sur la bannière qui s'affiche en même temps que le spot. De même, les publicités audio qui sont diffusées sont pour la plupart impossible à passer, et leur taux d'écoute proche donc des 100%.

Dynamic creative optimization

Kamel El Hadef et Arthur Larrey savent de quoi ils parlent, puisqu'ils viennent de "l'ancien monde". Le premier a écumé les régies digitales des groupes de radio de l'Hexagone (NextRadio TV, NRJ, puis Skyrock) quand le second est passé par les branches digitales des grands groupes de communication (Publicis, WPP puis Havas). Le duo a donc eu le temps de phosphorer sur une offre adaptée aux nouveaux usages. "En s'appuyant sur le device ID de chaque mobinaute, nous sommes capables d'aller sonder ceux qui ont été exposés au spot pour mesurer son taux de mémorisation (part des exposés qui se rappellent avoir entendu la campagne, ndlr)", détaille Kamel El Hadef. Ce post-test est réalisé par un tiers de confiance, Happydemics. Autre mesure : celle de l'impact de la campagne sur le trafic en point de vente. Ici encore, Audion s'est adjoint les services d'un spécialiste de la data de géolocalisation dont il préfère pour l'instant taire le nom. "C'est encore trop tôt, nous venons tout juste de lancer la première campagne qui profitera de cette mesure drive-to-store", révèle Kamel El Hadef.

Lancé officiellement le 2 janvier, Audion n'en est encore qu'à ses débuts et revendique une douzaine de campagnes, dont 5 ont déjà été diffusées. Dans le lot, des annonceurs comme Interflora, Deliveroo ou Cultura. Pour ce dernier, un spot de 20 secondes a été décliné en 86 versions (soit le nombre de points de vente de l'enseigne dans l'Hexagone). "Nous modifions les deux dernières secondes du message en mettant "Rendez-vous au point de vente de la ville X", détaille Kamel El Hadef. C'est l'autre innovation portée par Audion, le recours à la dynamic creative optimization (DCO) qui permet d'adapter la création à l'audience touchée. Une pratique courante en display, mais une première dans le marché français de l'audio. Si Audion utilise pour l'instant une plateforme américaine, la start-up travaille au lancement d'une technologie propriétaire de personnalisation des spots en fonction de la cible, de sa géolocalisation ou du timing de diffusion.

Qui dit digital dit data. Audio s'appuie sur ce terrain sur la donnée que lui procure la plateforme 3d party Lotame. La technologie d'achat utilisée, Audiomatic, est propriété du seul géant du secteur audio programmatique, AdsWizz. Ce dernier a été racheté pour près de 145 millions de dollars fin mars par la plateforme de streaming musical Pandora.

"Nous proposons aux annonceurs de venir piocher dans l'inventaire programmatique de Spotify, Deezer, NRJ, Soundcloud mais aussi Adways, qui comprend un réseau d'indépendants." En France, ce sont Spotify et Deezer qui délivrent le plus de volume d'impressions avec, selon Kamel El Hadef, près de 6 millions de visiteurs uniques par mois sur mobile. Les radios traditionnelles sont encore à la traîne. Pionnier du programmatique audio en France, le groupe NRJ réalise aujourd'hui 20% de son audience sur le digital... mais à peine 5% de son chiffre d'affaires, admettait lors de l'émission du JDN #Media, la patronne de sa régie, Béatrice Leroux-Barraux.

Il faut dire que le gros des audiences digitales des radios généralistes provient aujourd'hui des podcasts, un format qu'elles monétisent très rarement. "Europe 1 et RMC ont annoncé qu'ils s'équipaient de la technologie d'AdsWizz pour commercialiser cet inventaire sans toutefois que l'on sache vraiment comment ils s'y prendront", rappelle Kamel El Hadef.

Car le format se heurte à de nombreux écueils côté monétisation. D'abord, la problématique de la mesure des audiences. S'il est possible de connaître le nombre de téléchargements d'un podcast, il est en revanche impossible de connaître le nombre d'utilisateurs qui l'ont vraiment écouté. Impossible également de connaître le délai entre le téléchargement d'un podcast et sa consultation. Ce qui interdit la diffusion d'un spot faisant une promotion temporaire. "On est aujourd'hui essentiellement cantonné à de la publicité institutionnelle", reconnait Kamel El Hadef. Donc pas forcément les messages les plus vendeurs.

Audion, qui travaille aujourd'hui avec des agences comme Havas Media, Group M ou Oconnexion, s'est lancé sur ses fonds propres. Le duo espère procéder à ses premiers recrutements dès les mois de juin et ne manque pas d'ambition pour la suite, entre un éventuel développement européen et la démocratisation d'un nouveau terrain de jeux : les assistants vocaux. "Il y a beaucoup à faire et à imaginer dans ce domaine", salive Kamel El Hadef.