Cannes Lions : trois vétérans de l'adtech font le point sur le marché pub

Cannes Lions : trois vétérans de l'adtech font le point sur le marché pub Hégémonie de Google et Facebook, internalisation de l'achat média et concentration du marché... Les fondateurs de Beeswax, Captify et MightyHive commentent les problématiques du marché.

Quel est l'état du marché programmatique ? En marge des Cannes Lions, trois vétérans de l'industrie, Pete Kim, Dominic Joseph et Ari Paparo étaient réunis au sein de la Villa Captify, sur les hauteurs de Mougins, pour faire le point sur un marché en perpétuelle évolution. CEO de MightyHive, adtech américaine qu'il a co-fondée en 2012, Pete Kim a récemment rejoint le giron du groupe S4, dirigé par Martin Sorrell. L'ancien patron de WPP a déboursé près de 150 millions de dollars fin décembre 2018 pour racheter MightyHive.

Alors qu'on lui demandait si Google et Facebook seraient toujours aussi dominants dans 10 ans, Pete Kim a rappelé que les choses pouvaient vite changer dans ce marché. "C'est évident que Google et Facebook sont pour l'instant les gagnants incontestés, a-t-il rappelé. Mais 10 ans dans l'adtech c'est très long. Regardez Microsoft qui était au top il y a 20 ans, a fortement chuté ensuite, et est revenu sur le devant de la scène depuis." Ari Paparo, le fondateur de Beeswax, solution d'achat programmatique qui a levé près de 15 millions de dollars en début d'année, a lui aussi été invité à s'exprimer sur le sujet. "La concurrence est très rude, a-t-il reconnu. Grâce à son intégration avec Google Analytics et son accès exclusif à l'inventaire de Youtube, Google reste le moyen idéal pour beaucoup de marques de toucher leurs consommateurs." Cet ancien d'Appnexus a toutefois estimé que Google avait fait une erreur en restreignant l'accès à l'inventaire de Youtube aux utilisateurs de son DSP, DV 360. "Je pense que les équipes de Google ont le cœur au bon endroit mais qu'elles ont parfois le chic pour prendre des mesures anti-concurrentielles", a-t-il regretté.

"Il y a aujourd'hui trop de DSP, dont beaucoup ne se différencient même pas. Il en restera sans doute une demi-douzaine à la fin"

Quelle place dès lors pour les concurrents ? "Quand on jette un œil à la cartographie du marché, le Luma Lanscape, on voit qu'il y a encore beaucoup de monde. On se dirige forcément vers un peu plus de concentration du marché", a déclaré Dominic Joseph, le fondateur de Captify, spécialiste de la search intelligence. Un constat partagé par Ari Paparo pour le côté achat. "Il y a aujourd'hui trop de DSP, dont beaucoup ne se différencient même pas. Certains partiront, avec succès ou non. Je pense qu'il restera une demi-douzaine de DSP à la fin", a-t-il chiffré.

Les sujets les plus brûlants selon le trio ? "La TV connectée et les contenus OTT, pour Ari Paparo. Pouvoir s'appuyer sur les vertus de ciblage du programmatique pour toucher les foyers, tout en s'affranchissant des intermédiaires. Mais les défis technologiques sont nombreux." C'est, pour Dominic Joseph, la voix qui va vraiment changer les choses. S'il concède qu'il n'y a pour l'instant pas "de modèle publicitaire évident", le fondateur de Captify estime que le vocal va révolutionner la manière avec laquelle nous interagissons avec les devices, notamment la télévision. "J'y vois un moyen de réunir enfin ce média avec l'e-commerce. On pourra faire des achats sur sa télévision, depuis son canapé, grâce à la voix", a-t-il prophétisé. La bataille s'annonce rude sur ce terrain ici encore. "On voit que Google et Amazon se battent pour devenir le numéro un du marché des assistants vocaux", a commenté Dominic Joseph. Captify, qui planche sur son propre moteur de recherche vocal, ne compte bien évidemment pas rester sur le bas-côté.

"Un annonceur qui veut être performant en programmatique a besoin de deux choses : bien exploiter sa data 1st party et être rapide. C'est compliqué à faire dans un modèle outsourcé"

Pete Kim s'attend lui, plutôt, à une révolution des systèmes. "TV, print, vidéo, search… Je pense qu'il va y avoir une convergence entre les différentes équipes médias. De même pour le volet créatif." Le fondateur de MightyHive a embrayé sur un sujet qui lui tient à cœur : l'internalisation de l'achat média par les annonceurs. "C'est une tendance que nous avons annoncée il y a 7 ans déjà", a-t-il rappelé. C'est, selon Pete Kim, les pratiques opaques des intermédiaires qui sévissent dans la chaîne de valeur programmatique, qui ont accéléré les choses. "Mais c'était inéluctable. Un annonceur qui veut être performant en programmatique a besoin de deux choses : bien exploiter sa data 1st party et être rapide. C'est compliqué à faire dans un modèle outsourcé." Qu'importe si quelques annonceurs ont essuyé les plâtres sur le sujet. "Bien sûr que certains échouent et que d'autres échoueront… Cela ne veut pas dire que la révolution n'est pas en marche. Les meilleures pratiques émergeront progressivement", a-t-il conclu.