Anne de Kerckhove (Videology) "Notre mission est de garantir des environnements brand-safe"

3d-party data, mobile, Asie... La directrice générale EMEA de la plateforme publicitaire vidéo revient sur le positionnement de sa société et ses perspectives de développement.

JDN. Peut-on présenter Videology comme un Appnexus de la vidéo ?

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Anne de Kerckhove, DG EMEA de Videology. © S. de P. Videology

Anne de Kerckhove. Je trouve toujours un peu réducteur d'assimiler une société à une autre, mais il y a effectivement un peu de ça. Videology est une plateforme qui permet aux annonceurs diffusant des campagnes pub vidéos de trouver leur audience, quel que soit le device. Alors que nous nous étions initialement positionnés exclusivement côté "demand", nous nous sommes rendu compte que le besoin était également présent du côté des éditeurs qui n'ont pas toujours les outils pour comprendre leurs audiences. De sorte que notre plateforme cumule aujourd'hui un DSP, un SSP et un DMP qui nous permet d'instiller de la data dans l'achat media. A l'image d'un Appnexus pour le display.

Nous surfons aujourd'hui sur le basculement des investissements vidéos depuis la télévision vers le digital. Les études le montrent : une campagne vidéo a d'autant plus de résonnance que l'annonceur la diffuse en TV et sur le Web. Plus qu'un quelconque travail d'optimisation des CPM, il s'agit donc d'aider les annonceurs à retrouver online ce cachet premium qu'ils ont en télévision. En cela nous nous différencions de nos concurrents, étant moins intéressés par la perspective de diminuer les coûts d'achat que celle de garantir un environnement "brand safe" à la marque.

Aujourd'hui les annonceurs tendent à synchroniser pub TV et vidéo online. Vous n'avez pas l'air d'être vraiment sur ce créneau...

La synchronisation aura certainement un rôle à jouer à l'avenir mais je pense que la priorité doit être la compréhension de son audience et l'optimisation du message qu'on lui adresse online. Les manières d'acheter en TV et online sont de toute façon très différentes. Les acheteurs veulent de la certitude en TV, avec la garantie de toucher tant de millions de personnes à telle heure. C'est bien évidemment loin d'être le cas sur le digital où en termes de livraison, le travail est plus difficile. Tout simplement parce que l'inventaire brand safe est encore loin d'être conséquent, voire même difficile à dénicher.

Vous accordez beaucoup d'importance à la data. Quelle est votre position sur la data tierce ?

Je dirais que le marché existe mais qu'il est très fouillis. Surtout, je déplore que les spécialistes de la data tierce proposent le plus souvent ce que les anglo-saxons appellent de la "inferred look-alike data". Ils établissent ainsi le profil de certains internautes par déduction de leur parcours sur le Web et non sur la base de leurs déclarations. Et ce sont des jumeaux statistiques (les look-alike) de ces profils déduits qu'ils vont nous proposer à l'achat. Pour résumer, ils vont me donner un segment d'audience qui statistiquement ressemble à un segment d'audience qui correspond statistiquement à celui que j'ai demandé. Cela fait pas mal d'incertitudes et de déductions. De sorte que nous n'hésitons pas à confronter les informations que nous communiquent la quinzaine de spécialistes de la data-tierce avec lesquels nous travaillons pour enlever celles qui sont en contradictions. Quitte à payer pour voir, sans les utiliser dans la campagne. C'est un mal nécessaire pour préserver l'efficacité de cette dernière.

Ce positionnement data vous fait sans doute beaucoup travailler en programmatique...

Le programmatique représente entre 40 et 45% de nos achats. On parle de pur programmatique en temps réel mais aussi du passback, qui permet au DSP de renvoyer une impression dans l'ad-server dès lors que celle-ci ne concerne pas un internaute appartenant à la cible. Notre cheval de bataille sur ce créneau reste quoi qu'il en soit de ne pas acheter en blind. Ne pas connaître l'emplacement est pour nous quelque chose de ridicule.

L'achat d'audience plutôt que l'achat d'inventaire c'est pourtant l'essence même du programmatique...

Certes, mais dans une certaine limite. Je n'ai aucun problème à acheter de l'inventaire sur La Place Media ou Audience Square sans savoir exactement sur quels sites je vais être diffusé car je sais qu'ils sont tous de qualités. C'est loin d'être le cas sur un Doubleclick ou un ad-network qui propose plus de 10 000 URL. Il suffit de surfer quelques minutes sur certains sites "louches" pour se rendre compte que des marques "respectables" y sont présentes. Preuve qu'elles ne maîtrisent absolument pas la diffusion de leurs campagnes.

En France, vous n'avez pas d'inventaire "en propre" le déplorez-vous ?

Lorsque La Place Media et Audience Square ont mis sur pied leur offre vidéo, notre plateforme éditeur n'existait pas, de sorte que nous n'avions rien à leur proposer. Mais nous travaillons quotidiennement avec eux, avec une intégration de SSP à SSP, qui nous permet de leur acheter un segment d'audience en particulier lorsque notre inventaire ne nous suffit pas. Quitte à mettre le prix fort ! Même raisonnement pour des acteurs tels que Overviews, Advideum, Yahoo ou MSN avec lesquels nous travaillons en bonne entente.

De mai 2013 à mai 2014, nous avons diffusé près de 500 campagnes pour le compte de 100 annonceurs et un total de 3 milliards d'impressions livrées. La France n'est pas notre marché le plus important (nous avons une part de marché de 70% au Royaume-Uni)  mais c'est un des plus matures. J'en veux pour preuve des ad-exchanges qui ont déjà compris les enjeux inhérents au yield holistique et la nécessité de faire tomber les barrières entre la vente directe et le RTB. Avec un programmatique qui s'invite partout et une croissance qui oscille entre 50 et 60% selon les marchés.

Et le mobile dans tout ça ?

Il ne pèse aujourd'hui que 15% de nos campagnes mais il figure parmi nos priorités pour l'exercice 2014-2015. Aujourd'hui on est loin de pouvoir y faire ce que l'on fait sur le Web fixe en matière de tracking. On préfère d'ailleurs se restreindre lorsque l'on ne réussit pas à trouver notre cible plutôt que de shooter en blind pour faire du mobile à tout prix. On est en tout cas loin d'être encore dans cette phase de sophistication qui nous permet d'adapter le bon message au bon support. D'où la nécessité de continuer à investir.

Justement, où en êtes-vous côté finance, vous aviez levé 60 millions d'euros fin mai 2013 ?

Nous sommes déjà rentables au Royaume-Uni, en France et aux Etats-Unis. La levée de fonds doivent venir alimenter notre expansion en Asie et au Latam, ainsi que nos investissements en R&D comme je l'évoquais. Elle nous a également permis de mettre une partie substantielle de notre trésorerie dans un coffre-fort pour rester maître de notre avenir et ne pas avoir à aller en Bourse ou être racheté, pour continuer à grandir tandis que le marché se consolide. Au contraire, nous n'hésiterons pas à racheter un concurrent ou un spécialiste d'une verticale que nous ne maîtrisons pas bien, si l'opportunité se présente.