Brian O'Kelley (Appnexus) "Le tracking mobile ne doit pas se faire au détriment de la vie privée des utilisateurs"

Rachat d'Alenty, évolution de la publicité sur mobile et perspectives d'IPO... Le co-fondateur du géant tech US se confie au JDN.

JDN. Vous avez annoncé il y a peu le rachat du spécialiste français de la visibilité publicitaire, Alenty. Pourquoi une telle opération ?

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Brian O'Kelley, PDG d'Appnexus. © S. de P. Appnexus

Brian O'Kelley. Nous étions partenaires d'Alenty avant l'acquisition. Ce sont des pionniers dans leur approche puisqu'ils s'attachent à optimiser la performance et le taux d'engagement obtenu par les formats publicitaires en allant au-delà de la simple visibilité. Le but est de garantir un réel retour sur investissement pour les acheteurs et que les revenus publicitaires ne soutiennent plus des sites qui servent des publicités non visibles. C'est ma rencontre avec Laurent Nicolas, le fondateur de la société, qui m'a permis de me rendre compte que c'était un véritable visionnaire. Cela m'a conforté dans l'idée de pousser plus loin ce partenariat.

Alenty va-t-il continuer à fonctionner au sein de technologies concurrentes à celle d'Appnexus ?

La techno d'Alenty restera accessible à l'ensemble du marché

La technologie d'Alenty va continuer d'opérer avec l'ensemble de ses partenaires technologiques, nos concurrents compris. En ce qui concerne la marque, elle est connue en France et au Royaume-Uni mais anonyme aux Etats-Unis. J'en veux pour preuve le fait que beaucoup de nos partenaires ont vraiment été étonnés que nous rachetions cette société tech française. Pourtant l'Hexagone a un véritable savoir-faire en matière d'ingénierie et est un marché très mature à de nombreux titres, comme sur la question du programmatique premium par exemple avec Audience Square et la Place Media. C'est d'ailleurs notre troisième marché derrière les Etats-Unis et le Royaume-Uni.

Vous venez également de nouer un autre partenariat, autour du native advertising programmatique, avec le français Quantum Advertising. La révolution est marche ?

Vous savez le native advertising est loin d'être l'innovation que l'on nous vend. Rappelez-vous la fin des années 90 lorsque chaque site avait son propre format publicitaire, c'était du native advertising. Mais face à la difficulté de vendre des formats si fragmentés, l'industrie a décidé d'opter pour les standards que l'on voit aujourd'hui.

Au-delà de cette question, il nous semblait tout à fait pertinent de signer ce partenariat avec Quantum Advertising, pour créer la première place de marché européenne de la publicité native à l'ère du programmatique. Quantum a développé des technologies permettant d'industrialiser la diffusion de formats natifs sur notre plateforme qui  permet d'automatiser les transactions pour ces mêmes formats. Ce partenariat donnera donc la possibilité aux acheteurs comme aux vendeurs d'optimiser leurs campagnes publicitaires en temps-réel sur une palette de formats très différents de la bannière standard. Et ce, pour la première fois depuis le lancement du programmatique.

Vous êtes l'une des rares sociétés, avec entre autre Google, à opérer l'achat ET la vente. C'est selon vous un des facteurs clefs de succès ?

Je pense qu'il faut arrêter de réfléchir exclusivement côté "demand" ou côté "supply". Notre position est de donner les moyens à nos clients, agences ou éditeurs, de mettre en relation les marques et leurs consommateurs. C'est l'essence même du marketing. Et je vous invite d'ailleurs à observer le repositionnement d'un Rubicon Project qui s'est longtemps présenté exclusivement comme un SSP et se définit aujourd'hui comme une solution d'automatisation de la publicité dans le cloud (advertising automation cloud). Preuve sans doute que nous avions raison de nous positionner à la confluence des acheteurs et des vendeurs.

L'un de vos plus grands challenges se situe du côté du mobile. Ou en êtes-vous de ce point de vue ?

L'activité mobile a été en croissance de 500% en 2013

Nous considérons le mobile comme une opportunité plus qu'un challenge. La mise en place de partenariats avec des leaders du secteur tels que l'ad-network Millennial Media ou Shazam renforce notre positionnement de précurseur en matière de solutions programmatiques mobiles. Le volume des impressions sur AppNexus est passé d'environ trois milliards par jour il y a un an à plus de 14 milliards par jour le mois dernier, soit une augmentation de 400%. L'activité mobile de l'entreprise a connu une croissance de plus de 500 % l'année dernière, si l'on s'en tient aux budgets publicitaires. Le nombre d'annonces et de campagnes adaptées au format mobile et visant précisément ces supports a été multiplié par 10 au cours de l'année écoulée et 65 000 campagnes sont actuellement déployées via AppNexus. Plus de 1 000 nouvelles annonces mobiles sont déposées sur AppNexus tous les jours. 

Certes mais Google et Facebook représentent encore les trois-quarts du marché de la publicité mobile. Comment expliquez-vous cette hégémonie ?

Effectivement Facebook et Admob, la plateforme mobile de Google, ont une grosse longueur d'avance sur le marché pub mobile. Je pense que c'est tout simplement parce que ces plateformes sont "device agnostics", en témoigne l'arrivée des campagnes universelles sur Adwords et avec elle la présence par défaut de toutes les campagnes des annonceurs Adwords sur mobile. Google et Facebook qui ont la main sur tout le processus ont les moyens d'imposer de tels changements. De notre côté, nous sommes encore dépendants du bon vouloir des agences et des annonceurs qui sont parfois réticents à basculer les investissements sur ce canal.

Encore faut-il leur proposer des formats et performances suffisamment séduisants pour les inciter...

A nous aussi de les aider à changer et par nous, j'entends tout l'écosystème mobile qui doit faire en sorte que les landing pages soient plus efficaces, les processus d'achats moins lourds et les systèmes de paiement toujours plus sécurisés. En gros, éradiquer tous les points de frictions actuels. Mais je ne suis pas inquiet. Les forts taux de croissance du marché de la publicité mobile nous montrent que, même si ce dernier n'est pas encore à la hauteur des usages, il va dans le bon sens.

Il reste un problème majeur : comment tracker le mobinaute dans un environnement où le cookie est loin de faire la loi ?

Je pense qu'effectivement l'extraction et le traitement des données se feront à partir d'un identifiant provenant du device. Quelle sera sa forme exacte ? Difficile à dire. Il faudra en tout cas que la solution soit respectueuse de la vie privée de l'utilisateur. J'ai à ce titre quelques réserves vis-à-vis des solutions auxquelles l'utilisateur ne peut pas échapper telles que le fingerprinting ou le Google ID. A l'inverse, l'IDFA d'Apple qui reste ouvert à un "opt out" me semble être plus vertueux.

Vous avez clôturé une levée de 140 millions de dollars en janvier 2013. Aurez-vous besoin de davantage d'argent pour rester compétitif ?

Nous ne ressentons pas le besoin de lever de l'argent. Près de 50% du montant de notre dernière levée est encore au chaud dans notre trésorerie. Mais nous procèderons peut-être à une nouvelle levée si l'opportunité se présente.
 

La rumeur d'un rachat par Alibaba ressort fréquemment dans la presse. Cela ferait-il sens ?

Ici encore c'est une question d'opportunité. Nous attendons de trouver le bon partenaire. La Chine et l'Asie du Sud-Est sont des marchés en pleine croissance qui nous intéresseront donc, tôt ou tard. Mais ils sont difficiles à pénétrer sans l'appui et l'action d'un Alibaba... ou d'un autre acteur.