Julien Gardès (Rubicon Project) "iSocket et Shiny Ads vont nous permettre de gérer l'automatisation de la vente de l'inventaire garanti"

Le directeur général Europe du Sud de Rubicon Project fait le point sur l'exercice 2014 et revient sur les deux dernières acquisitions du groupe.

JDN. Vous venez d'officialiser le rachat d'iSocket et de Shiny Ads moyennant 30 millions de dollars. Quel est le positionnement de ces sociétés ?

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Julien Gardès, directeur général Europe du Sud, Rubicon Project. © S. de P. Rubicon Project

Julien Gardès. Rubicon était jusque ici uniquement positionné sur l'inventaire non garanti, commercialisé en RTB, sous les vente directes. Ces ventes directes sont aujourd'hui opérées le plus souvent manuellement, via des processus et fichiers Excel aussi chronophages que lents. L'acquisition d'iSocket va nous permettre d'automatiser le garanti vendu en direct, avec une intégration dynamique des ad-servers et la mise en place d'accords de gré à gré. Shiny Ads opère plus ou moins sur le même créneau, avec du booking en self-service pour les petits et moyens éditeurs.

C'est une méthode qui permet aux vendeurs de fixer des prix pour des impressions d'audience garanties et aux acheteurs de découvrir et d'acheter ces audiences garanties. En bref, rajouter cette brique "garantie automatisée" qui nous manquait dans notre offre et permettre la création du seul et unique "full-Stack" de solutions intégrées pour l'automatisation, la simplification et la gestion des processus d'achat et de vente directe de publicités garanties et non-garanties.

L'année 2014 est sur le point de s'achever. Quel bilan tirez-vous ?
2014 a été une année charnière pour Rubicon Project, ponctuée par une introduction en bourse qui nous a permis de levée une centaine de millions de dollars et d'envoyer un signal fort au marché : nous sommes sur un projet long terme, en tout indépendance, et nous nous donnons les moyens de notre croissance.

Un basculement des inventaires premiums en RTB

En France, notre mission reste celle d'accompagner les éditeurs dans la monétisation de leur inventaire via le programmatique, en suivant cette évolution du marché qui a vu les inventaires basculer sur ce canal être de plus en plus "premiums". Je m'explique : le RTB se résumait il y a quelques temps à la commercialisation d'inventaires non garantis. C'est de moins en moins vrai aujourd'hui où les annonceurs n'hésitent plus à faire du branding RTB, où les éditeurs n'hésitent pas à basculer leurs habillages et format expand en RTB. 


2014 a également occasionné un changement sémantique. On parle moins de RTB et beaucoup plus de programmatique...

Le concept d'enchères ouvertes en temps réel que recouvre le RTB n'est en définitive qu'un composante du programmatique. Ce dernier englobe tout ce qui touche à des accords spécifiques entre acheteur et vendeur, en instillant de la data et définissant un prix plancher, le plus souvent. Cette mode des "places de marché privées" commencent en effet à prendre de l'ampleur. D'autant que l'inventaire concerné se premiumise. Chez certains des éditeurs avec lesquels nous travaillons elle peut représenter jusqu'à 50% de leur activité programmatique. 

Terminée donc la crainte d'une cannibalisation des ventes par le RTB ?

On observe la mise en place, à grande échelle, de nombreux processus d'automatisation de commercialisation des formats.  La cannibalisation des ventes directes de la régie est un sujet que l'on a cessé d'aborder il y a bien un ou deux ans. On leur donne de toute façon aujourd'hui tous les moyens d'annihiler les effets négatifs éventuels que peut provoquer la vente en RTB. Ils peuvent mettre en place des prix planchers pour s'assurer un revenu minimum. Ils peuvent aussi bloquer des acheteurs qui ne collent pas à l'image du site... Bref, ils ont la main sur la stratégie RTB.

Au point de pouvoir arbitrer en temps réel entre vente directe et RTB ? On parle de plus en plus de yield holistique...

Il y aura effectivement une porosité croissante entre ventes directes et indirectes à mesure que les CPM programmatiques croîtront et que ceux de la vente directe stagneront. L'enjeu est d'atteindre la bonne mise en concurrence automatique et casser la dynamique actuelle de livraison des publicités par les ad-servers, pas assez flexibles. C'est l'objet de notre annonce de lancement d'"Ad Engine" lors de l'ATS Summit, un outil de livraison de campagnes pluri-écrans et de tous types : vente directe / indirecte, vente garantie / non garantie... Tout ça via un seul tuyau pour arriver au concept de plateforme unique. L'objectif est de permettre à certains éditeurs de remplacer la brique unique d'ad-serving qu'ils utilisent  actuellement. 


Quels seraient les éditeurs concernés par cette solution ?

On est aujourd'hui essentiellement sur des formats display mais on ambitionne à terme de lancer les briques "mobile" et "vidéo". Cela devra vraiment répondre aux besoins de certains éditeurs qui font beaucoup de programmatique et essentiellement du display...


Toujours pas de native advertising en revanche ?

On reste opportuniste sur le format du native advertising dont on observe effectivement la popularité grandissante. Mais je reste circonspect vis à vis d'une pratique qui tient pour l'instant plus du buzzword qu'autre chose. Car, au fond, on parle d'une pratique qui existe depuis plusieurs années et qui vient juste de se "rebrander". S'il s'agit de proposer, comme le permet Facebook, un format vignette + texte, et le marketer comme du native advertising, on peut le faire.... Je pense que c'est un format qui va avoir besoin d'un certain temps avant de trouver un cadre défini et d'être industrialisé à plus grande échelle.


Vous avez également annoncé le lancement d'un bidder pour les annonceurs. Est-ce que vous abandonnez ce positionnement "côté éditeurs" qui a longtemps fait votre spécificité ?

Non, nous lançons un bidder qui doit permettre de résoudre les problèmes d'inter-opérabilité entre l'achat et la vente, sur les formats les plus impactants tels que le rising star ou l'expand. L'outil a bien évidemment vocation à être étendu à d'autres acteurs, mais dans un premier temps il concernera essentiellement notre inventaire. Il s'agit d'améliorer les taux de réponses sur les "bid request" aujourd'hui très mauvais sur ce type de formats. Dans beaucoup de cas, l'enchère formulée n'est pas, ou mal, reçue. 

Notre bidder se concentre sur les formats rich medias

C'est un outil que nous lançons également dans une perspective branding, pour permettre aux éditeurs de garantir 100% de part de voix sur une page dès lors que l'annonceur, qui veut densifier son message ou ne pas être associé à d'autres marques, gagne l'enchère. Chose que les deal privés ne permettent pas, dans la mesure où l'on risque de se priver de chiffre d'affaires complémentaires dans le cas où l'annonceur paie le prix plancher et qu'un autre aurait pu mettre plus. J'ajouterai que l'outil sera également disponible côté éditeurs, avec la possibilité de faire de l'extension d'audience en RTB pour ceux qui le veulent, ce concept de "publisher trading desk" s'étant également beaucoup popularisé.