Facebook savonne la planche de Criteo juste avant son IPO

Facebook savonne la planche de Criteo juste avant son IPO Facebook annonce le lancement d'une solution de retargeting qui pourrait faire du tort à la pépite française du monde de la publicité, à quelques semaines de son IPO.

Facebook vient d'annoncer qu'il allait proposer aux e-commerçants de recibler sur son espace les internautes qui ont visité leur site ou leur application mobile grâce à un outil qu'il a baptisé Website and mobile app custom audiences". Le timing de l'annonce, à quelques semaines de l'introduction en bourse de Criteo, peut interpeller. Il n'en fallait pas plus pour que certains médias et experts, un peu comme lorsque Google a annoncé qu'il envisageait de supprimer les cookies sur Chrome, remettent en question la croissance de la future-ex start-up. 

 

Une offre publicitaire de plus en plus exhaustive

Au-delà de toutes ces considérations, un premier constat : Facebook étoffe un peu plus son arsenal publicitaire. Comme son nom l'indique, la fonctionnalité est un bon complément de "Custom Audience", qui permet à un annonceur d'uploader sa base email client sur Facebook afin de réaliser des ciblages croisés entre son CRM et les données Facebook. Surtout, Facebook va désormais proposer du reciblage sur l'ensemble de son inventaire, celui-ci étant jusque-là circonscrit à son ad-exchange, FBX, sur lequel des acteurs tels que Turn, Triggit, AdRoll et Criteo pilotent des campagnes de reciblage. L'inventaire mobile, qui représentait tout de même 41% de son chiffre d'affaires publicitaire au second trimestre 2013, est lui désormais ouvert à la pratique. Les éditeurs d'applications pourront, par exemple, inciter un utilisateur à retourner sur une application qu'il a téléchargée puis délaissée.

FBX ne représente qu'une "toute petite part" du CA du réseau social

Que penser du déploiement d'une telle fonctionnalité ? "On se rend compte qu'une fois de plus, en se lançant dans le retargeting, Facebook cède à la tentation du simple copiage", déplore Frédéric Bellier, directeur général de Radium One pour la France. Mais le réseau social a de bonnes raisons de vouloir donner un peu plus de valeur à l'inventaire vendu via son API, les Facebook Ads, en lui adjoignant du "direct response". En effet, le chiffre d'affaires réalisé sur FBX, via une commission de 30% sur chaque transaction, représentait "une très petite part de l'activité publicitaire au second trimestre" de l'aveu même de Sheryl Sandberg. Et pour cause, les CPM sur cet environnement peu valorisé flirtent souvent avec le néant, "2 centimes d'euros sur certaines campagnes", selon Jean-Baptiste Rouet, directeur général de l'agence Vivaki. Les Facebook Ads, vendues elles au CPC, sont en comparaison clairement plus rentables et permettant de dégager des e-CPM plus importants. "Cette cohabitation entre vente au CPC et vente au CPM est en fait rendue nécessaire par l'immensité de l'inventaire de Facebook, qui se voit contraint de recourir aux DSP pour monétiser son inventaire au maximum de sa capacité", explique Jean-Baptiste Rouet. 

Une bascule des investissements depuis FBX vers les Facebook Ads ?

Aujourd'hui, on peut penser que l'objectif est donc d'inciter les annonceurs à basculer une partie substantielle de leurs investissements depuis le FBX vers les Facebook Ads sur lequel ils pourront coupler la technique du reciblage aux données de type CSP dont ils ne disposaient pas sur FBX. "Des informations telles que l'âge, le sexe et la localisation permettront aux annonceurs d'affiner un message publicitaire souvent très basique dans le reciblage traditionnel", estime Jean-Baptiste Rouet.

Le business model de certains DSP et retargeteurs en danger

Doit-on également s'inquiéter pour Criteo, officieusement considéré comme l'un des plus gros, si ce n'est le plus gros, acheteur de FBX ? "L'un de ses plus gros pourvoyeurs de trafic devient concurrent, confirme Laurent Duverney-Guichard du groupe Makazi. Mais la force de Critéo est d'offrir du retargeting sur de nombreuses sources." Un avis partagé par Frédéric Bellier qui s'inquiète moins "du sort de Criteo, qui fort de ses 300 ingénieurs et de ses millions investis en R&D a bâti une technologie très solide, que de celui des acteurs qui ont surfé sur l'essor du reciblage publicitaire depuis deux ans, tels que Sociomantic, Rocket Fuel ou Mythings, sans avoir la maturité technologique du français". D'autant que l'équation n'est pas si simple et que parmi les principales inconnues figure l'efficacité de la technologie de reciblage déployée par Facebook. Criteo a mis des années à perfectionner sa technologie, à renfort d'investissements en R&D. Ainsi, selon nos informations, Amazon avait il y a un peu plus d'un an essayé de lancer sa propre technologie, avant de faire marche arrière et de recourir aux services de Criteo, faute de résultats.

"Criteo a dépensé énormément d'argent et d'efforts ces dernières années dans le seul but de minimiser son prix d'achat tout en gardant un CPC fixe", explique Jean-Baptiste Rouet. Une logique peut être discutable à de nombreux points de vue (client, internaute, voire même éditeur) mais une logique qui permet à la société de dégager des marges opérationnelles très importantes. Il sera donc difficile pour Facebook de venir bouger la cash-machine Criteo. Dans cette histoire, le petit-poucet n'est peut-être pas celui qu'on pense. Espérons le en tout cas pour le français.