Réseau IoT public ou opéré, lequel choisir ?

Réseau IoT public ou opéré, lequel choisir ? Quel est son budget ? De quelles compétences dispose-t-on et de quelle couverture a-t-on besoin ? Voici les questions clefs à se poser avant d'opter pour l'un ou l'autre des modèles.

En France, l'IoT se conjugue désormais au présent dans les entreprises : en mars 2017, 67% des compagnies de plus de 200 salariés ont déployé des objets connectés, soit deux fois plus qu'en 2014, selon une étude du cabinet IDC. Pour récupérer les données émises par ces appareils, ces sociétés doivent déployer leur propre réseau IoT privé ou devenir clientes d'un opérateur (si elles optent pour la technologie LoRa, car le modèle propriétaire de Sigfox n'offre que l'option du réseau opéré). Ce choix repose sur de nombreux critères. Pour éviter aux dirigeants de se faire des cheveux blancs au moment de trancher, voici les questions à se poser.

Ai-je les compétences nécessaires en interne ?

"Comparée à la 3G ou à la 4G, la technologie LoRa est assez simple. Mais déployer un réseau fonctionnel demande tout de même un socle de connaissances solide en ingénierie radio. Le positionnement des antennes par rapport aux objets doit être choisi avec soin pour que l'information remonte au moment voulu", explique Yannick Delibie, directeur technique et stratégique de l'équipementier IoT Kerlink. Une entreprise qui commercialise des capteurs de fumée connectés ne peut pas se permettre qu'un message d'alerte soit envoyé avec retard. Le matériel peut fonctionner sans soucis au moment de la pose de l'antenne, mais il faut être spécialiste pour anticiper que si la masse métallique d'un camion vient s'interposer entre l'émetteur et le récepteur, le signal peut ne pas être transmis par exemple.

LoRa est une technologie jeune, les mises à jour logicielles sur le réseau sont encore assez fréquentes

LoRa est une technologie jeune, les mises à jour logicielles sur le réseau sont encore assez fréquentes. "Depuis que nous avons commencé le déploiement de nos antennes en février 2016, nous avons effectué une grosse modification de notre système tous les trois mois en moyenne. Ces adaptations demandent du temps homme et ont un coût pour l'entreprise", affirme Stéphane Allaire, le PDG de l'opérateur IoT Objenious, filiale de Bouygues Telecom. Et de poursuivre : "A chaque fois que nous modifions des paramètres sur notre réseau, nous devons vérifier que les appareils déjà installés sont toujours compatibles."

Déployer sa propre infrastructure IoT implique aussi de respecter certaines règles. L'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (Arcep) exige des gestionnaires telcos (opérateurs ou entreprises disposant de réseau) qu'ils conservent l'ensemble des traces laissées sur leur réseau par les appareils qui y communiquent (ces traces s'appellent des logs). Si une charge explosive est activée à distance via un réseau IoT, il faut par exemple pouvoir fournir aux enquêteurs les données liées.

Les entreprises qui disposent en interne de ces compétences ou qui ont les moyens d'embaucher des spécialistes peuvent en contrepartie avoir une maîtrise totale de leur infrastructure, poser de nouvelles antennes pour améliorer la couverture d'une zone donnée si elles en ont le besoin. Les professionnels qui n'en sont pas dotés mais qui souhaitent déployer leur propre réseau peuvent toujours passer par un installateur de matériel IoT, comme les français Kerlink ou Actility, qui leur apportent ces qualifications.

Quelle taille fera mon réseau ?

Une société qui veut déployer un réseau IoT dans son usine peut avoir intérêt à installer une ou deux antennes LoRa (elles ont une couverture moyenne de 2 kilomètres en zone urbaine et de 15 kilomètres en zone rurale plane). "Mais je dis souvent aux industriels que l'IoT ne s'arrête pas à la porte de leur usine 4.0. Les usages sont encore naissants, nous n'imaginons aujourd'hui que 10% des façons dont les entreprises de demain utiliseront cette technologie. Un patron qui installe un réseau privé dans son entrepôt pourra dans le futur avoir besoin d'une couverture nationale pour suivre la distribution de ses produits jusqu'à ses clients finaux par exemple", argumente le patron de l'opérateur Objenious.

Les professionnels ne sont pas obligés de faire aujourd'hui un choix définitif. Ils peuvent opter maintenant pour un petit réseau privé et devenir demain client d'un opérateur si leur besoin change et que les premiers capteurs qu'ils ont installés sont compatibles avec son réseau.

Quels sont les coûts ?

Pour utiliser LoRa, pas besoin d'acheter des bandes de fréquences comme pour la 3G et la 4G. L'exploitation de la bande 868 mégahertz est gratuite en Europe. "Une antenne LoRa coûte environ 3 000 euros, alors qu'elle vaut 110 000 euros pour la 4G. Les coûts de maintenance s'échelonnent chaque année entre 500 et 1 000 euros en cas de problèmes vraiment graves. Un réseau LoRa dense, couvrant l'ensemble du territoire tricolore, se compose d'environ 6 000 antennes. Une entreprise qui veut installer un réseau privé de cette ampleur doit compter, en plus de l'investissement initial, entre 3 et 6 millions d'euros par an de frais de maintenance", estime Yannick Delibie. Les sociétés qui ont besoin d'une infrastructure moins importante peuvent effectuer leurs calculs à partir de ces chiffres pour avoir une idée de montants à prévoir.

Ces groupes ne doivent ensuite payer aucun frais de communication pour leurs capteurs. Les compagnies qui optent pour un réseau opéré n'ont pas de dépense de maintenance mais elles paient pour chaque objet qui se connecte et échange des données sur le réseau à l'opérateur (les tarifs tournent autour d'un euro par an et par capteur). Si le nombre d'appareils intelligents à brancher au réseau est important par rapport à l'espace qu'il couvre, cela peut valoir le coup financièrement d'opter pour le réseau privé et vice-versa pour l'opéré.

De quelle qualité de service ai-je besoin ?

La majorité des opérateurs IoT couvrent le territoire national ou le feront dans les prochains mois. Mais la qualité de service qu'ils proposent répond à des besoins génériques. Leurs antennes ne peuvent par exemple pas récolter les informations émises par des objets installés au troisième sous-sol. Certains besoins ne sont donc pas couverts aujourd'hui par leurs réseaux. "Nous lançons au mois d'octobre une nouvelle offre pour régler ce problème. Nous vendons aux clients qui ont des desiderata spécifiques non couverts par notre technologie de petites gateway. Elles coûtent autour de 1 000 euros, ont deux kilomètres de portée et doivent simplement être branchées à une source d'alimentation électrique pour fonctionner et être reliées à notre réseau classique. Ce matériel nous permet d'apporter à nos clients le complément de couverture dont ils ont besoin", répond Stéphane Allaire. "Cette option va probablement être privilégiée par de nombreuses entreprises qui n'ont pas en interne les ressources humaines nécessaires pour gérer un réseau télécom", prévoit Yannick Delibie.

Mais certaines firmes ne peuvent accepter que leurs data transitent via un réseau public. Les entreprises de l'aéronautique ont par exemple besoin de géolocaliser une partie de leur matériel. Elles ont des contraintes sécuritaires fortes car leur activité est critique (notamment dans l'aviation militaire). Elles déploient donc des réseaux privés, pour être certaines que leurs données remontent à l'heure dite notamment. "Il existe aujourd'hui des solutions technologiques permettant de faire circuler la data plus vite. Il est possible d'augmenter le nombre d'antennes dans l'environnement afin que le signal émis soit capté immédiatement. Mais les opérateurs télécom commencent tout juste à déployer leur réseau. Ils proposeront probablement par la suite des offres spécifiques de ce type, mais il est pour l'instant trop tôt. Ils servent déjà la masse de clients qui ont des problématiques correspondant à leur offre. Les professionnels qui ont besoin de ces systèmes complexes optent aujourd'hui pour un réseau privé", indique le directeur stratégique de Kerlink.

Des solutions intermédiaires, qui permettent de combiner réseaux privés et réseaux publics existent également. "Il serait par exemple possible de mettre en place un roaming national entre un réseau privé et un réseau LoRa opéré, un peu comme le fait Free avec certaines de ses communications vocales sur le réseau Orange. Mais cela demande que les deux réseaux soient techniquement au même niveau et cela ajoute beaucoup de complexité au process, ce n'est pas du tout une offre que nous envisageons de créer dans l'immédiat", nuance Stéphane Allaire.