FAI vs éditeurs de contenus : qui va payer les charges de bande passante ?

Lors du DigiWorld 2008, opérateurs télécoms et fournisseurs de contenus se sont opposés, les premiers réclamant l'aide des seconds au financement de leurs réseaux pour supporter la montée en charge de la bande passante. Au final, ce sera à l'abonné de mettre la main à son portefeuille.

Selon l'Idate (l'Institut de l'audiovisuel et des télécommunications en Europe), qui a organisé sa conférence annuelle de débats durant deux jours à Montpellier les 19 et 20 novembre, le DigiWorld 2008, le trafic Internet augmente de 10 % par an. La consommation de vidéos en ligne explose au rythme de 100 % par an. Or la bande passante (capacité du réseau) n'a augmenté que de 68 % l'année dernière.

D'où les revendications des opérateurs télécoms, anglo-saxons principalement, qui ne veulent plus supporter seuls les investissements dans leurs réseaux haut et très haut débit. Ils demandent aux fournisseurs de contenus de mettre la main à la poche. "Le coeur de notre réseau va quadrupler en capacité dans les trois ans à venir. Il faudra donc consentir d'énormes investissements. Qui va payer ? Si nous devions supporter seuls toutes les charges, les prix risqueraient d'augmenter et les internautes ne pourraient plus payer", s'est inquiété lors d'une conférence au DigiWorld 2008 Mike Corkerry, directeur exécutif des affaires réglementaires d'AT&T pour l'Europe, cité par "Les Echos". "Investir dans l'Internet du futur, cela a un coût. Quelqu'un doit payer. Il est temps de trouver un nouveau modèle économique face à une demande croissante de contenus", a renchérit Sally Davis, directrice générale des services de gros chez l'opérateur britannique BT.

Mais les distributeurs de contenus, eux, ne l'entendent pas de cette oreille. "Il n'est pas question pour les agrégateurs de contenus comme nous de contribuer au financement des réseaux. C'est aux fournisseurs d'accès à Internet de le faire. Car ce sont eux qui vendent des accès haut débit et facturent ces offres réseaux à leurs abonnés", a indiqué aux "Echos" Martin Rogard, directeur général de Dailymotion France. Le site de partage de vidéos affirme toutefois son attachement au principe de "neutralité de l'Internet" qui garantit aux internautes un accès égal à tous les services ou contenus en ligne de leur choix, sans que leur accès soit dégradé.

Pour avoir coupé l'accès de certains de ses abonnés au service de peer-to-peer BitTorrent, le câblo-opérateur américain Comcast a été condamné en août dernier par la FCC, le régulateur fédéral des télécommunications. En Europe, ce type de différend ne peut pas être réglé par les autorités de régulations nationales. La réglementation européenne actuelle ne leur permet pas d'arbitrer des litiges entre fournisseurs de services et fournisseurs d'accès.

En France, l'Arcep (Autorité de régulation des communications électroniques et des postes), le gendarme des télécoms, n'était par exemple pas compétente pour régler le différend intervenu pendant l'été 2007 entre Neuf Cegetel et Dailymotion. Le site de vidéo avait alors accusé le FAI de limiter l'accès à son service. Neuf Cegetel avait alors nié être à l'origine de cette restriction, expliquant que "ces désagréments" - l'interconnexion 10 Gbits/s de Dailymotion avec le réseau de Neuf Cegetel s'était vue bridée à 1 Gbits/s - avaient pour origine "une perturbation dans la gestion de l'échange de trafic". Le différend s'était alors réglé à l'amiable, les abonnés de Neuf Cegetel pouvant de nouveau naviguer sur Dailymotion sans aucune limitation de débit.

Selon "Les Echos", la future directive européenne Accès, qui va bientôt être adoptée, va remédier à cette lacune règlementaire. Lors du DigiWorld, le président de l'Arcep, Paul Champsaur, s'est dit partisan d'une "neutralité de l'Internet a minima", estimant que les FAI doivent pouvoir facturer à leurs clients des tarifs plus élevés pour des accès de meilleure qualité.

C'est ce vers quoi s'orientent aujourd'hui les FAI outre-Atlantique. Suite à sa condamnation par la FCC, Comcast a annoncé qu'il limitait les données échangées chaque mois par ses abonnés à 250 gigaoctets. Son concurrent At&tT, premier opérateur télécoms américain, a lancé le 1er novembre un test auprès de ses abonnés de la ville de Reno (Nevada), visant à limiter le transfert de données par mois à 20 gigabytes pour les vitesses DSL les plus basses et à 150 gigabytes pour les vitesses de connexion DSL les plus élevées. Au-delà, le prix sera de 1 dollar le gigabyte consommé.