Le Conseil d'Etat passe au crible la loi antipiratage

Si le Conseil d'Etat a bien approuvé le projet de loi antipiratage, il n'a pas manqué de lui faire de nombreux reproches, que le ministère de la Culture s'est bien gardé de rendre publics.

Christine Albanel s'est-elle félicitée trop tôt ? La semaine dernière, la ministre de la Culture se fendait d'un communiqué annonçant le feu vert du Conseil d'Etat sur son projet de loi antipiratage, sans donner plus de détails. Le feu vert avait pourtant semblé étonnant aux vues des critiques émises par le rapporteur qui avaient filtré dans la presse. Et pour cause. Selon Les Echos, le Conseil d'Etat n'aurait pas été tendre avec ce texte mettant en musique les accords Olivennes, et aurait demandé au gouvernement qu'il revoit sa copie.

En premier lieu, les sages ont demandé au ministère de la Culture de reconsidérer la notion de riposte graduée. En effet, le texte que lui avait soumis le gouvernement donnait la possibilité à l'autorité en charge de cette riposte graduée, l'Hadopi (Haute autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur Internet) de sanctionner un internaute dès la première infraction constatée. Le Conseil d'Etat lui a donc demandé de gommer cette possibilité.

Pour les internautes qui seront sanctionné par une suspension de leur abonnement, le Conseil d'Etat souhaite qu'elle ne dépasse par les trois mois. La durée maximale de la suspension prévue dans le texte proposé par le gouvernement avait déjà été ramenée de 12 mois, dans les premières versions, à 6 mois. Par ailleurs, le Conseil d'Etat voit d'un mauvais œil que l'internaute pris pour cible par l'Hadopi n'ait d'autre voie de recours que le tribunal administratif. Il trouverait en effet plus juste qu'une possibilité de recours ait lieu devant l'autorité judiciaire.

Et ça ne s'arrête pas là. Selon le quotidien, le Conseil d'Etat aurait aussi demandé au gouvernement que l'Hadopi, une fois saisie par des ayants droit, n'ait pas autorité pour ordonner aux FAI de bloquer l'accès à des sites en les filtrant. Celui-ci préférant que de telles décisions restent l'apanage de la justice. Enfin, le Conseil d'Etat appuie la recommandation de l'Arcep qui demande l'instauration d'un délai dans l'application de la loi avant que celle-ci ne soit appliquée afin que les FAI puissent adapter leurs systèmes d'information et leurs outils informatiques aux contraintes de la loi (lire l'article :  L'Arcep demande un délai d'application de la loi antipiratage, du 29/05/08).

Le projet de loi, qui doit être présenté en Conseil des ministres ce mercredi 18 juin, doit être examiné au Sénat en première lecture au mois de juillet pour entrer en application au début de l'année prochaine. La version définitive du projet de loi qui sera connue demain indiquera quelles réserves du Conseil d'Etat la ministre aura bien voulu prendre en compte.