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INTERVIEW
26/11/2007
Bruno Retailleau (sénateur) : "Ce n'est pas aux lobbies de dire à quoi doit servir le dividende numérique"
Pourquoi une commission sur le dividende numérique ? Parce que décider de l'usage des fréquences qui seront libérées au passage de la télévision analogique au numérique est une question d'intérêt général à laquelle le Parlement doit être associé. Ces fréquences sont un bien public. C'est donc aux français par le biais de leurs représentants de décider de leur affectation. Ce n'est pas aux lobbies des télécommunications ou de l'industrie audiovisuelle de dire à quoi doit servir le dividende numérique. Il ne faut surtout pas sous estimer ce choix politique. Si j'en crois les experts, l'activité économique du spectre hertzien pèse 2,5 % du PIB européen. Le choix qui sera fait conditionnera la compétitivité de la France à long terme.
Quelle place cette commission a-t-elle dans ce processus d'affectation des fréquences ? La loi dit que les fréquences qui seront libérées seront réaffectées pas un schéma défini par le Premier ministre. C'est lui le décideur ultime. Pour que le Parlement soit associé à cette réflexion, nous avons créé une Commission sur le dividende numérique, composée de quatre sénateurs et quatre députés. Et le Premier ministre ne pourra donner son schéma que lorsqu'il aura consulté l'avis de la commission. Et comme l'heure est à renforcer le rôle du Parlement, je ne peux pas croire que son avis sera complètement différent du nôtre.
Où en est cette commission depuis la nomination de ses membres ? Le Sénat a choisi rapidement ses représentants, cela n'a pas été aussi rapide à l'Assemblée, qui l'a fait il y a seulement 10 jours. J'espère que nous pourrons nous réunir au début du mois prochain. Techniquement, il faut encore attendre qu'elle soit convoquée. Elle pourrait l'être par le Premier ministre, ou par les présidents du Sénat et de l'Assemblée. Nous attendons donc, en espérant pouvoir nous mettre rapidement au travail. Mais beaucoup de gens ne partagent pas cette volonté et préfèreraient que le Parlement ne s'intéresse pas à cette question.
Le temps presse ? Je vois que les débats sont nombreux. Le CSA voudrait créer un nouveau multiplexe haute définition en plus des chaînes déjà prévues dans la loi. De son côté, la Conférence mondiale des radiocommunications a libéré des fréquences pour une ouverture du dividende numérique aux télécommunications. La question de savoir si d'autres usages que ceux télévisuels peuvent être intégrés à la réaffectation des fréquences des réseaux analogiques se pose aujourd'hui. Il faut donc y voir clair sur cette question le plus rapidement possible pour ne pas que les acteurs avancent avant que le Premier ministre ait donné son schéma.
A quels autres usages pensez-vous ? La loi dit qu'au moins 51 % du dividende numérique doit aller à l'industrie audiovisuelle. Mais elle dit aussi que d'autres services sont légitimes, comme le désenclavement numérique. Réduire la fracture numérique en rendant possible l'Internet mobile grâce à des fréquences permettant d'obtenir une couverture presque complète du territoire est donc un objectif. Il faut faire prévaloir l'intérêt général. Or aujourd'hui l'UMTS n'aboutira qu'à une couverture de 70 % de la population et la fibre optique ne sera pas déployée en dehors des zones urbaines. L'Internet mobile permettrait donc de réduire cette fracture numérique. Et il serait aussi complémentaire des services audiovisuels puisque ces tuyaux permettront aussi la diffusion de vidéos. Car finalement, on le voit, le spectre hertzien n'est pas le seul vecteur culturel.
Réduire la fracture numérique certes, mais prévoyez vous d'éviter celle des usages ? Les opérateurs actuels brident ceux de l'Internet mobile. Il est donc difficile de parler de réduction de la fracture numérique si les usages ne sont pas équivalents à ceux d'un abonné haut débit fixe. Effectivement. L'univers dans lequel on entre doit être ouvert. Il faut créer une fluidité plus importante des usages et se méfier des exclusivités. Je suis donc favorable à ce que l'on tende vers la mise en place sur mobile des mêmes offres qui existent aujourd'hui sur triple play. A ce titre, c'est ce qui pourrait voir le jour aux Etats-Unis avec Google qui pourrait se décider à miser 5 milliards de dollars sur le dividende numérique américain.
Concrètement, quels seront les objectifs de la mission dividende numérique ? Notre rôle sera d'abord de donner une définition de ce qu'est précisément le dividende numérique. Je pourrais vous en donner dix différentes ! En fonction de cette définition on pourra alors connaître sa taille, et étudier ses différents usages possibles. Nous allons entendre tous les acteurs du domaine : l'Arcep, le CSA, les acteurs des télécommunications, de l'audiovisuel et de l'Internet, mais aussi les créateurs. J'espère que nous pourrons aussi faire des études d'impact pour étudier le poids économique et culturel des décisions qui pourraient être prises. Enfin, nous rendrons enfin nos conclusions au Premier ministre.
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