IINTERVIEW
 
27/02/2008

"Nos objectifs : réduire notre dépendance aux vols et fidéliser les clients"

Après une croissance de 50 % en 2007, eBookers France s'apprête à migrer vers la plate-forme Orbitz, ce qui lui permettra de mieux exploiter ses activités de séjours et hôtels, comme l'explique son directeur général.
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Laurent Curutchet

 
 
  • Directeur général, eBookers France
 

JDN. Vous venez de clôturer les comptes de l'exercice 2007, pouvez-vous les commenter ?

Laurent Curutchet. Nous sommes très satisfaits. Depuis deux ans, les résultats sont sensiblement supérieurs au marché du tourisme en France. Après une croissance de plus de 70 % en 2006, notre dynamique s'est confirmée en 2007 avec un chiffre très légèrement supérieur à 50 %. Cela signifie que nous gagnons des parts de marché et du terrain sur nos concurrents.

 

Comment vous situez-vous par rapport au marché ?

Il y a encore trois ou quatre ans, nous étions le petit poucet des agences de voyage en ligne, avec un écart nous séparant des grands assez significatif. En l'espace de deux ans, cet écart s'est considérablement réduit : aujourd'hui nous pouvons dire qu'il est quasiment comblé. Nous avons donc l'honneur et le plaisir de ferrailler avec ceux que nous regardions auparavant d'un œil envieux. C'est la concrétisation de trois années d'effort.

 

Comment se répartit votre croissance ?

Par segments, aucun point noir n'est à déplorer. La vente de billets d'avion, activité qui reste majeure, a connu une croissance en ligne avec notre croissance globale, soit 55 % et plus de 200.000 clients en 2007. Nous n'avons pas cherché à être performants sur tous les axes et avons fait un choix clairement marqué en faveur du long courrier, sur lequel les niveaux de rentabilité sont supérieurs. Nos deux premières destinations ont été Bangkok et New York, aussi bien en chiffre d'affaires qu'en volume de clients. Notre stratégie a donc obtenu les résultats escomptés. Les hôtels ont de leur côté constitué un vrai moteur de croissance en 2007 : nous avons plus que triplé les réservations et généré des volumes très significatifs. Ceci a été possible grâce à l'intégration de la base de données d'Octopus Travel (GTA, Gullivers Travel Associates) dont nous faisons partie.

 

Quelle part cette activité représente-t-elle désormais dans votre activité globale ?

Aux alentours de 15 % en termes de réservations, tandis que les vols représentent un peu plus de 60 % des réservations, et les séjours en 'packages dynamiques' seulement 5 %. Cette activité est encore atrophiée et n'a pas vraiment crû depuis trois ans.

 

Pourquoi cette atrophie ?

"Les packages dynamiques représentent 5 % des réservations"

Nous avions volontairement mis l'activité de côté car nous n'avions pas d'outil adéquat pour la vente de packages. Nous avons donc préféré d'abord nous concentrer sur les outils 'maison'. Un nouvel outil a été adopté en début d'année, mais plusieurs mois ont été nécessaires à sa prise en main. Après une phase d'apprentissage, l'activité packages s'est mise à décoller progressivement, et ne s'est pas arrêtée depuis. Sur 2007, la part de 5 % qu'elle représente a ainsi été principalement réalisée sur les quatre derniers mois.

 

Pour 2008, quelles sont vos ambitions pour ces packages dynamiques ?

Les deux premiers mois de 2008 nous conduisent à penser que cette activité va prendre une place réelle dans notre mix produit. C'est clairement l'un des chantiers de 2008.

 

En début d'année dernière (lire interview "Nous nous concentrons pour l'instant sur le retour sur investissement", 22/02/07), vous annonciez votre migration sur la plate-forme Orbitz pour fin 2007. Comment s'est elle déroulée ?

Malheureusement, nous ne l'avons pas encore entamée. La migration des treize pays européens sur Orbitz est une très bonne chose, mais sa réalisation est assez compliquée car la plate-forme a été conçue à l'origine pour une société évoluant sur le marché domestique américain. Pour l'adapter au marché européen, il faut donc opérer une transformation multilingue, une conversion multidevises et une connexion avec les GDS.

 

Dans les autres pays européens, où en est cette migration ?

En Irlande et en Grande-Bretagne, elle est terminée. Le prochain pays à devoir opérer le changement est la Hollande. En France, ce sera pour la fin de l'année.

 

Ne devait-ce pas être la France après les pays anglophones ?

"Le planning de lancement a été modifié à cause de contraintes légales en France"

Effectivement, mais le planning de lancement a été modifié à cause de contraintes légales en France, notamment la loi Toubon, qui interdit toute mention étrangère sur le site Internet d'un commerçant. Nous ignorions cette donnée légale au départ et avons été rappelés à l'ordre par la DGCCRF. La contrainte est majeure pour la mise à jour de l'inventaire hôtelier, dans lequel il ne sera par exemple même pas possible de faire référence à une 'executive room' dans un descriptif d'hôtel. Certains pans de l'inventaire devront peut-être être même laissés de côté.

 

Combien de personnes sont mobilisées pour ce projet de migration sur Orbitz ?

Aux Etats-Unis, 200 développeurs y travaillent en période de pointe. Au siège de Londres, des ressources conséquentes sont également mobilisées. En France, sur les 40 personnes basées à Paris, une dizaine est mobilisée à temps partiel.

 

Vous avanciez, il y a un an, que ce changement vous doterait d'une performance accrue. Pour quelles raisons exactement ?

Premièrement, le bénéfice qu'en retirera le client sera important du fait de nouvelles fonctionnalités (espace perso, capacité à modifier son dossier en ligne, à s'enregistrer sur la plate-forme, etc.). De cette satisfaction accrue découlera une meilleure performance, autrement dit une arme supplémentaire pour poursuivre la stratégie de forte croissance initiée sur le marché français. Deuxième bénéfice, cette plate-forme sera livrée avec des outils d'administration de dernière génération. Ce qui veut dire que nous serons beaucoup plus réactifs et productifs dans la gestion de notre site. Enfin, au niveau du groupe, être sur une plate-forme globale permettra aux bonnes initiatives de mieux circuler d'un pays à l'autre. Dans le schéma actuel, une bonne idée doit être développée pour chacun des pays, alors qu'à l'avenir une amélioration de la plate-forme pourra bénéficier à tout le monde de manière quasi instantanée.

 

Quelle croissance attendez-vous de la migration sur la plate-forme Orbtiz ?

"Orbitz permet de faire exploser l'activité sur les hôtels"

L'expérience anglaise montre qu'Orbitz permet de faire exploser l'activité sur les hôtels. Peut-on s'attendre exactement aux mêmes effets en France ? Nous émettons des hypothèses en ce sens. Ce qui est certain, c'est qu'Orbitz nous donnera une capacité à fidéliser les clients.

 

C'est quelque chose qui fait défaut à vote plate-forme actuelle ?

On s'est aperçu que les utilisateurs d'eBookers percevaient la marque comme un bon plan souvent ignoré, mais nous ne sommes pas en mesure de calculer leur fidélité. Je ne connais pas, et c'est une faiblesse, le taux de récurrence de consommation d'un client. En soi, c'est moins une étude qu'un outil de CRM qu'il nous faut. On ne l'a pas encore, mais il viendra avec la nouvelle plate-forme. Néamoins, ces trois dernières années nous avons tiré la meilleure partie que l'on pouvait de la première pierre de CRM dont disposait notre plate-forme actuelle, qui est l'animation de la base client et de l'opt-in newsletter.

 

Quels sont vos objectifs à moyen terme ?

Au mois de janvier 2008, nous avons enregistré une croissance de 100 %. Février est à 80 %. Le premier trimestre devrait être bon et je prévois même que 2008 soit sans commune mesure avec 2007. A moyen terme, l'objectif est de diminuer notre dépendance au vol. Deux choses vont permettre d'évoluer dans ce sens en 2009 : l'adoption de la nouvelle plate-forme d'une part, qui apportera un surcroît de performance sur les secteurs des hôtels et des packages dynamiques, et une brique spécifique pour les séjours que nous grefferons sur Orbitz pour gérer les séjours classiques. Ce domaine est un 'trou dans la raquette' d'eBookers. Nous menons des discussions en ce moment même pour l'achat de cette brique qui nous permettra de nous connecter aux inventaires des tour opérateurs.

 

Avec qui discutez-vous ?

"L'année 2008 sera sans commune mesure avec 2007"

Avec Orchestra et TravelTainment, entre autres.

 

eBookers n'a jamais fait de communication de marque. Cela va-t-il changer ?

Le fait que nous ne fassions pas de communication sur notre marque a certainement pour conséquence que le marché nous voit plus petit que nous ne sommes ! Le sujet est sur la table, mais il n'est pas tranché. Construire une marque est un investissement lourd de plusieurs années, aussi bien en argent qu'en temps, avec un retour sur investissement (ROI) qui est faible les premières années. Un bon ROI est d'autant plus difficile à obtenir sur Internet que le consommateur y est particulièrement zappeur. Internet est un univers de la comparaison qui nuit à la fidélité !

 

Il y a un an, vous annonciez réfléchir au développement de fonctions Web 2.0. Où en est ce chantier et que pensez-vous de cette tendance forte dans l'e-tourisme ?

Ces nouveaux outils - présentation en 360°, vidéos, avis de consommateurs, etc. - nous seront accessibles dès que la migration sur Orbitz sera effective, normalement en fin d'année. C'est déjà le cas pour eBookers en Grande-Bretagne, et l'instauration des avis clients pour les hôtels fait d'ores et déjà un tabac. De mon point de vue, les contenus générés par les consommateurs sont à prendre avec un certain recul, dès lors qu'ils sont peu nombreux. Mais lorsqu'un faisceau d'avis converge sur un même hôtel ou une même prestation, ils s'avèrent ludiques et instructifs.

 

Est-ce incontournable pour les acteurs du marché aujourd'hui ?

Non. La preuve : nous avons fait du bon business sans cela en 2007 ! Mais c'est un atout supplémentaire.

 

 
En savoir plus
 
 
 

Luc Châtel et Christine Lagarde (respectivement Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Emploi et Secrétaire d'Etat chargé de la consommation et du tourisme) ont formé un groupe de travail sur l'avenir du tourisme. Quel sujet aimeriez-vous qu'il aborde ?

Un sujet important mériterait d'être pris en compte : la responsabilité qui pèse aujourd'hui sur les agences de voyage, et dont nous avons les pires difficultés à nous acquitter. Il faut espérer qu'enfin soient prises en compte les plaintes de la profession sur cette question et qu'un assouplissement de la législation soit instauré. Un peu de cohérence dans ces dispositions règlementaires serait positive pour la profession, car c'est une épée de Damoclès qui menace de nous tomber dessus n'importe quand, sans que grand-chose ne nous soit véritablement reprochable. Un encadrement législatif est nécessaire, mais il faut trouver les justes limites.

 


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