Le saumon OGM, un aperçu de l'alimentation du futur Un saumon qui grandit deux fois plus vite

Ils attendaient la nouvelle depuis 1996. Le 21 décembre 2012, la Food and Drug Administration (FDA), l'administration sanitaire américaine, a estimé que le saumon génétiquement modifié de la start-up Aquabounty, installée dans le Massachussetts, ne présentait aucun danger tangible pour l'environnement. En 2010, le comité vétérinaire de cette même FDA avait, lui, considéré que le poisson ne présentait aucun risque pour le consommateur.

L'AquAdvantage sera le premier animal génétiquement modifié à être commercialisé pour l'alimentation humaine... 17 ans après sa création

Selon toute vraisemblance, le saumon AquAdvantage, puisque c'est son nom, sera donc le premier animal génétiquement modifié à être commercialisé pour une consommation humaine... 17 ans après sa création.

Qu'a-t-il de si particulier ? En apparence, il s'agit d'un saumon atlantique, espèce qui habite les zones tempérées et arctiques de l'océan du même nom. A la différence près qu'il grandit deux fois plus vite : au lieu de 36 mois, il n'en met que 18 pour atteindre sa taille maximale.

Pour réaliser une telle prouesse, un gène provenant du saumon chinook, son voisin du Pacifique et plus grande des cinq espèces de saumon, a été intégré. "L'hormone de croissance provient d'une variété de saumon régulièrement consommée, explique Alison Van Eenennaam, spécialiste des génomes animaux et de biotechnologie à l'université de Californie. Lorsque vous mangez ce saumon chinook, qui contient cette protéine, celle-ci n'agit pas sur vous. De la même façon, elle ne vous impacte pas lorsque vous consommez le saumon génétiquement modifié."

alison van eenennaam, de l'université de californie.
Alison Van Eenennaam, de l'Université de Californie. © AVE

Suite à la l'avis favorable de la FDA, une consultation publique de 60 jours s'est ouverte. Face à la déferlante de commentaires (plus de 30 000 reçus, fort peu enthousiastes), l'autorité a doublé la durée de l'opération, repoussant de fait sa décision au 26 avril.

Par la suite, "soit la FDA donne l'agrément pour que le poisson soit commercialisé, soit elle exige une étude d'impact environnemental", explique Patty Lovera, directrice adjointe de Food & Water Watch, une ONG de défense des droits des consommateurs qui milite contre la commercialisation du saumon transgénique et des OGM en général. "Mais la FDA nous a envoyé des signaux tendant à montrer qu'elle approuvera l'AquAdvantage", regrette la lobbyiste.

Une commercialisation dès 2013 semble impossible vu les délais de démarrage de l'entreprise.

Une fois approuvés, les œufs de l'AquAdvantage seront produits sur l'Ile-du-Prince-Edouard, au Canada, pour être ensuite élevés dans des bassins au Panama à l'intérieur des terres, ce qui diminue, voire annule, les risques que le saumon s'échappe dans la mer. De plus, 95% de ces poissons (il n'y a que des femelles) seront stériles. "Chaque nouveau site sera soumis à la FDA et fera l'objet d'une étude d'impact sur l'environnement", a précisé Ronald Stotish, patron d'Aquabounty, dans un entretien à Farm Press en 2012. 

D'ici là, Aquabounty, échaudée par 17 années de parcours du combattant administratif, se montre prudente et fait profil bas (elle refuse désormais toute interview). Une commercialisation dès 2013 semble de toute façon impossible vu les délais de démarrage de l'entreprise.