Pourquoi l'intelligence artificielle est indispensable aux automobiles

Pourquoi l'intelligence artificielle est indispensable aux automobiles Intégrer de l'IA dans les véhicules est inévitable pour satisfaire aux nouvelles exigences de sécurité et de confort.

Demain, la voiture ne se dirigera plus, elle nous dirigera. Car constructeurs, équipementiers et chercheurs sont unanimes : l'automobile ne pourra évoluer que si elle devient toujours plus intelligente. Par "évoluer", ils entendent plus sûre et plus confortable, deux critères de vente considérables dans l'industrie du transport.

"Dans les dernières études réalisées auprès de nos clients, le coût d'utilisation et la sécurité sont les arguments les plus importants, juste derrière le prix et le design", confirme David Laventure, responsable marketing produit chez Volvo France. Or "ces points ne pourront être améliorés qu'avec l'intégration de l'intelligence artificielle", les technologies actuelles ayant atteint leurs limites. En particulier, "les systèmes de freinage et les matériaux, notamment dans les zones de déformation en cas d'accident, ne pourront plus être considérablement améliorés. Ils atteignent déjà un niveau optimal."

"L'automobile ne pourra évoluer qu'avec l'intelligence artificielle"

Un constat partagé par Paul Labrogère, directeur du programme Transport autonome de l'institut de recherche technologique français SystemX : "Aujourd'hui, les méthodes classiques de programmation permettent de développer des aides à la conduite sophistiquées. Mais les situations auxquelles sont confrontées les véhicules sont infinies et nous obligent à développer des systèmes adaptifs et apprenants, comme le machine learning, qui permet aux ordinateurs de prendre des décisions sans avoir été programmés pour cela et d'apprendre au fil des situations qu'ils rencontrent."

Vovlo entend même aller plus loin : avec son projet Drive Me, le constructeur suédois va intégrer le deep learning grâce au moteur de calcul Drive PX 2, développé par le géant américain des technologies d'informatique visuelle Nvidia.

Avec Drive PX 2, Nvidia équipe les voitures d'un cerveau électronique. © Nvidia

"Le deep learning, plutôt que de prévoir les situations qui peuvent se présenter, permet à la voiture de comprendre son environnement. A la différence du machine learning, cela permet d'analyser les images et d'en déduire un comportement", explique Serge Lemonde, directeur commercial Automotive Europe, Moyen-Orient, Afrique et Inde de Nvidia. Pour lui, "les algorithmes sont arrivés à une limite car si, par exemple, la voiture fait un tonneau et reste les roues en l'air, le système sera perdu."

Aussi puissant que 150 MacBook Pro réunis, Drive PX 2 réagit en quelques microsecondes. "Et à chaque fois qu'un évènement non reconnu par le système survient, il apprend et renvoie l'information aux autres véhicules", assure Serge Lemonde.

"Le deep learning permet à la voiture de s'adapter à son environnement"

Il en est persuadé, le deep learning est en plein essor : "Rien que sur ces trois dernières années, nous avons multipliés les performances du deep learning par 50. Ce qui prenait un mois à calculer prend désormais une demi-journée, et ce qui prenait deux jours et demi se calcule maintenant en moins d'une heure."

Cette explosion de l'intelligence artificielle (IA), l'équipementier allemand Bosch l'a aussi constatée. Depuis quelques années, les ventes de ses radars qui permettent aux véhicules d'agir en toute autonomie ont considérablement augmenté : "En 2014, nous en avons produit 1 million, soit autant qu'entre 1996 et 2013. En 2015, ce chiffre s'élevait à 2 millions et sur 2016 nous prévoyons d'en livrer 6 millions", se réjouit Franck Cazenave, directeur de l'innovation chez Bosch France.

Pour lui, cette accélération n'est pas due au hasard. Au contraire, on retombe sur l'argument  sécurité : "Les constructeurs visent tous la cinquième étoile à l'Euro NCAP, l'organisme qui mesure la sécurité des véhicules sur une échelle de 0 à 5 grâce aux crash-tests. Or l'amélioration des systèmes automatiques de freinage d'urgence passe par l'intelligence artificielle."

"L'amélioration des systèmes automatiques de freinage d'urgence passe par l'IA"

Concrètement, illustre Paul Labrogère, "la décision de déclencher un freinage automatique, notamment, peut être améliorée par l'intelligence artificielle, qui peut détecter des faux positifs comme un carton ou un sac plastique qui traverse la chaussée et ainsi ne pas déclencher de freinage d'urgence dans ces cas précis. L'intelligence artificielle est également très performante dans la prédiction des trajectoires : grâce à elle, la voiture peut par exemple, interpréter le geste d'un cycliste qui tend la main vers la gauche pour tourner. Pour l'instant, seul l'humain peut l'interpréter".

Mais l'apport de l'IA à la sécurité des véhicules ne se limite pas aux fonctions autonomes, précise David Laventure de chez Volvo : "L'intelligence artificielle permet aussi de travailler sur des systèmes de communication car-to-car (de véhicule à véhicule) et car-to-X (du véhicule vers les infrastructures), à la fois pour offrir à nos clients des économies de carburant, en permettant d'éviter un bouchon ou de ralentir progressivement à l'approche d'un feu, mais aussi et surtout pour plus de sécurité, avec des voitures qui s'avertissent entre elles de leur présence ou d'éventuels accidents sur le parcours".

Une "course au confort"

Aujourd'hui comme demain, outre la sécurité, la concurrence entre constructeurs se jouera aussi sur le confort : "Il y aura une course au confort", prédit même Vincent Costet, chef de produit ConnectedDrive chez BMW.

"Nous nous devons d'éviter au conducteur les situations de conduite peu complexes et monotones"

Et là encore, l'intelligence artificielle a, selon lui, un rôle à jouer : "Avec notre clientèle qui s'attend à du haut-de-gamme et à de nouvelles manières de consommer l'automobile, nous nous devons d'éviter au conducteur les situations de conduite peu complexes et monotones."

D'autant que la clientèle y serait très sensible, selon Vincent Costet : "Le taux d'adoption des premières technologies autonomes commercialisées ne cesse d'augmenter. Ces équipements optionnels sont de plus en plus demandés par les clients."

Le boîtier Xee permet d'être alerté en cas de problème sur le véhicule

De plus en plus réclamés certes, mais pour l'instant en option, comme sur l'Audi Q7, la Mercedes Classe E ou la BMW Serie 7. Et si Volvo intègrera un système de pilotage automatique sur autoroute de série sur sa future V90, dont la sortie est prévue en 2016, il faudra encore patienter pour voir les premiers véhicules totalement autonomes circuler. La plupart des constructeurs s'accordent sur une commercialisation au début de la décennie 2020

Les utilisateurs de Xee peuvent programmer des alertes personnalisées. © Xee

De quoi créer chez les automobilistes une certaine frustration… qui donne des idées aux entreprises qui gravitent autour du secteur automobile. C'est notamment le cas d'une petite société lilloise spécialiste des technologies pour la mobilité, Eliocity. Son idée ? Proposer au grand public un boîtier capable de rendre n'importe quel véhicule intelligent.

Répondant au nom de Xee, vendu une centaine d'euros, ce dispositif se connecte, selon le modèle de voiture, soit directement à la prise diagnostic du véhicule, soit à l'intérieur même du système de bord, avec dans ce cas une intervention d'un garagiste.

"Cet appareil est capable d'aller chercher des informations qui sont normalement réservées aux constructeurs et aux professionnels", explique Romain Crunelle, directeur de la technologie d'Eliocity. Un système qui, selon lui, permettrait d'être plus à l'écoute de sa voiture mais aussi de lui donner la parole : "Le boîtier communique les données via le réseau cellulaire. Il les traite, les stocke et les renvoie en temps réel où que soit l'utilisateur. Mais surtout, il l'alerte en cas de problème et il est même capable de détecter une crevaison et d'alerter immédiatement le conducteur."

"Nous apportons une solution de transition avant la voiture autonome"

"L'accéléromètre permet aussi de détecter un accident et nous sommes en train de développer des partenariats, avec les secours notamment, qui permettront de les alerter automatiquement en cas d'accident et de leur envoyer directement la position exacte du véhicule. Un organisme d'assistance sur autoroute est d'ores et déjà très intéressé", affirme Romain Crunelle.

Et il en est sûr, Xee a de quoi court-circuiter la course à l'intelligence dans l'automobile : "Nous apportons une solution de transition entre les étapes vers la voiture autonome. Car on en parle beaucoup, mais de la voiture d'aujourd'hui à la voiture autonome, le fossé est énorme."