Pourquoi il faut liquider Uber

Pourquoi il faut liquider Uber Jamais une entreprise numérique n'avait autant trompé ses clients, salariés, actionnaires et partenaires. Son conseil d'administration doit prendre ses responsabilités et en revendre les actifs à ses concurrents.

Uber a admis mardi soir avoir été piraté à la fin de l'année 2016. Le bilan : les données de près de 57 millions de clients ont été dérobées, des noms, des emails, des numéros de portable. Quant aux informations des chauffeurs, elles contenaient aussi des numéros de permis. Evidemment cet épisode montre l'incompétence de Uber à protéger ses clients. Mais, surtout, une enquête de Bloomberg démontre que l'entreprise a été rapidement mise au courant et qu'elle a essayé de payer les hackers pour masquer le piratage. Jusque 100 000 dollars ont été mis sur la table. Plutôt que d'assumer ses responsabilités, Uber a - une fois de plus - choisi de pratiquer mensonge et dissimulation.

"Bien que je ne puisse changer le passé, je peux m'engager au nom de chaque employé d'Uber que nous apprendrons de nos erreurs", a concédé Dara Khosrowshahi, le nouveau patron de la société, nommé en remplacement du fondateur Travis Kalanick mis à la porte par ses actionnaires. Bien sûr, on voudrait croire Dara Khosrowshahi. Lui-même a dirigé Expedia de manière exemplaire et on peut lui faire le crédit de l'honnêteté. Mais, malheureusement, ce n'est pas le cas de la culture de l'entreprise.

Uber a été construit par Travis Kalanick sur des valeurs de mensonge, d'escroquerie, de concurrence déloyale, de machisme, d'agression de ses partenaires

Uber a été construit par Travis Kalanick sur des valeurs de mensonge, d'escroquerie, de concurrence déloyale, de machisme, d'agression de ses partenaires. Voyons le détail. 
- Aucun respect d'une concurrence saine : en 2014, des employés de l'entreprise commandaient des courses sur les services concurrents et les annulaient afin de perturber leur fonctionnement. 
 - Aucun respect de la vie privée des utilisateurs : le mode "God View" développé par Uber permettait de suivre les utilisateurs de l'appli même quand ils ne faisaient pas de course. Le New York Times raconte comment Tim Cook a dû convoquer Travis Kalanick pour lui demander de mettre fin à ces pratiques sauf à voir son appli dépubliée sans préavis.
- Aucun respect pour les autorités de régulation. Le projet "Greyball" dont le fonctionnement a, lui aussi, fait l'objet d'une enquête du New York Times, permettait de contourner systématiquement les contrôles mis en place dans les pays où Uber ne respectait pas la législation.
- Aucun respect pour ses chauffeurs. Quel triste épisode que de voir le fondateur s'en prendre à un chauffeur et lui expliquer en substance qu'il est un idiot, un moins que rien, un pauvre type. C'est le pauvre type en question qui se lève tous les matins pour gagner sa croûte... honnêtement. Contrairement à l'imbécile qui l'insulte qui, lui, n'a jamais respecté aucune loi.
- Aucun respect pour ses salariés. L'entreprise a développé un climat délétère en son sein, encourageant chaque salarié à critiquer les autres et à les agresser. Au point que certains recruteurs affirment qu'ils n'embaucheraient jamais quelqu'un ayant apprécié son expérience chez Uber et que le mot Uber devient une tare sur un CV.  Sans parler des affaires d'agressions sexuelles dont le management était au courant. Ce n'est qu'après une enquête lancée par le conseil d'administration que 20 employés ont été remerciés. Pas un. Vingt ! Et que Travis Kalanick a été mis en "absence prolongée".

Bien sûr, c'est le rôle d'un patron que de pousser ses collaborateurs à trouver les failles des marchés dans lesquels l'entreprise opère pour être le meilleur. Mais entre trouver des failles et violer de manière répétée, systématique, la législation, il y a une différence. Bien sûr, si les salariés de l'entreprise peuvent s'amuser ensemble et faire des bébés, c'est bien. Mais entre la drague au bureau et l'agression sexuelle couverte par les dirigeants, il y a la même différence qu'entre les hommes et les animaux. Bien sûr, le capitalisme de connivence est dangereux pour les consommateurs et les médias y participent souvent en protégeant leurs affidés. Mais entre dénoncer le capitalisme de connivence et suivre les faits et gestes de journalistes à leur insu, il y a une différence. 

Uber est une plaie pour l'image de la tech

La culture d'entreprise de Uber ne changera pas car une culture d'entreprise est toujours plus forte que les hommes qui l'incarnent. Il n'y a donc qu'une solution. Débrancher Uber :
- Les clients de Uber doivent s'interroger. Veulent-ils continuer à utiliser une app qui trackait l'ensemble de leurs faits et gestes, qui a laissé fuiter leurs coordonnées sans les en avertir ? Ils peuvent supprimer l'appli et la remplacer avantageusement par celles de Lyft, Chauffeur Privé ou du Cab. Ces entreprises ont, jusqu'à plus ample informé, une culture d'entreprise bien plus respectueuse de leurs clients.
- Les partenaires de Uber qui mettent en avant son offre doivent se poser la question de la concordance entre les valeurs de Uber et les leurs. Quand on met en avant le respect, peut-on vraiment proposer à ses clients d'utiliser une appli qui n'en a aucun pour eux ?
- Les actionnaires. Ce sont des capitaux-risqueurs. Certains ont l'habitude du risque, ils ont déjà perdu gros sur d'autres deals ; d'autres ne voyaient que capital et pas risque. Qu'ils prennent leurs responsabilités. Cette entreprise est perdue. Revendre - vite - ses actifs à ses concurrents est sans doute le moyen de limiter la casse. Il en va également de leur responsabilité. Les révélations s’enchaînent et nul doute que des avocats trouveront le moyen de s'attaquer au conseil d'administration de l'entreprise.

L'écosystème tech ne peut plus soutenir Uber comme la corde soutient le pendu. Cette entreprise a piétiné les valeurs partagées de manière inconsciente par tous ceux qui aiment la tech. Elle donne au consommateur lambda l'image que, finalement,  entre un pétrolier et une boite de tech il n'y a pas de différence de moyens et de finalités. Uber est une plaie pour l'image de la tech et un pansement ne suffira pas à la guérir, il faut amputer.