Pour les constructeurs automobiles, l'heure de l'après-BRICS a sonné

Pour les constructeurs automobiles, l'heure de l'après-BRICS a sonné Le Brésil, la Russie, l'Inde, la Chine et l'Afrique du Sud ne sont plus les seuls marchés auxquels les fabricants de voitures font les yeux doux.

"Un de perdu, dix de retrouvés", dit l'adage. Encore prêts, il y a peu, à parier leur chemise que la reprise du secteur passerait par les puissances émergentes, les constructeurs automobiles espèrent que le dicton se vérifiera. Car si l'Afrique du Sud et la Chine leur offrent toujours de belles perspectives de croissance, le repli des marchés brésilien – une baisse de 10% des immatriculations est attendue en 2014, selon Euler Hermes – et russe (-14%), conjugué à la croissance moindre qu'escomptée en Inde (+2,5%), les ont fait déchanter.

ventes de voitures en argentine
En Argentine, les ventes de voitures se sont effondrées : -35% sur les 8 mois premiers mois de 2014 par rapport à à la même période en 2013. (Source : DNRPA) © JDN

Si ces pays n'ont pas connu le fabuleux destin auquel ils étaient promis, c'est pour des raisons propres à chacun d'eux. Le Brésil subit de plein fouet la dégradation de la confiance des ménages et la hausse des taux d'intérêt. Le pays des tsars, lui, accuse le coup du ralentissement économique, aggravé par la crise ukrainienne et les sanctions occidentales. En Inde, la forte inflation, les taux d'intérêt élevés et la croissance qui tournent au ralentie plombent les acheteurs.

Clou du spectacle, les marchés thaïlandais et argentin, sur lesquels les fabricants de voitures fondaient également beaucoup d'espoir, ont dégringolé. Fin 2013, le Boston Consulting Group (BCG) les avait pourtant identifiés dans une étude comme deux des 15 nouvelles économies émergentes qui généreraient chacune plus de 400 000 ventes de véhicules neufs par an d'ici 2020. Mais ça, c'était avant. Avant que l'Argentine ne sombre dans la crise de la dette et la Thaïlande dans la crise politique. Rien d'étonnant à ce que les ventes de voitures aient plongé de 35% sur les 8 premiers mois de l'année dans le premier pays comparé à la même période en 2013, à 412 000 unités, et de 31% dans le second, à 579 300 unités.

Les fabricants mettent le cap sur les pays de l'Asie du Sud-Est comme l'Indonésie, la Malaisie ou encore les Philippines

Face à la contraction de ces marchés jadis prometteurs, les constructeurs ne restent pas les deux pieds dans le même sabot. "Sur le marché argentin, où la baisse se poursuivra probablement en 2015, ils réduiront probablement l'utilisation de leur capacité de production et attendront une meilleure visibilité macro-économique avant de prendre toute décision structurelle", estime Hadi Zablit, du BCG. Le français PSA a déjà levé le pied en suspendant, en mai dernier, l'une de ses deux équipes de production sur son site argentin d'El Palomar. Au Brésil, Nissan vient d'annoncer la suspension temporaire de 290 contrats de travail dans son usine de Resende.

A l'inverse, en Thaïlande, où "une reprise du marché est attendue dès 2015", confie Hadi Zablit, les fabricants sont moins prompts à réajuster leurs effectifs. Volkswagen va même construire une nouvelle usine à proximité du port de Bangkok. Car la Thaïlande est aussi une plateforme d'exportation, notamment vers l'Asie du Sud-Est, l'une des régions sur lesquelles les fabricants automobiles ont désormais les yeux rivés. Sans compter que le pays du sourire offre des avantages fiscaux aux constructeurs qui investissent sur place pour produire des véhicules émettant moins de 100 g de CO2/km.

Parmi les marchés qui offrent désormais les plus gros potentiels de croissance aux fabricants automobiles (en vert dans la carte ci-dessous), figurent la Malaisie, les Philippines ou encore l'Indonésie, pays dans lequel les ventes de véhicules neufs devraient progresser à un rythme de 8% par an jusqu'en 2020, d'après le BCG, pour atteindre 1,7 million d'unités par an. En Malaisie et aux Philippines, la croissance du marché serait comprise entre 4 et 5%, anticipe le cabinet américain.

Les nouvel ordre automobile mondial (vu par Euler Hermes)

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Vu les droits de douane imposés aux véhicules importés et les incitations à produire sur place – la Malaisie offre par exemple des avantages fiscaux pour la production de petites voitures vertes sur le territoire national – il y a fort à parier que les poids lourds du secteur mettront un coup d'accélérateur sur les investissements en Asie du Sud-Est.

"Les constructeurs qui s'adaptent le mieux sont ceux qui implantent leurs moyens de production près des marchés qu'ils ciblent"

La pompe est déjà amorcée : en mai 2014, le français Renault et le japonais Subaru annonçaient chacun l'assemblage d'un véhicule en Malaisie "Les constructeurs qui s'adaptent le mieux à la redistribution des cartes sont ceux qui implantent leurs moyens de production près des marchés qu'ils ciblent", assure Mark Fulthorpe, expert automobile chez IHS. Et de citer l'allemand Volkswagen, le japonais Toyota, le sud-coréen Hyundai, l'alliance Renault/Nissan et les marques premium BMW et Daimler. En Indonésie, pays le mieux placé pour voler à la Thaïlande son titre de "hub" régional, la production de véhicules devrait passer à 2,6 millions d'unités en 2016, d'après Ong-arj Pongkijworasin, président d'une association de constructeurs, soit le double du volume attendu cette année par le gouvernement national.

En Asie toujours, la Chine restera attractive. Malgré le ralentissement de sa croissance économique, l'empire du Milieu comptera pour la moitié des 21 millions de véhicules supplémentaires vendus dans le monde en 2021, chiffre le cabinet IHS. Avec 79 véhicules pour 1 000 habitants en 2012, selon l'Organisation internationale des constructeurs automobiles (OICA), et un PIB par tête qui devrait progresser de 47% d'ici 2018, le pays continue d'afficher un fort potentiel de motorisation. Le Japon présentera lui aussi des atouts, non pas en tant que marché d'équipement, mais en matière de renouvèlement.

Le Maroc attire les fabricants désireux d'exporter vers l'Afrique et l'Europe du Sud-Ouest

Autre pays dans le viseur des fabricants, le Maroc. Le royaume est à l'Afrique et à l'Europe du Sud-Ouest ce que la Thaïlande est à l'Asie du Sud-Est : une base d'exportations. Les véhicules fabriqués en 2013 par Renault dans son usine de Melloussa, près de Tanger, ont été destinés pour plus de 90% à l'export. Au premier trimestre 2014, les exportations du Français depuis le port Tanger Med étaient en hausse de 68% sur un an. Comme Renault, près de 30 équipementiers se sont déjà implantés dans la zone franche de Tanger. Pas moins de 213 000 véhicules auront été produits cette année dans le pays, d'après PwC Autofacts. Et ce n'est qu'un début : l'institut anticipe une progression de 53% de la production au Maroc d'ici à 2020, par rapport à une année 2013 record, à 167 000 unités assemblées.

Les constructeurs de voitures ont aussi des vues sur l'Afrique du Sud qui, avec 175 véhicules pour 1 000 habitants et une hausse du PIB par tête estimée à 13% par le FMI, présente un potentiel de motorisation non négligeable. A titre d'exemple, l'Allemand Opel, dont les ventes sur place ont augmenté de 54% au cours des sept premiers mois de 2014, planifie d'accroître sa présence locale.

Et les pays développés dans tout cela ? "A court et moyen termes, la reprise que connaissent les Etats-Unis et l'Europe offrira aux fabricants des opportunités de croissance avec une marge plus élevée que l'Asie émergente", estime Mark Fulthorpe, d'IHS. L'année 2014 a en effet signé la reprise des ventes sur le Vieux continent, attendues en hausse de 5% en 2015, selon PwC Autofacts. La tendance anticipée, par Euler Hermès cette fois-ci, pour le marché automobile aux Etats-Unis est également à la hausse : +4% de croissance en 2014 et +3% en 2015.