Journal du Net > Economie  Untitled Document > Stelios, l'entrepreneur en série
A 40 ans, Stelios Haji-Ioannou a déjà fondé 18 sociétés. Photo © easyGroup

A 40 ans, Stelios Haji-Ioannou pourrait être le respectable PDG de la prospère Troopos Shipping, société chypriote fondée par son armateur de père. A 23 ans, déjà millionnaire et tout juste sorti de la London School of Economics, il en avait hérité les commandes. Peut-être serait-il alors parvenu à changer les méthodes de son père, spécialiste du rachat de tankers désuets revendus au prix fort lorsque le marché se tend.

Mais à 25 ans, Stelios, comme il aime à se faire appeler, en a décidé autrement. Le management vieille école, les mauvaises manières de son père et l'explosion en 1991 de l'un des pétroliers de la compagnie, avec une marée noire et cinq morts à la clef, lui ont fait quitter le navire. Il a 25 ans, 30 millions de dollars offerts par son père lui permettent de créer en 1992 sa propre compagnie maritime, toujours composée de pétroliers, mais que le jeune entrepreneur compte bel et bien exploiter et non pas vendre au plus offrant.

L'expérience est un succès. Après des années de bénéfices, Stelmar Shipping est introduite à la bourse de Wall Street en 2001, à 12 dollars l'action. Quatre ans plus tard, la même action en vaut 48. Stellios vend. Cette compagnie, aussi, a fini par l'ennuyer. Il n'en assure plus la direction depuis deux ans.

Stelios bébé, entouré de sa famille d'armateurs. Photo © easyGroup

Car Stelios n'aime pas gérer, il aime créer. C'est ce qu'il a de nouveau fait à partir de 1995, à 28 ans, en fondant easyJet, sa compagnie aérienne à bas coût qui propose des vols intra-Europe. C'est là qu'il expérimente et fait évoluer les principes de sa marotte, le low cost : réduction des coûts à tous les étages, en particulier de main d'œuvre, abandon de tous les services considérés comme accessoires, prix fixé selon la date de commande. Là encore le succès est au rendez-vous, l'Anglo-chypriote s'autorisant même une médiatique bataille avec la respectée British Airways, quitte à débarquer dans les avions de la vieille dame tout attifé de orange, sa couleur fétiche, pour tenir une conférence de presse. British Airways, qui pour le contrer avait lancé sa propre compagnie low cost, Go, finit par jeter l'éponge en 2001, revendant Go au groupe d'investisseurs 3i. Celui-ci s'empressera de la céder à... Stelios.

Au début des années 2000, easyJet étant à son tour devenue une compagnie respectable et respectée, Stelios recommence donc à s'ennuyer. Alors qu'easyJet a été introduite en bourse, il créée l'easyGroup, structure chargée de développer tous azimuts la marque Easy : pizzas, croisières, locations de voitures ou de DVD... avec des fortunes diverses. Souvent les concepts évoluent deux ou trois fois avant de trouver la bonne formule. Parfois, l'idée originelle est même complètement abandonnée. Il en a été ainsi d'easyCar, offre de location de voitures low cost pour laquelle les clients devaient laver le véhicule et faire le plein eux-mêmes. Cumulant les pertes, la société s'est transformée en courtier. Autre exemple avec easyCinema : un complexe de salles obscures, installé en Angleterre, a fermé ses portes début 2006, moins de trois ans après son ouverture. Les places étaient proposées à un tarif cinq fois inférieur à la normale. Faute de clients, easyCinema s'est recentré sur la location de DVD.

Pour la promotion de ses sociétés, Stelios s'implique à chaque fois personnellement.
Photo © easyGroup

De ses échecs, Stelios et l'easyGroup ont tiré une autre leçon : mieux vaut ne pas s'investir dans des entreprises gourmandes en capitaux, ou alors ne pas le faire seul. D'où la multiplication des partenariats, dans les montres et la téléphonie mobile notamment, et le recours à la franchise : hôtels, easyInternetcafé...

Peu à peu, celui qui aime à se définir comme un "serial entrepreneur" se mue donc en simple gestionnaire de marque, usant de sa personne pour la communication. Pourtant, difficile de parler d'une prudence retrouvée : dans les mois qui viennent, Stelio Haji-Ioannou ouvrira sa 17e entreprise, easyOffice. Toujours avec la même gourmandise.

www.stelios.com

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