Les retailers français soutiennent Apple Pay… sans prendre de risques

Les retailers français soutiennent Apple Pay… sans prendre de risques Le système de paiement mobile peut être utilisé par n'importe quelle borne NFC. De quoi se demander pourquoi une liste de partenaires français a été annoncée en grandes pompes.

De grands retailers français ont profité de l'annonce du lancement d'Apple Pay en France pour surfer sur la notoriété de la marque américaine… Sans toutefois prendre trop de risques en cas d'échec de la technologie. En avril dernier, Apple a égrené les noms des grands marchands français partenaires de sa solution de paiement : la Fnac, Boulanger, Carrefour, La Grande épicerie, Cojean, Flunch, Total et Dior. Une communication tournée de telle manière que les médias y ont vu "les premières enseignes acceptant Apple Pay". "Carrefour sera parmi les premiers en France à proposer Apple Pay à ses clients.", a-t-on notamment pu lire dans la presse.

Certains retailers ne sont pas au courant du fonctionnement du service d'Apple

Sauf qu'en réalité, le service Apple Pay pourra être utilisé partout où le paiement sans contact est autorisé, sur n'importe quelle borne de paiement NFC de n'importe quel commerçant : l'iPhone ou l'Apple Watch ne fait dans ce cas que remplacer la carte bancaire sans contact. Même si Auchan, qui dispose de sa propre application de m-paiement, MyAuchan, n'a pas signé de partenariat avec Apple, ses clients pourront payer avec Apple Pay. "Pour nous, c'est l'expérience client qui compte et nous ne l'interdirons pas, bien sûr, explique Philippe Courbois, directeur innovation chez Auchan Retail France. Mais nous pensons que nos clients préfèreront notre solution, qui permet d'utiliser ses bons de réduction, de retrouver son programme de fidélité facilement…"

Certains retailers ne sont d'ailleurs pas au courant du fonctionnement du service d'Apple. "Je pense qu'on ne peut pas accepter un paiement Apple Pay sans avoir noué de partenariat avec Apple, logiquement. Il faut bien négocier la commission", explique le directeur marketing d'un groupe de 350 magasins en France, dont la quasi-totalité équipés de terminaux compatibles NFC...

Pourtant, aucune commission n'est négociée entre Apple et le retailer, comme cela pourrait être le cas pour d'autres moyens de paiement. Car Apple Pay passe par la borne NFC et la commission d'acceptation reste celle, classique, d'un paiement par carte bancaire. C'est avec les banques qu'Apple négocie pour qu'elles puissent intégrer leur carte bancaire à son wallet, moyennant une commission prélevée sur chaque transaction. Des partenariats ont été annoncés avec BPCE, la Caisse d'Epargne… Mais aussi par exemple avec Carrefour Banque, filiale bancaire du groupe Carrefour, qui revendique plus de deux millions de porteurs de sa carte Pass.

Partenariats de visibilité

Dans le cadre du partenariat, les retailers français s'engagent à mettre à disposition de leurs clients des terminaux NFC et surtout à un échange de visibilité. "Apple va communiquer sur ses partenaires car ils ont la certitude que nous avons la technologie nécessaire pour accepter Apple Pay, explique Frédérique Martinez, directrice innovation client chez Carrefour Groupe. Carrefour a de son côté la possibilité d'utiliser la renommée de la marque Apple et de l'associer à la sienne pour la promouvoir." Les points de vente des retailers partenaires acceptant Apple Pay apparaîtront en outre sur le service Maps. De son côté, le retailer va "informer ses clients du nouveau service via différents canaux de communication et promouvoir Apple Pay dans ses points de vente", ajoute Frédérique Martinez.

Apple ne peut pas accéder aux données des clients

Pour les marchands français, s'allier à Apple Pay est aussi l'occasion de promouvoir le paiement mobile, censé faciliter l'expérience client. "Le point névralgique, c'est de réduire l'attente en caisse en accélérant le paiement", explique Cyril Olivier, de Kiabi. Sans toutefois trop se mouiller en cas d'échec ni lancer d'investissements colossaux pour faire accepter la technologie. Et sans non plus se compromettre en ouvrant ses données à Apple, puisque toutes les données sont chiffrées et inaccessibles pour le géant américain.

Les retailers restent d'autant plus prudents que le m-paiement n'a pas encore fait ses preuves et que les résultats d'utilisation d'Apple Pay dans la plupart des pays où la technologie est déjà installée sont pour l'instant loin d'être faramineux : seule une personne sur vingt disposant du service l'utilise quand elle en a la possibilité. La plupart expliquent qu'elles n'utilisent pas le service parce qu'il n'est pas meilleur que les alternatives déjà existantes.

Interrogés sur les débuts difficiles d'Apple Pay, les retailers se contentent pour la plupart de botter en touche en assurant vouloir proposer un éventail de moyens de paiement le plus large possible. "Pour faciliter la vie de nos consommateurs, nous voulons accepter tous les moyens de paiement disponibles, même s'ils ne représentent que quelques pourcents des transactions, à condition qu'il n'y ait pas de surcoût, que l'intégration soit facile et que l'on garde la maîtrise de la relation client", assure Marc Gigon, directeur digital de la branche marketing & services de Total.

Le principal bénéfice d'Apple Pay réside en fait dans la possibilité de payer au-delà de 20 euros en sans contact avec l'authentification Touch ID. Intéressant, par exemple, pour Total. "Les paiements d'essence dépassent très souvent 20 euros donc jusqu'ici le pourcentage des paiements NFC dans le réseau est faible", explique Marc Gigon.

Plusieurs retailers travaillent sur leur propre application

Avec Apple Pay, les retailers ont donc vu l'occasion rêvée de tester le paiement mobile auprès de leurs clients, quitte à travailler de leur côté sur une solution concurrente (sur Android et Windows Phone, puisque Apple n'ouvre pas sa technologie NFC) qui regrouperait également des avantages et programmes de fidélité – un moyen, peut-être, de faire décoller le m-paiement.

"De manière générale, nous allons accélérer sur le paiement mobile, décrit Frédérique Martinez, de Carrefour. Nous travaillons avec BNP Paribas pour lancer d'ici la fin de l'année un service sur le wallet Wa !, qui accepte les moyens de paiement et programmes de fidélité." Une solution domestique à la MyAuchan, d'autres y pensent aussi. Kiabi, par exemple, n'exclut pas de lancer sa propre application.

Prochaine étape : l'arrivée d'Apple Pay sur les sites Web, à l'automne a priori. Pour accepter le concurrent de Paypal, les retailers devront alors négocier une commission en direct avec la marque américaine. Et décider, donc, s'ils veulent réellement s'engager auprès de la marque américaine et miser sur son succès en ajoutant une énième option de paiement. Kiabi, par exemple, est déjà en discussions pour ajouter Apple Pay online sur son site. 

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