Journal du Net > Economie  > La France va mettre la main sur des trésors
ENQUETE
 
04/10/2006

Ces trésors sous-marins sur lesquels la France veut mettre la main

Nom de code : projet Extraplac. Depuis 2002, l'Etat explore des fonds marins à la recherche des ressources du futur. Avec un objectif, s'approprier et exploiter une quinzaine de territoires maritimes.

  Envoyer à un ami | Imprimer cet article  

D'ici 2009, la France espère augmenter son domaine maritime de 10 %, soit l'équivalent d'un million de kilomètres carrés. Depuis la ratification de la convention internationale de la mer, un état côtier dont le plateau continental s'étend au-delà de ses eaux territoriales peut en revendiquer l'extension. Concrètement, si l'ONU accède aux demandes de la France, cette dernière pourra exploiter en toute légalité les ressources du sol et du sous-sol d'une quinzaine de zones, du golfe de Gascogne aux DOM-TOM. Devant une telle opportunité, le gouvernement ne s'est pas fait prier. Depuis 2002, il a confié à l'Ifremer l'exploration des fonds de plusieurs plateaux aux limites du territoire. C'est le projet " Extraplac ".

Le projet Extraplac étudie l'opportunité de quinze revendications territoriales à travers le monde. Carte © Ifremer
"C'est un pari économique qui repose sur une expertise scientifique

"C'est un pari économique qui repose sur une expertise scientifique" explique le coordinateur du projet, Xavier de La Gorce, le secrétaire général de la mer, dont le service est rattaché au Premier Ministre. En quatre ans, le gouvernement a consacré 10 millions d'euros à ces explorations. "On cherche du pétrole" avoue sans détours le secrétaire général. Du pétrole, mais aussi de l'hydrate de gaz, des minerais et des molécules. "Nous faisons l'inventaire des ressources pour chaque zone revendiquée" résume Walter Roest, chercheur à l'Ifremer et responsable du projet Extraplac. "En fonction des résultats, on peut envisager ici ou là des débouchés commerciaux et industriels" continue le chercheur. "Si l'ONU nous accorde les autorisations, nous avons l'assurance de pouvoir exploiter d'ici cinq à quinze ans" confirme Xavier de La Gorce.


Des milliards de mètres cube de gaz sous les eaux

Les grosses entreprises aussi comptent bien ne pas passer à côté de cette aubaine. Total suit de très près l'évolution des sondages en cours. En Guyane notamment, Walter Roest confirme la présence d'hydrocarbures - pétrole et hydrate de gaz - au-delà de 3.000m mètres de profondeur. "Nous portons à la Guyane autant d'intérêt qu'à d'autres régions ou la présence de pétrole est avérée" explique


L'Ifremer explore les fonds marins à partir de son navire océanographique, l'Atalante. Photo © Ifremer

le groupe pétrolier. Alors la compagnie attend. Elle attend la validation par l'ONU du dossier français – il sera présenté au deuxième semestre 2007 –  pour envisager une quelconque exploitation. Elle attend également de voir comment évolue le marché mondial des hydrocarbures. Car ce n'est pas tout de disposer de pétrole faut-il encore l'exploiter. Et si Total sait exploiter des puits à 1.400m et de profondeur, le groupe pétrolier ne s'aventure pas encore au-delà. D'autant plus que si les ressources existent, elles doivent être suffisantes pour être rentables. Même si ces réserves sur le territoire national tomberaient à pic. Xavier de La Gorce le reconnait d'ailleurs: "le choix des sites à revendiquer est encouragé par les entreprises". Pourtant, ce n'est pas tant le pétrole qui pourrait faire la fortune de l'Hexagone, mais l'hydrate de gaz. Ces poches de gaz présentent dans les fonds marins constituent un fabuleux trésor énergétique.

Il y en a quasiment partout dans les zones que la France entend revendiquer devant l'ONU : Golfe de Gascogne, Guyane, Nouvelle Calédonie, Réunion, Martinique, ou Guadeloupe. Le service géologique américain (USGS) estime à 20 milliards de km3 la quantité de méthane présente sous forme d'hydrate dans les fonds marins à travers le monde.C'est deux fois plus que les réserves mondiales de pétrole, de gaz et de charbon réunies. L'avenir possible de la ressource énergétique en somme.
La France veut étendre son domaine maritime d'un million de km².
Photo © Antoine ORTIZ
Mais selon la communauté scientifique, les connaissances requises pour produire les hydrates de gaz de façon rentable sont encore insuffisantes pour le moment. Une question de temps sans doute, mais un potentiel énorme que le gouvernement a bien compris: "Il faut optimiser l'ensemble de nos droits sur ces zones pour assurer l'interêt des générations futures" juge Xavier de La Gorce.

Mines moléculaires

Autres ressources à la rentabilité plus certaine, les molécules présentes dans les fonds marins. De nombreux secteurs industriels comptent sur l'étude de cette biodiversité : enzymes, polymères et métabolites secondaires. Des noms barbares qui n'en trouvent pas moins des applications commerciales directes. L'agro-alimentaire optimise déjà les processus de conversion de l'amidon en dérivés sucrés avec des enzymes. Les laboratoires pharmaceutiques innovent de plus en plus à partir de la découverte de nouvelles molécules. Avec les enzymes, l'industrie papetière évite de recourir à des procédés polluants.

Le marché mondial est actuellement en plein boom. En 2000, celui des ezymes était estimé à 3,6 milliards de dollars. Les applications industrielles effectives sont encore limitées. Car aujourd'hui, dans bien des cas, ces molècules sont trop fragiles pour un usage industriel. Celles des grands fonds marins

revendiqués par la France semblent plus robustes. Ils présentent donc un potentiel plus important, et ces zones maritimes pourraient rapidement devenir des mines moléculaires. L'Ifremer confie déjà ses échantillons à la société Protéus qui se charge d'entreprendre des recherches ciblées à la demande des industriels. Mais avant de se prendre à rêver à de nouveaux eldorados - l'Ifremer parle de ressources en or et en argent au large de la Polynésie Française, "la France devra démontrer l'intérêt de sa démarche auprès des experts de l'Onu" prévient Walter Roest. Sur certaines zones, d'autres pays sont sur les rang. Un différent entre la France et le Surinam se profile déjà à propos de la frontière maritime au large de la Guyane.
JDN Economie Envoyer | Imprimer Haut de page

Sondage

Réalisez-vous des achats via des apps de shopping ?

Tous les sondages