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ENQUETE
 
04/10/2006

Comment l'UFC-Que choisir tente d'influencer les hommes politiques

Arnaud Montebourg, Hervé Mariton, Patrick Devedjian... L'association de défense des consommateurs veut imposer ses vues aux politiques. Voici ses méthodes.

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Julien Dourgnon, directeur des études de l'UFC-Que Choisir Photo © DR
Avant les élections, tout le monde est ravi de nous recevoir"

A les écouter, les hommes politiques se désintéressent des associations de défense du consommateur. Même de la plus médiatique d'entre elles, l'UFC-Que choisir.

Pourtant, le projet socialiste pour la présidentielle 2007 intègre une taxation exceptionnelle des bénéfices des groupes pétroliers. Et la Convention justice de l'UMP, base du programme présidentiel du parti, comprend un chapitre entier sur les class actions (ou actions de groupe). Soit deux revendications lancées en grande pompe par l'UFC-Que choisir en 2005 et 2006.

Mais pour en arriver là, et avant ces grands messes médiatiques dont elle est coutumière, l'association s'attelle à une tâche autrement plus laborieuse : rencontrer et surtout convaincre les hommes politiques. Ces derniers mois, elle a discuté fiscalité pétrolière avec l'UMP Hervé Mariton, droits d'auteur avec les socialistes Patrick Bloche et Christian Paul, rencontré le porte-parole de Ségolène Royal Arnaud Montebourg et aussi les directeurs d'étude de Nicolas Sarkozy, François Bayrou et Dominique Strauss-Kahn.

Pourquoi eux ? "Il n'y a pas vraiment de règles", assure Julien Dourgnon, directeur des études de l'association. Selon les thématiques, l'UFC sollicite aussi bien l'UMP Christine Boutin (droits d'auteur) que le socialiste Didier Migaud (fiscalité). Par pragmatisme plus qu'autre chose, l'UFC-Que choisir se veut apolitique : "le consumérisme ne peut pas être rattaché à une idéologie. Parfois, les hommes de gauche se révèlent plus libéraux que ceux de droite". Exemple avec les opérateurs mobiles : "la droite ne veut pas intervenir pour améliorer la concurrence alors que c'est elle qui a ouvert le marché". Patrick Devedjian, conseiller politique de Nicolas Sarkozy, ne dit pas autre chose : "il n'existe pas une consommation de droite et une consommation de gauche".

Patrick Devedjian, conseiller politique de Nicolas Sarkozy.
Photo © Marco Pirrone
Il n'existe pas une consommation de droite et une de gauche"

Bien sûr, pour l'UFC, l'idéal restera toujours de rencontrer les ministres en exercice. Ce fut le cas avec Patrick Devedjian, quand à l'Industrie, celui-ci chapotait la consommation. Aujourd'hui, Julien Dourgnon fustige Thierry Breton, "seul ministre de la conso à n'avoir jamais reçu les associations de consommateurs".

Qu'importe, l'UFC a commencé son tour des présidentiables. "Avant les élections, tout le monde est ravi de nous recevoir", s'amuse le consumériste. Ce que confirme le villepiniste Hervé Mariton, "ouvert à tous les groupes qui ont des idées". L'association tente de persuader ce proche du Premier ministre de faire évoluer la fiscalité pétrolière.

Car rencontrer ne signifie pas convaincre. Malgré ses 120.000 adhérents et les 420.000 abonnés de la revue Que Choisir, l'association peine souvent à faire valoir ses arguments. "A chaque fois, nous devons démontrer que nos propositions ne sont pas anti-économiques, se désole le directeur des études. Trop souvent, les hommes politiques s'opposent à la régulation car ils la conçoivent comme de l'interventionnisme d'Etat." Paradoxalement, "ils deviennent alors des défenseurs de l'anti-concurrence".


Les politiques, entre opportunisme et désintérêt

Autre difficulté, le sujet ne passionne pas forcément les élites. L'explication d'Hervé Mariton : "les sujets de consommation sont souvent perçus comme peu chics, ni savants ni institutionnels". Ou pire, "ils ont une entrée scientifique, or ni les hommes politiques ni les médias n'apprécient la science." Résultat, si "la défense du consommateur est fondamentale pour les citoyens, elle n'est pas toujours visible. Elle n'a pas émergée dans la vie politique". Bref, elle se retrouve sur le devant de la scène "de manière anecdotique". Généralement, au gré d'un "opportunisme des politiques qui peut s'éteindre immédiatement", commente Julien Dourgnon, qui reconnaît néanmoins que "ces positionnements stratégiques (l')arrangent".

Hervé Mariton, député UMP, proche de Dominique de Villepin
Je suis ouvert à tous les groupes qui ont des idées"

Pourtant, conteste Patrick Devedjian, apprécié par le monde du consumérisme pour ses prises de position fortes lors de son passage à l'Industrie, "la défense du consommateur n'a pas vraiment d'intérêt politicien. Regardez Ralph Nader (candidat à la présidentielle américaine), qui a échoué sur ce thème aux Etats-Unis. En tant que ministre, je me suis beaucoup intéressé à la défense du consommateur et je ne pense pas que cela m'ait rapporté beaucoup de voix. Les consommateurs sont d'abord des citoyens, dont les opinions politiques sont différentes de leur attitude de consommation".

La relative discrétion des idées consuméristes dans le débat politique, le député des Hauts de Seine l'attribue plutôt au manque d'organisation des consommateurs : "Ils sont moins organisés que les retraités, c'est dire !", déplore l'ex-ministre, qui évoque "un problème culturel" en voie d'amélioration. "Il faut désormais diffuser cette culture de la consommation. Chacun a un rôle à jouer : les associations, la presse, mais aussi les producteurs et les consommateurs".

Julien Dourgnon, lui, est persuadé que "le consumérisme est en train de pénétrer la sphère politique", même s'il dénonce "l'infiltration" des acteurs économiques. Et de citer ce conseiller en nouvelles technologies de Dominique de Villepin. Quelques semaines après avoir rejeté les propositions de l'UFC sur les mobiles, il devenait directeur de la réglementation et des études économiques d'un grand opérateur français.

Conclusion, pour le consumériste, les politiques "les plus réceptifs" seront toujours "ceux qui ont des convictions, car ils sont affranchis des lobbys industriels et capables de ne pas suivre la discipline d'un groupe politique".

 


Qu'a prévu l'UFC-Que choisir pour la présidentielle 2007 ?

L'UFC-Que choisir n'a pas prévu de se faire entendre plus particulièrement pendant la campagne électorale de 2007. En revanche, souligne Julien Dourgnon, elle fera connaître auprès des candidats "ses exigences et demandera des réformes fortes, en espérant que ce sera entendu".
Les exigences en question :
- "Faciliter l'accès à la justice, notamment grâce aux class actions, pour faire du droit un régulateur"
- "Renforcer la régulation, notamment dans le secteur bancaire et plus globalement dès lors que l'on a affaire à des secteurs à l'économie concentrée : les centrales d'achat, la téléphonie mobile, l'industrie culturelle"
- "L'interdiction de la publicité alimentaire à destination des enfants"
- "Un renforcement du poids institutionnel du consommateur, pourquoi pas avec la création d'un grand ministère de la consommation"

 

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