ENQUETE
23/11/2006
Zambia Copper : les boursicoteurs en sont fous
C'est l'histoire de Zambia Copper Investments (ZCI), une histoire qui pourrait se terminer dans quelques semaines quand elle a débuté il y a 36 ans. Bientôt, les 28,4 % qu'elle possède dans les mines de Konkola Copper Mines seront peut-être revendus et feront de ZCI une entreprise richissime (de 735 millions de dollars selon Morgan Stanley) et de ses nombreux actionnaires français des hommes comblés. Cela alors qu'elle ne pèse que 220 millions d'euros aujourd'hui ou 18 millions il y a quatre ans. Désormais demeure juste l'ultime conflit d'une longue liste, avec l'actionnaire principal du moment, l'indien Vedanta. Retour en arrière. Dans les années 70 la Zambie décide de jeter hors de ses terres les exploitants étrangers de ses richesses minières: le cuivre, le cobalt. Chassé, l'Anglo American Company, géant sud-africain, renonce une première fois à ce qu'on appelle alors la "Perle de la couronne du Coper Belt", la mine de Konkola. Considérée comme la plus riche du continent africain, ses réserves de minerais s'élèveraient à 500 millions de tonnes à 4 % de teneur de cuivre. En 1970, la nationalisationAvec d'autres, la mine de Konkola est nationalisée et entame une seconde vie. Seules 30 % des mines zambiennes restent cotées en bourse, regroupées au sein d'une unique structure domiciliée aux Bermudes : la Zambia Copper Investments, relique de l'empire zambien d'Anglo American, son principal actionnaire. C'est là que se réfugient également les milliers d'actionnaires français, fascinés depuis toujours par les mines africaines.
Ensuite, pendant vingt ans, la Zambie de Kenneth Kaunda, le "Gandhi africain", néglige la mine de Konkola, ne réalise pas les investissements nécessaires à sa modernisation, fait passer le pays du rang de 4e producteur mondial de cuivre à celui de onzième. L'arrivée au pouvoir, en 1991, de Frederick Chiluba, fut le premier acte de la troisième vie de la mine de Konkola. Et de ZCI. En 1991, le retour des privatisationsLibéral en diable, le nouveau président zambien décide de faire l'inverse de son prédécesseur et de privatiser l'ensemble du secteur minier. Et pendant huit ans lui et son gouvernement ont cherché sans le trouver l'investisseur idéal pour la mine de Konkola. Après de nombreuses propositions et autant d'échecs, leur choix se porta, de guerre lasse, sur l'Anglo Américan Company, de retour en Zambie trente ans après en avoir été expulsé. Nous sommes en 1999, ZCI obtient 60% des mines de Konkola. Le cours de l'action, qui a enchaîné les hausses et les baisses spéculatives pendant huit ans, s'envole de 20 %... Quatrième vie.
Le Sud-africain promet rapidemment un investissement de 310 millions d'euros pour moderniser la mine et augmenter sa production. Il table sur 200.000 tonnes de cuivre et 100.000 de cobalt extraites chaque année pendant vingt ans ! Une "fondation" montée de toute pièce comme actionnaireZCI se retrouve avec un nouvel actionnariat. Toujours propriétaire de la mine de Konkola avec l'Etat zambien, qui en conserve 42 %, elle appartient alors à des particuliers (47,7 %), dont de nombreux Français, à des dirigeants de la mine (8 %), et à une "fondation" (44,3 %) montée de toute pièce par l'Anglo American, qui lui a donné ses titres gracieusement. La "fondation" est chargée de participer au développement de l'économie zambienne. Bien sûr, aucune de ces trois entités n'a les moyens d'investir dans la mine, privées de la puissance financière de l'Anglo American.
La Zambie n'a donc pas d'autre choix que de trouver un nouveau partenaire. L'Etat lance pour cela un appel d'offre international. Une procédure qui durera deux ans et pendant laquelle la mine de Konkola creuse son retard face à la concurrence.
Les Indiens pour une bouchée de painMichel Clerc, ancien directeur de la rédaction de Paris Match et président d'une association de défense des actionnaires minoritaires de ZCI raconte : "Pour une bouchée de pain, moins de 50 millions de dollars - soit un mois et demi de résultat de la mine à l'époque! -, ils sont devenus actionnaires majoritaires à hauteur de 51%, tandis que la part dans la mine de ZCI descendait à 28,4 %" Pour lui, "les successeurs d'Anglo American, la fondation et les Zambiens, ont très mal négocié et se sont fait avoir. La banque responsable de l'appel d'offres, quant à elle, a expliqué qu'elle n'avait pas trouvé meilleur candidat". Une affirmation qui ne lasse pas d'étonner les observateurs du dossier.
On pourrait croire l'aventure Zambia Copper Investments terminée. Quoique lésée d'une partie de ses actifs, elle dispose désormais d'un partenaire solide, qui se charge d'exploiter et de moderniser la mine. Mais c'était sans compter sur son destin si particulier, ni sur l'appétit féroce des Indiens de Vedanta. Fin 2005, ceux-ci ont décidé de lever l'option d'achat sur les parts de ZCI à laquelle son entrée dans le capital de la mine lui donne droit. Mais cette part, Vedanta refuse de la payer au prix fort. Quand ZCI l'estime à 250 millions de dollars, il en propose 80 !
La date de valorisation, ultime obstacle au rachatAprès enquête, il s'avère que Vedanta entend tout simplement faire estimer la valeur des parts de ZCI à la date du 5 août 2005, et non pas à la date de la vente. On la comprend : si le cuivre s'échange aujourd'hui aux alentours des 7.000 dollars la tonne, mi-2005, ce prix se limitait à 3.000 dollars. Valoriser les parts de ZCI à août 2005 reviendrait de fait à diviser par deux ou trois sa valeur actuelle ! Une éventualité dont ne veulent entendre parler ni les actionnaires de ZCI ni ses administrateurs.
Ceux-ci ont émis un avis d'arbitrage à l'attention de Vedanta. Deux ou trois arbitres internationaux doivent donc être nommés "dans les semaines qui viennent". Une fois la question réglée, la banque Rothschild sera de nouveau mandatée pour valoriser les parts de ZCI. "Et cette fois, prévient-on à Zambia Copper, si Vedanta, qui espère une chute des cours du cuivre, continue de faire traîner les choses, nous les contraindrons soit à exercer leur option d'achat, soit à y renoncer". Une seconde hypothèse qui paraît peu envisageable.
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