L’inflation est porteuse d’une menace insidieuse sur les profits
Paradoxalement, les hausses modérées de coûts peuvent se révéler plus difficiles à passer au niveau des prix de vente que les fortes hausses très visibles comme celles des matières premières. En étant peu répercutées, elles constituent une sérieuse menace d’érosion des profits.
Lorsque l’on
observe les prévisions d’inflation sur les années à venir, mesurées par l’évolution
de l’indice des prix à la consommation (IPC, ou CPI pour Consumer Price Index),
les chiffres ont de quoi inquiéter. Une inflation de 2 à 3% est attendue en
zone européenne, de 4 à 6% en Amérique du Nord, et de 7 à 9% en Asie.
D’après
l’OCDE, l’Allemagne se situait déjà en juin 2011 à 2,3%, la France à 2,4% et
l’Italie à 2,7%, mais un deuxième groupe de pays enregistre des valeurs
nettement plus fortes, comme l’Espagne à 3,2% et l’Angleterre avec 4,2%, pour
une moyenne européenne à 3,1%.
Quant aux pays émergents, ils concentrent déjà
les hausses les plus fortes, reflet de la surchauffe de leurs économies en
forte croissance (cf. graphique), avec des taux entre 6,4 et 9,4%. Et la
tendance en 2011 montre une nette accélération : aux Etats-Unis, les
valeurs 2010 observées mensuellement sur 12 mois glissants se situaient entre
1,1 et 1,2%, mais une augmentation brutale à 1,5% est apparue en décembre 2010,
tandis qu’en 2011 des hausses fortes et régulières ont amené la hausse des prix
à 3,6% en juin.
De même en France, les valeurs de 2010 se situaient entre 1,4
et 1,8%, et ont grimpé en 2011 à pas moins de 2,2% en juillet 2011.
Or, cette hausse
de l’inflation va de pair avec deux défis importants à relever par les
entreprises :
d’une part, une hausse des coûts des matières premières et
des coûts de production ;
d’autre part, un effet de dévaluation ou baisse
de la valeur relative de l’argent, sur lequel nous reviendrons.
Ces deux défis se
répercutent sur la politique de prix que les entreprises elles-mêmes doivent
définir vis-à-vis de leurs clients, qui doivent dès lors les intégrer pour
protéger leurs marges.
Les hausses de
coût représentent une difficulté importante auxquelles beaucoup d’entreprises
doivent face. Comment préserver la rentabilité avec une base de coûts qui
explose, si ce n’est en les répercutant sur les prix de vente ? A ce
niveau, un paradoxe apparaît : lorsque les hausses de coût sont très
fortes (+82% sur le blé, +31% sur le cuivre…), la plupart des entreprises
européennes parviennent à passer des augmentations de prix car leurs clients sont conscients de leurs fortes
hausses de coût et ne peuvent ignorer l’évolution des marchés. Dans ce
contexte, le principe d’une hausse est ainsi globalement bien accepté, même si
elle doit être répartie en plusieurs fois et met les fournisseurs sous tension.
De plus, des hausses d’une telle ampleur conduisent les fournisseurs à adosser
les contrats clients à un sourcing dédié de même durée afin de neutraliser le
risque.
En revanche, pour
des hausses de coût supérieures à la normale mais d’amplitude relativement
modérées (+3,6% sur certains composants en plastique, +4,2% sur des pièces en
acier…), la menace est plus insidieuse, car les clients ont tendance à considérer
que ces hausses de coût sont faibles et devraient être absorbées par les gains
de productivité de leurs fournisseurs, surtout lorsqu’ils les mettent en regard
des très fortes amplitudes à la hausse sur d’autres postes. Or, une hausse de
coût de 4% au lieu de 2% l’année passée, si elle n’est pas répercutée,
représente mécaniquement une perte de marge sur prix de vente de 2%, grevant
fortement la rentabilité.
Cette dernière menace, qui peut concerner le plus
grand nombre de postes de coût, doit donc aussi être prise très au sérieux. En
pratique, en l’absence de préparation particulière, un écart de 1 à 2 entre les
hausses de prix demandées et celles finalement obtenues est généralement
observé, c’est-à-dire que seule la moitié de la hausse est passée, soit par le
jeu des négociations, soit par l’effet temps (des négociations n’aboutissant
qu’au bout de 6 mois ne s’appliquent en effet plus que sur les 6 mois
restants).