La fameuse semelle rouge de Louboutin n'est pas une marque valable
Qui ne connaît pas les souliers de Christian Louboutin ? Mondialement célèbre, il est réputé pour ses escarpins, tous dotés d'une semelle rouge parfaitement identifiable. D'autres créateurs de chaussures ont cru pouvoir utiliser, eux aussi, une semelle de couleur.
C'est notamment le cas de la société Zara, qui a
commercialisé en France des escarpins comportant eux aussi une semelle rouge.
Christian Louboutin s'est alors plaint d'actes de concurrence déloyale et
d'actes de contrefaçon de marque. La fameuse semelle a en effet fait l'objet
d'un dépôt de marque internationale, sous la forme d'un signe semi-figuratif
représentant une "semelle de chaussure de couleur rouge".
Devant la Cour d'appel de Paris, Zara avait soulevé
la nullité de cette marque, aux motifs qu'elle ne répondait pas aux exigences
de clarté, de précision, d'accessibilité, d'intelligibilité et d'objectivité
requises.
En d'autres termes, Zara soutenait que la marque ainsi déposée ne
permettait pas de savoir ce que représentait exactement la marque déposée. Par
un arrêt du 22 juin 2011, la Cour d'appel a fait sienne cette argumentation et
prononcé la nullité de cette marque en retenant que "s'agissant particulièrement de souliers féminins (…), la semelle
ne peut se définir par une forme en deux dimensions apte à être représentée (…)
par une figure à plat, mais par une cambrure, une épaisseur ou d'autres
éléments caractérisant une forme tridimensionnelle que seule une image en perspective
est susceptible de rendre". En somme, la Cour a considéré que cette
représentation ne pouvait pas constituer une marque valable bénéficiant d'un
pouvoir distinctif suffisant.
Par un arrêt du 30 mai 2012, la Chambre commerciale
de la Cour de cassation a rejeté le pourvoi formé par Christian Louboutin,
scellant ainsi le sort de sa marque représentant une semelle rouge. Alors que
le créateur soutenait que la représentation graphique de la marque était
suffisamment claire et qu'au demeurant, le caractère distinctif de cette marque
avait été acquis par l'usage, la Cour a retenu deux arguments principaux.
D'une part, elle a estimé, comme les juges du fond,
que la représentation en deux dimensions de la semelle n'était pas de nature à
permettre d'identifier clairement le signe protégé.
D'autre part, elle a retenu que l'utilisation
systématique d'une semelle rouge par Christian Louboutin permettait certes de
caractériser la notoriété d'une gamme de chaussure, mais non la renommée et la
distinctivité d'une marque.
Ainsi, la procédure engagée par Christian Louboutin
a abouti à l'annulation de sa marque, en plus du rejet de ses demandes au titre
des actes de concurrence déloyale. La Cour d'appel avait en effet considéré que
le créateur ne pouvait pas valablement interdire à quiconque de commercialiser
des chaussures munies de semelles de couleur rouge.
Est-ce à dire que l'utilisation d'une semelle rouge
sur des escarpins est désormais libre ? On pourrait le penser. Mais Christian
Louboutin, sans attendre le délibéré dans cette affaire, a déposé une nouvelle
marque tridimensionnelle, ceci permettant de répondre à l'argument principal de
la société Zara dans cette affaire. On conseillera donc aux fabricants
d'escarpins d'utiliser la semelle de couleur avec précaution…