En finir avec les diktats désastreux des majors du disque
Le simple bon sens développé par la Ministre de la Culture et de la communication a récemment provoqué une escalade de critiques dont la violence contraste singulièrement avec le manque de clairvoyance dont ses auteurs ont fait preuve jusqu'alors.
Le Conseil National de la Musique (CNM) a été lancé par le prédécesseur
d’Aurélie Filippetti sans qu’aucun financement pérenne ne lui soit dédié. Ce
projet a donc été logiquement suspendu pour ne pas le conduire dans une
impasse.
L'industrie du disque a alors crié au
scandale, exigeant des pouvoirs publics des « compensations » alors
même que le financement de ce centre, initialement conçu afin de soutenir cette
même industrie, relevait majoritairement des ressources publiques.
Dans un contexte économique difficile,
cette attitude, de la part de sociétés qui ont largement été soutenues aux
frais de la collectivité (crédit d’impôts, carte musique, création de la
HADOPI) est particulièrement choquante.
L'industrie phonographique doit cesser de
prétendre parler au nom de tous et de confisquer le débat au profit de ses seuls intérêts.
Au début des années 2000, les Majors, opposées à la présence de leurs catalogues sur Internet, ont généré les usages illicites qui seuls permettaient alors l'accès à la musique sur ce réseau. Elles se sont ensuite attaquées brutalement à ces usages et ont tenté, par des dispositifs anti-copie onéreux, intrusifs et inefficaces, de contrôler l'utilisation de la musique.
Depuis plus de six ans, cette industrie est à
l'initiative de lois inutiles et coûteuses pour la collectivité.
La loi du 1er août 2006 est venue punir
sévèrement l'utilisation des enregistrements
sur Internet en dehors des services commerciaux.
Lorsqu'il a fallu débattre d'une licence
globale proposée par la SPEDIDAM afin de créer
un contrat culturel entre public et créateurs qui aurait permis les
usages des uns et la rémunération des autres, c'est la répression qui a été choisie,
portée par le lobby des majors avec des peines théoriques de 3 ans de prison et
300 000 euros d'amende.
Excessive et dérisoire, cette législation
ne peut être appliquée, dans un état démocratique, aux millions d'utilisateurs
qui échangent quelques fichiers en dehors des circuits commerciaux.
L'industrie est alors venue avec une
nouvelle solution. Deux lois ont créé la Hadopi, chargée de mettre en œuvre un
dispositif d'avertissements aux internautes échangeant des fichiers sur
Internet, sans supprimer le dispositif répressif antérieur.
On en connaît le coût et les résultats. Au
surplus, l’image des droits de propriété
intellectuelle s’est fortement dégradée .
Malgré toutes ces gesticulations et ces
financements coûteux, en raison
également d'un entêtement à
vouloir contrôler les usages sur Internet, l'industrie phonographique a perdu
près des deux tiers de ses revenus au cours des dernières années.
Cette stratégie désastreuse qui a rompu la
relation de confiance entre les créateurs et leur public, otages de choix
déraisonnables, a mené tout un secteur dans une impasse, entrainant dans sa
chute les petits labels qui font la richesse et la diversité de notre tissu
culturel.
Dans le même temps la logique répressive,
socialement coûteuse et dommageable pour la relation qui unit artistes et
public, laisse sans ressources les créateurs.
La logique commerciale des services sur
Internet exclut également l'immense majorité des artistes interprètes de toute
rémunération. Les majors imposent en effet à la quasi totalité des artistes des
contrats par lesquels leurs droits pour les utilisations sur Internet sont
cédés sans contrepartie.
Le pouvoir politique doit avoir le courage et la volonté de changer un système injuste et déséquilibré. Les propos raisonnables tenus par Aurélie Filippetti semblent aller dans ce sens et il faut lui laisser le temps d'élaborer et de mettre en œuvre les réformes nécessaires.
Il faut faire cesser les logiques de
répression et rémunérer les artistes interprètes qui portent la musique et
l'audiovisuel vers le public, leur public.
La mission Lescure, si elle est menée sans
a priori, avec la volonté de mettre un terme aux errements passés, peut
permettre de tracer les nouvelles lignes d'une politique qui réconcilierait
enfin les artistes et ce public.
C'est pour cette raison, et avec cet
espoir, que la SPEDIDAM y participera au nom des artistes qu'elle représente et
en premier lieu les 32 000 artistes
interprètes qui sont ses associés.