Etes-vous assez riche pour vous payer du low-cost ?
La crise semble ouvrir de plus en plus de débouchés aux offres low cost. Faut-il pour autant y avoir systématiquement recours ?
La guerre économique est
une donnée permanente que l'entreprise doit intégrer : qu’elle la mette en œuvre
ou la subisse.
Sur des marchés en
"mutation" – en situation de forte évolution et/ou de décroissance –
l’arme tarifaire semblerait pour certains la solution évidente afin de
maintenir ou augmenter les ventes. Si cela peut paraître concevable à l’instant "t", il convient d'être beaucoup plus circonspect sur le long terme.
En premier lieu, pour ce
qui concerne la capacité de l'entreprise à tenir des volumes de production élevés
– et idéalement toujours croissants –, ce qui n’est pas totalement évident sur
des marchés saturés ou proche de la saturation.
Ensuite, du point de vue
du consommateur auquel on martèle que performances en hausse et prix en baisse
sont des mouvements naturels, et qui de ce fait ignorera de plus en plus les
offres "cohérentes" au profit de celles qui ont pour seule caractéristique
le rapport qualité-prix (apparemment) exceptionnel.
Enfin, d’un point de vue général,
car le coût du low cost est finalement fort élevé si l’on considère les effets
collatéraux qu'il induit : fermetures d’usines, délocalisations et perte de
compétitivité technologique du fait de transferts massifs de savoir-faire au
profit de tiers.
Bref, vouloir être le
moins cher est peut-être action ponctuellement efficace quand il s'agit de
(re)conquérir de la part de marché, mais c’est une solution qui présente à la
fois un fort niveau de risque en termes commerciaux ainsi qu'un bilan financier
douteux sur le long terme.
Pour s’en convaincre, examinons deux entreprises qui, pour des raisons au départ louables ont investi dans la politique du low cost, et qui l'ont payé très cher :
Premier exempleVoici une entreprise de tablettes tactiles, dont les dirigeants sont dynamiques et créatifs, et qui sait proposer au marché des solutions avant-gardistes et intelligentes.
Afin de lutter contre les ténors du secteur, ces dirigeants ont eu l’idée de lancer en parallèle des produits de leur marque, une gamme en « marque blanche », pouvant être revêtu d’une marque au choix (d’un industriel ou d’un distributeur), pourvu que les volumes achetés soient conséquents.
Dans l'optique de rendre cette offre attractive, les dirigeants ont estimés qu’il fallait obtenir un différentiel de prix de vente d’environ 20% entre leur marque propre et la marque blanche.
Pour limiter les frais de mise en œuvre, les matériels sont communs, à quelques détails cosmétiques près.
Bilan de l’opération 18 mois plus tard : les ventes en marque propre se sont effondrées au profit de la marque blanche, dont la rentabilité est bien moindre, et qui de surcroît ne génère aucun avantage d’image pour l’entreprise, puisque sa marque n’est pas présente.
Cet exemple souligne un contexte de concurrence interne tout à fait préjudiciable : la volonté de compléter l’offre traditionnel par une offre low cost afin de gagner en volume de fabrication global, s’avère finalement contraire à l’intérêt de l’entreprise.
Volume en hausse, certes, mais résultats économiques en chute libre et perte d’image en sont la contrepartie… Ce qui est un peu cher payé, tout compte fait !
Second exemple
Ce fabricant de vélos premium souhaite élargir sa gamme en allant sur le moyen de gamme.
Pour ce faire, et afin de conserver des marges attractives, il décide de "sourcer" cette production spécifique sur une zone à bas coût de main d’œuvre. Afin de conserver une homogénéité de gamme, il transfert également une partie de ses connaissances technologiques ainsi que quelques astuces industrielles. Tout va pour le mieux, et la nouvelle gamme est lancée avec succès.
Problème, mais il fallait s’y attendre, cette nouvelle gamme vient concurrencer frontalement les références traditionnelles. Et plus grave, le savoir-faire technologique et industriel a tellement bien été intégré par le sous-traitant qu’il en a fait bénéficié d’autres de ses clients, qui viennent désormais empiéter sur le territoire de notre fabricant qui n’a plus d’autre choix que de se battre sur les prix, sachant qu’il a, lui, des coûts de production bien plus élevés.
Bref : avec un mix défavorable, des marges en baisse et des concurrents agressifs qu’il a contribué à "engraisser", notre fabricant se retrouve dans un bien triste état…
Que faut-il en déduire ?
Le lecteur pourrait rétorquer
qu'il connaît des cas de délocalisations réussies, qui ont finalement permis à
l’entreprise de se redéployer dans un second temps. Effectivement… Mais combien
sont-elles ces entreprises, face aux milliers d’autres empêtrées dans des
guerres tarifaires à l'issue incertaine ?
Aller combattre sur le marché
en se prévalant d'un avantage uniquement économique est, à notre sens,
dangereux, et surtout révélateur de deux faiblesses majeures.
* La première est que l’offre
n’a "rien à dire" et que seule l’attractivité du prix permet d’intéresser
un potentiel acheteur.
* La seconde est d'inviter
ses concurrents dans un terrain de jeu qu'il aurait surtout fallu éviter :
baisser les prix ne relève pas d'une démarche sophistiquée, et paraît en tout
cas beaucoup plus aisé que de proposer le produit "juste", celui qui
sait de façon légitime et intelligente répondre à un vrai besoin, et non celui qui
se justifie que par son seul positionnement tarifaire.