Grèce : le faux mea culpa du FMI

Dans son évaluation du premier programme d'aide à la Grèce, le FMI reconnaît de nombreux échecs et quelques réussites.

Jeudi, le Fonds monétaire international (FMI) a publié une évaluation ex-post des résultats du premier programme d’ajustement mené en Grèce (Stand-by arrangement ou SBA mené entre mai 2010 et mars 2012). Le FMI y reconnaît de nombreux échecs (insoutenabilité de la dette publique, récession sans précédent, chômage record) pour quelques réussites (maintien dans la zone euro, réduction des déficits publics structurels).

L’évaluation ex-post des programmes est une procédure classique du FMI. Elle est réalisée par rapport aux objectifs assignés à l’origine, à savoir dans le cas de la Grèce : la réduction du déficit public excessif d’ici à 2014, le retour de la croissance et l’accès aux marchés en 2012, la soutenabilité des finances publiques sans restructurer la dette. A tous ces égards, le programme SBA grec a échoué. Fin 2012, le PIB était de 17 % inférieur à son niveau de 2009 tandis que le taux de chômage s’établissait à 25 % ; la dette publique a été restructurée en mars 2012 et l’accès aux marchés financiers à moyen et long terme est resté fermé.

Tout en jugeant une profonde récession inévitable, le FMI reconnaît avoir sous-estimé les multiplicateurs budgétaires. Retenu à 0,5, l’effet d’un point de consolidation budgétaire sur l’activité aura été deux fois plus important. De plus, les auteurs admettent ne pas avoir pris la pleine mesure des facteurs pouvant, au-delà de l’effet direct de l’austérité sur la croissance, engendrer une récession plus forte. En particulier, les importantes contraintes de liquidité pesant sur l’économie et les difficultés à réformer les institutions et à améliorer la productivité ont été sous-estimées.
Concernant les réformes structurelles, le rapport pointe l’opposition féroce de groupes d’intérêt particuliers à leur application et le manque de moyens engagés dans la lutte contre la fraude fiscale, tous deux contribuant à l’inégale répartition des efforts. En retour, l’étiolement du contrat social a réduit les marges de manœuvre du gouvernement, déjà contraintes par l’absence de consensus politique. Le FMI admet avoir mal évalué le degré d’appropriation du programme et la capacité politique de l’exécutif à en respecter les conditions, compte tenu des faiblesses institutionnelles du pays.

Plus spécifiquement, le rapport pointe le manque d’actions directes entreprises pour accroître la concurrence sur les marchés des biens et des services ainsi que le manque de flexibilité des salaires du secteur privé qui ont eu des effets néfastes sur l’emploi. De manière plus générale, le FMI met l’accent sur la contradiction fondamentale qui existe entre la dévaluation interne, nécessaire en Grèce, et la soutenabilité des finances publiques. Une déflation salariale, indispensable pour améliorer la compétitivité à court terme sans la possibilité de dévaluer, réduit le dénominateur du ratio d’endettement public exposant la dette, déjà très élevée au début du programme, à un risque d’insoutenabilité.
Le rapport révèle ainsi que le FMI a assoupli ses critères d’éligibilité en accordant un programme SBA à la Grèce alors que la soutenabilité de sa dette publique à moyen terme n’était pas garantie. L’autocritique s’arrête-là.

En fait, c’est surtout la gestion européenne de la crise grecque qui est tenue pour responsable de l’échec du premier programme. Les rapporteurs s’interrogent sur l’opportunité d’une restructuration de la dette publique grecque dès 2010.
Tout en rappelant qu’ils partageaient la position européenne initiale de ne pas procéder à une restructuration de dette (notamment à cause de la crainte de puissants effets de contagion), ils considèrent que le revirement européen puis les tergiversations autour du Private Sector Involvement ont aggravé la récession et affaibli la crédibilité du plan. Ils concluent qu’une restructuration ex-ante aurait été bien plus efficace pour la réussite de l’ajustement.
Par ailleurs, les auteurs rappellent que la crise de confiance aiguë liée à l’incertitude trop longtemps entretenue au niveau européen d’une possible sortie du pays de la zone euro, a également contribué directement à la fuite des dépôts bancaire (en baisse de 30 % mi-2012) et au retard dans le plan de privatisations.

Les auteurs du rapport critiquent enfin l’absence d’une division claire du travail au sein de la Troïka (Commission européenne, BCE, FMI) citant des conflits d’objectifs entre la Commission, cherchant surtout à se conformer aux règles européennes (critères de Maastricht ou normes européennes) et le FMI, soucieux d’identifier des mesures appropriées à la Grèce. De manière beaucoup plus frontale, les auteurs du rapport mettent directement en cause le manque d’expérience de la Commission dans la gestion des crises et leur faible « track-record » dans le respect des critères du Pacte de Stabilité et de Croissance.

A partir de l’exemple grec, les auteurs du rapport entendent proposer une redéfinition des règles régissant les programmes accordés aux pays appartenant à des unions monétaires. Ils s’interrogent, notamment, sur la manière de transposer les promesses d’assistance financière des autres États membres en des accords formels, partie intégrante du programme. Une manière pour le FMI de rappeler les leaders européens à leurs engagements de novembre dernier, lorsqu’ils avaient déclaré être prêts à prendre les mesures nécessaires pour assurer la soutenabilité de la dette publique grecque à horizon 2020.
Finalement, les auteurs du rapport considèrent, non sans un certain cynisme, que le premier programme d’aide à la Grèce aura permis aux Européens de gagner du temps, celui nécessaire à la mise en place, parfois chaotique, des outils de gestion de crise (FESF, MES) qui faisaient défaut en mai 2010.
Mais que ces atermoiements auront aussi causé son échec.