Politique monétaire américaine : le plus tard sera le mieux

Les membres du FOMC ont opté pour le statu quo : la cible des Fed funds est maintenue dans la fourchette de 0,00%-0,25%, en place depuis la fin de 2008, tandis que les rachats d’actifs au titre de QE3 se poursuivent au rythme mensuel de USD 85 mds.

Quant au communiqué, il ne se distingue guère de celui publié à l’issue de la précédente réunion du Comité de politique monétaire (FOMC) les 30 et 31 juillet 2013 : « l’activité économique a enregistré une croissance modeste au premier semestre » note-t-il. Cependant, alors que le précédent communiqué faisait état d’une amélioration des conditions sur le marché du travail, il a suffi de trois mots de plus (« dans l’ensemble ») pour apporter un bémol à cette analyse. Si les créations d’emplois non agricoles étaient, il est vrai, sur une tendance de 196 000 (lissée sur trois mois) lors de la dernière réunion du FOMC, elles ne sont plus désormais que de 148 000. Ce rythme est à l’évidence insuffisant pour absorber les nouveaux entrants sur le marché du travail et si le taux de chômage reflue c’est uniquement en raison de la chute du taux d’activité.

Alors que le redressement de l’emploi se fait attendre, les taux d’intérêt se sont tendus depuis l’évocation par la Fed, à la fin du printemps, d’une réduction progressive de l’assouplissement quantitatif. En très peu de temps, les taux longs ont gagné une centaine de points de base, une hausse susceptible de freiner la croissance du crédit. Le communiqué fait d’ailleurs remarquer que les taux hypothécaires ont « encore augmenté » pour préciser plus loin que « le durcissement des conditions financières observé ces derniers mois pourrait, s’il persistait, ralentir le rythme d’amélioration de la conjoncture et du marché du travail ». De fait, les dernières données relatives au marché de l’immobilier résidentiel semblent indiquer un fléchissement. Ainsi, les permis de construire, qui affichaient une progression à deux chiffres (en glissement annuel) jusqu’au second semestre 2013, ont ralenti à 11 % en août. Il en va de même des mises en chantier. En juillet, les ventes de logements dans l’ancien sont restées dynamiques, mais elles ont nettement marqué le pas dans le neuf.
Pour le moment, les dépenses de consommation en biens durables continuent d’afficher une bonne tenue, mais le ralentissement du revenu disponible réel, conjugué à la hausse des taux d’intérêt, ne manquera pas, tôt ou tard, de peser sur ces dépenses.En résumé et comme nous le soulignions la semaine dernière (« Il est urgent d’attendre », EcoWeek BNP Paribas, 13 septembre 2013), l’économie américaine a probablement besoin de davantage de soutien et non pas de moins, alors qu’un soutien des dépenses publiques n’est pas envisageable, le Congrès va exactement dans le sens opposé, avec des coupes budgétaires automatiques, mais aussi en laissant planer le risque d’un shutdown voire d’un défaut. De fait, la politique budgétaire est l’un des éléments qui « limitent la croissance économique » comme l’indique la Fed dans son communiqué.     
La Fed sait bien que ce n’est pas le moment de ralentir le rythme des injections de liquidités dans l’économie.
Certains membres sont peut-être même favorables à davantage de soutien (deux d’entre eux n’envisagent pas un relèvement des taux avant 2016) ; en l’absence du moindre signe annonciateur d’un rebond à partir des plus bas actuels, la tendance de l’inflation est en effet peu rassurante. Mais la Fed n’en a pas moins opté pour un biais restrictif (ou plus exactement pour un biais à la moindre détente) en déclarant : « Avant de se prononcer sur la date du ralentissement du rythme de ses rachats d’actifs, le Comité attendra de voir, lors des prochaines réunions, si les données à venir continuent de confirmer ses attentes concernant la poursuite de l’amélioration des conditions sur le marché du travail et un retour de l’inflation vers son objectif à long terme ». Non sans ajouter qu’« il n’y a pas de ligne de conduite préétablie concernant les rachats d’actifs ». Une chose est sûre néanmoins : le communiqué n’évoque plus la possibilité d’une accélération des achats.Janet L. Yellen est actuellement la favorite pour succéder à Ben Bernanke (dont le mandat expire le 31 janvier 2014), ce qui donne une idée plus précise de l’évolution possible de la politique monétaire. Pour elle, en effet, plus longtemps la Fed maintiendra le cap de la détente monétaire, plus la reprise sera vigoureuse. Cependant, des études récentes ont montré que les effets sur l’économie des différentes vagues d’assouplissement quantitatif ont été décevants, en particulier pour ce qui est des achats de Treasuries.
On peut s’attendre, dans les mois à venir, à une actualisation de la forward guidance intégrant le constat selon lequel le taux de chômage baisse plus rapidement que ne s’améliorent les conditions sur le marché du travail.
Un relèvement de la cible d’inflation n’est pas à exclure, alors que Ben Bernanke a évoqué l’adoption d’un taux objectif plancher pour l’inflation, tandis que la Fed pourrait privilégier davantage, pour ses rachats mensuels de titres, le marché des MBS que celui des Treasuries.