L'automobile a encore de l'avenir... mais l'avenir n'est plus (uniquement) à l'automobile

Sur les marchés matures, le parc automobile est appelé à se contracter significativement dans les 30 ans à venir. La bonne nouvelle, c'est cependant que nous ne nous "déplacerons" pas moins bien qu'aujourd'hui. Dans le même temps, une interrogation émerge : que faire du parc existant?

Il est peu probable que le marché automobile revienne à ses niveaux d'avant 2008 sur des marchés matures tels que l'Europe. L'heure est plutôt à la décongestion des centres villes, où l'on préfère développer des espaces de vie plutôt que des parkings, et à la réduction des émissions polluantes.
De fait, l'automobile fait de moins en moins rêver les citadins des grandes villes : interdiction de circulation en centre ville, péages urbains, coût du stationnement, hausse du prix du carburant et circulation difficile... Pour faire simple, une bonne partie de la génération Y s'imagine très bien vivre sans automobile ou, tout au moins, sans en posséder une.
L'ADEME prévoyait en 2012 que le parc français passerait de 35 millions de véhicules actuellement à 22 millions en 2050 (1). Toutefois, nous ne nous "déplacerons" pas moins bien qu'aujourd'hui :
Le multimodal
Les transports ferroviaires vont encore se développer avec des nouvelles lignes mais aussi l'augmentation de capacité des lignes existantes. Dans des villes aussi denses que Paris, cette optimisation se rapproche progressivement de l'asymptote cependant.
En complément, les solutions de mutualisation se développent : autopartage, covoiturage, Vélib, etc... Le vélo a fait son grand retour dans les centres villes, maintenant rejoint par la trottinette pour les courtes distances (très appréciée des enfants et, de plus en plus, des adultes).
Enfin, sur l'intercité, la Cour des Comptes a réhabilité le bus (2) qui peut constituer une solution à la fois écologique et économique comparé au train et à la voiture (covoiturage compris). La Cour des Comptes recommande de ce fait de libéraliser ce marché aujourd'hui trop étroitement encadré.
La solution est donc une offre multimodale (3), où la voiture particulière aura encore sa place, mais probablement dans des volumes moindres.
La "téléportation"
La voiture qui pollue le moins est celle qui ne roule pas ou mieux : celle qui n'a pas été produite.
La meilleure solution est parfois tout simplement de ne pas se déplacer.
Le télétravail un ou deux jours par semaine peut permettre de moins se déplacer tout en conservant un contact suffisant avec ses collègues.
Il est de plus en plus fréquent de travailler avec des équipes localisées à divers endroits du globe.
Pour aller plus loin, on peut raisonnablement penser que la réalité augmentée va doper le travail à distance par la visioconférence 3D : celle-ci permettra en effet de se "téléporter" dans des salles de réunion virtuelles et d'y voir ses interlocuteurs en 3D. Il ne sera toujours pas possible de se serrer la main mais la fameuse communication non verbale ne vous échappera plus.
Les drones
La prolifération des drones pose des questions de sécurité (accidents), de sûreté (terrorisme, cf. le survol récent des centrales nucléaires qui inspire des craintes) et de protection de la vie privée si les drones sont équipés de caméras et de micros. La question n'est cependant plus de savoir si les drones vont ou non livrer des colis, mais quand. Cela représente d'abord un challenge technique, où la sûreté de fonctionnement aura toute sa place, et règlementaire mais cela se fera.
Les drones vont de ce fait capter une partie du trafic pour le transport des marchandises
L'avènement de ces moyens de transport et de communication va non seulement contracter le parc automobile sur les marchés matures mais aussi ralentir la croissance de ce parc dans les pays émergents. Ceux-ci n'ont en effet aucune raison d'attendre pour déployer des solutions qui marchent ailleurs, d'autant qu'ils seront souvent eux-mêmes à l'origine de ces solutions.
Les constructeurs automobile vont devoir s'adapter, probablement en vendant de la mobilité (usages) plutôt que des véhicules (produits).
Dans le même temps l'âge moyen des véhicules augmente. Celui-ci est passé, d'après l'ADEME (1), de 6,1 ans en 1991 à 8,3 ans en 2012. Cette tendance à l'allongement de la durée de vie devrait se poursuivre avec la maîtrise croissante de la fiabilité. En clair, on va avoir besoin de moins de voitures et on va les garder plus longtemps. Cela est une bonne chose car la production et le démantèlement, en fin de vie, des véhicules induisent des consommations d'énergie importantes.
Cela va conduire à un ralentissement du renouvellement du parc. On voit ici poindre un paradoxe : alors qu'on développe des voitures ultra efficientes, sûres et communicantes, celles-ci vont avoir de plus en plus de mal à arriver sur le marché. Cela ne veut pas dire qu'il faut arrêter de les développer mais cela pose la question du parc existant (4) : que faire des véhicules encore en bon état mais répondant à des normes anciennes de pollution et de sécurité?
Un indice : des solutions aussi bien techniques que business sont à chercher du côté de l'industrie ferroviaire.

(2) www.ccomptes.fr : La grande vitesse ferroviaire : un modèle porté au-delà de sa pertinence (rapport rendu public le 23 octobre 2014).
(3) Voir ma chronique intitulée Mobilité 2.0 : l'autopartage communautaire dans le Journal du Net.
(4) Voir à ce sujet ma chronique intitulée La voiture électrique en mode fixie dans le Journal du Net.