Les taux d’intérêt dans l’économie d’aujourd’hui

Les taux d’intérêt reflètent la santé de nos économies. Ils interviennent à tous les niveaux de la vie économique et concerne l’ensemble de ses acteurs : les ménages, les entreprises et les États. L’impact des taux d’intérêt est plus fort qu’il ne l’a jamais été. En effet, le monde est endetté avec lui même.

La dette mondiale représentait en 2014, 200 000 milliards de dollars, soit 286% du PIB mondial.  Plutôt que de diminuer leur dette et par rapport à leur PIB, les principales économies ont préféré emprunter massivement. La plupart des États européens ont été amenés à doper l’activité économique en acceptant un déficit budgétaire. Ils ont donc émis des emprunts libellés en euros, souscrits par les institutionnels et les épargnants du monde entier. À la fin de 2008, la Grèce a dû accepter de payer des intérêts de plus en plus élevés puisque les agences de notation la considéraient comme un pays économiquement risqué.

L’Allemagne est l’un des rares pays à avoir un ratio dette PIB qui va baisser dans les prochaines années. La dette mondiale évolue en fonction de la volatilité des taux d’intérêt. Ces derniers donnent une photographie ou plutôt une indication du risque emprunteur.

Depuis les années 80, les rendements de toutes les maturités ont baissé partout dans le monde. Nous sommes passés des politiques inflationnistes à une maîtrise de celles-ci depuis le début des années 90. Depuis la crise de 2008, les pays avancés craignent la déflation que connaît le Japon depuis une vingtaine d’années.

De longue date, les banques centrales tentent de combattre les crises économiques et financières par une politique monétaire à taux bas, accordant ainsi davantage de liberté aux États pour accroître leurs dépenses publiques. Durant les prochaines années, si les taux d’intérêt demeurent inférieurs aux taux de croissance alors l’augmentation de l’investissement public n’impliquera pas une augmentation du ratio dette public sur PIB. En effet, le nouvel endettement serait financé par la croissance économique.

Les déficits ont continué d’augmenter même si le poids de la dette a pu diminuer grâce aux taux bas ou négatifs. De nombreux pays comme la France en ont bénéficié et en bénéficient encore.  

Mais les taux bas reflètent en partie la faiblesse de l’activité économique. Pourquoi des taux d’intérêt si bas ? Il y a eu une demande supérieure à l’offre de placements monétaires des pays comme les Etats-Unis, la zone Euro, la Suisse ou l’Angleterre pour ne citer que ces derniers. La situation est paradoxale. L’épargne individuelle n’a jamais été aussi importante.

C’est durant les crises économiques que le niveau d’épargne est élevé même si les taux de rendements offerts pour les placements sans risques ne le sont pas. Ceci est le cas actuellement dans de nombreux pays comme l’Allemagne ou la France. Cette surabondance de l’épargne contribue, encore aujourd’hui, à maintenir des taux bas. Depuis la crise financière de 2008, les taux d’investissement ont diminué. À l’opposé, lorsque le taux d’investissement augmente, les taux d’intérêt suivent une progression identique.  

La politique de taux d’intérêt zéro et du quantitative easing ont permis d’injecter d’énormes liquidités vers les marchés financiers et bancaires. Ces taux compétitifs ont permis aux États de financer leur propre déficit. Sans les réformes budgétaires et sociales nécessaires, la masse monétaire créée n’est pas suffisante pour réduire les déficits, le chômage et relancer l’investissement. La BCE a été persuadé que la baisse des taux favoriserait la relance de la consommation qui est un moteur de la croissance. Mais ce poids est différent d’un pays à l’autre. La consommation représente 55% du PIB en France contre 70% Aux États-Unis. Cette consommation n’a pas réellement redémarré en France par rapport à des pays comme les États-Unis.

 

Les taux d’intérêt et le marché immobilier

Le marché obligataire des emprunts à 10 ans (OAT) sert de référence pour les crédits immobiliers à taux fixe des particuliers. La sensible remontée de l’OAT ces dernières semaines a influencé très sensiblement les taux fixes des crédits de particuliers.

Lorsque les banques n’impactent pas immédiatement une hausse de l’OAT, elles deviennent plus sélectives dans le choix des dossiers ou dans le pourcentage de l’apport personnel.

La solvabilité des emprunteurs n’est pas illimitée. Contrairement aux pays anglo-saxons, les intérêts ne sont pas déductibles de l’impôt sur le revenu. En effet, toute augmentation de 10 points de base d’augmentation d’un taux, désolvabilise en France 100 000 personnes.

Dans le cas contraire, toute baisse de 10 points de base des taux, augmente la solvabilité de 100 000 personnes. Au 4e trimestre 2008, la moyenne des taux était de 5,07% tandis que les taux moyens durant le premier trimestre 2015, étaient de 2,19%.

 

Disparition des taux fixes

90% des crédits immobiliers sont réalisés en France à taux fixe. Les taux variables purs ou capés n’ont jamais séduit les emprunteurs de résidences principales, secondaires ou locatives [investissement]. Le Comité de Bâle en charge de la réglementation bancaire international envisage un durcissement dans les pays où les banques financent principalement les biens immobiliers à taux fixe. Le Comité de Bâle ne souhaite plus faire porter le risque de taux uniquement à la banque mais aussi à l’emprunteur. En cas de hausse des taux, l’emprunteur d’un prêt à taux variable verrait sa mensualité augmenter et/ou la durée de son crédit s’allonger. Jusqu’à aujourd’hui le risque de taux est supporté uniquement par l’établissement prêteur. Si la réglementation allait dans cette direction, les banques françaises devront s’adapter rapidement face à des consommateurs qui seront beaucoup plus volatils qu’aujourd’hui et consommateurs de nouveaux modes de financements participatifs « crowfunding » venant tout droit des États-Unis et de l’internet. La disparition du taux fixe en France aurait pour conséquence d’envoyer un signal négatif aux marchés immobiliers. 90% des achats immobiliers se financent à crédit. Si les Français ne répondent pas présents aux taux variables, il y aurait un impact sur les prix immobiliers.

 

La fin des taux bas

Si les gouvernements ont profité des taux très bas voir négatifs, c’était pour réduire leur déficit avec un allègement du poids des intérêts. Le coût de la dette a donc diminué. Ce scénario ne peut jamais s’installer dans la durée.  Il y a toujours une relation forte à moyen terme entre le marché des taux d’intérêt et les devises. Par contre, il n’y a pas de lien direct entre le niveau d’une monnaie et le dynamisme économique d’un pays. Par exemple, le dollar était faible durant la période 1995-2000 alors que les investisseurs étrangers affluaient avec l’arrivée des nouvelles technologies. Les obligations des États représentent environ 50% du marché obligataires mondial. La hausse des taux d’intérêt impacte négativement le marché obligataire. Lorsque les taux baissent, le marché obligataire augmente. Plus la maturité d’une obligation est longue et plus le prix sera sensible à l’évolution des taux. Une augmentation des taux d’intérêts de 2% augmenterait de 200 milliards d’euros par an le service de la dette de la zone euro. L’inflation n’est jamais insensible à l’augmentation des taux. Comme les salaires ne sont pas indexés sur l’inflation, l’augmentation de celle-ci peut entraîner une baisse du pouvoir d’achat. Aux États-Unis, la Fed va augmenter ses taux d’intérêt dans les prochains mois afin de se préparer à trois chocs : la hausse du dollar, la baisse du pétrole, la baisse de la croissance mondiale. Cette hausse va avoir un impact sur les marchés obligataires aux États-Unis et sur les autres places financières. Si cette hausse est significative, les taux de la BCE iront dans la même direction. Les taux américains devraient s’aligner autour de 4,5%. Les meilleures signatures comme l’Allemagne ou la Suisse emprunteront moins cher. Les moins bonnes signatures se financeront à des taux plus élevés. Si notre déficit se stabilisait, alors les taux français se situerait entre les taux Allemands et Américains. Irving Fischer dans la Théorie de l’intérêt rappelle : « Sur le marché du capital, le taux d’intérêt est donc le prix qui égalise l’offre et la demande de capital. L’offre de capital, c’est-à-dire l’épargne, est encore une fois ici une fonction croissante du taux d’intérêt, dans la mesure où plus celui-ci sera élevé, plus les agents seront tout de même incités à se défaire de leur désir inconditionnel de dépenser ce capital sous forme de consommation immédiate ». Il ne faut donc jamais oublier la fonction de l’intérêt par rapport au capital, c’est-à-dire l’épargne, autrement dit nos retraites de demain.