Echec de Google Compare : la spécificité du secteur financier sur Internet

Les sphères de la finance et de l’assurance ont été tout autant surprises que rassurées par la fermeture de Google Compare. Le géant du web, qui s’était lancé en 2012 dans la comparaison de produits d’assurance et de finance, vient en effet d’annoncer à ses partenaires l’arrêt de son activité au Royaume-Uni et aux Etats-Unis le 23 mars prochain.

Le contexte dans lequel cette annonce survient est primordial pour en analyser les causes. En effet, la veille de l’annonce de l’arrêt de Google Compare, Alphabet changeait sa manière de présenter les liens publicitaires sur son moteur de recherche. Ce ne sont plus 3, mais 4 liens sponsorisés qui apparaissent désormais en haut des pages de résultats et les liens publicitaires devenus familiers sur la droite de l’écran disparaissent.

Officiellement lancée pour des questions d’harmonisation de la publicité Google sur les différents supports du web (desktop, mobile, tablette…), cette nouvelle disposition aura surtout pour effet d’affaiblir encore le SEO (le référencement naturel) au profit du SEA (le référencement payant), gonflant ainsi le chiffre d’affaire de Google Adwords.

Or, pour que Google Compare fonctionne, il aurait fallu que les produits comparés sur la verticale Finance soient plus rémunérateurs que les liens sponsorisés du secteur. Pas facile quand on sait que des mots-clés comme « Assurance auto » ou « Crédit » sont parmi les plus chers du marché (9 € le clic en France et plus de 30 $ aux Etats-Unis). La branche Finance est l’une des plus rémunératrices pour Google, car elle s’appuie sur des annonceurs puissants : les assureurs, les banquiers et les comparateurs notamment.

La finance, un univers encore très local

Une des caractéristiques des produits Google est d’être facilement déployables dans le monde entier (la fameuse stratégie « scalable »). Mais le monde de l’assurance et de la banque est profondément local. D’une part, les consommateurs ont une connaissance et une compréhension particulières des produits selon les pays ; d’autre part, les réseaux de distribution se sont développés différemment en fonction des nations, ce qui engendre des comportements d’achat très variés.

Il aurait fallu que Google investisse dans des équipes locales pour signer et gérer des partenariats avec les assureurs et les banquiers de chaque pays. Autre difficulté : ces derniers protègent jalousement la relation directe qu’ils entretiennent avec leurs clients et sont inquiets de voir leur secteur bousculé. Lorsque la firme a essayé de lancer son comparateur d’assurance en France en 2013, elle a dû faire face à la résistance de nombreux assureurs qui ont refusé d’être comparés en ligne. Google a ainsi échoué à proposer un produit satisfaisant pour les consommateurs et a fermé boutique après quelques mois seulement.

“Google Compare n’a pas eu le succès auquel nous nous attendions*"

Quant au marché américain, Google Compare s’y est lancé un peu trop tôt. L’usage des comparateurs d’assurance y est encore larvaire et la catégorie ne peut se permettre d’accueillir des acteurs qui accompagnent son développement sans investissements médias.

En parallèle de ces revenus décevants, la perspective du Royaume-Uni n’était pas non plus encourageante. C’est au contraire un peu trop tard que Google s’est lancé sur ce marché, où les comparateurs d’assurances distribuent déjà plus de 70 % des nouvelles polices d’assurance et ont remplacé les courtiers traditionnels. Google y a racheté un comparateur en 2012 et l’a lancé sous la marque Google Compare. Mais la plateforme n’a jamais réussi à dépasser 2,5 % de parts de marché face à des concurrents très bien installés : Confused, CompareTheMarket, MoneySuperMarket et GoCompare.

Ces quatre géants de la comparaison tiennent une place particulière dans les habitudes de consommation des Britanniques en les aidant efficacement à faire le bon choix pour leurs assurances. Google, en revanche, n’a pas été perçu comme un acteur crédible, car trop « généraliste ». Mike Becker, vice-président de l’association des Agents d’assurance aux Etats-Unis (la National Association of Professional Insurance Agents) commente : « Les consommateurs comprennent qu’une transaction assurantielle est complexe et demande un conseil professionnel **». Un produit d’assurance est, en effet, plus difficile à appréhender pour le consommateur et son achat peut être anxiogène. A contrario, d’autres marchés plus accessibles, comme le voyage ou le shopping, sont de vrais succès pour les comparateurs de Google.

Le retrait de Google Compare n’est donc pas la victoire des agents physiques de l’assurance et de la finance sur la distribution en ligne, mais celle des spécialistes sur les généralistes. Une belle opportunité pour les acteurs déjà en place - agents et courtiers -, qui doivent investir davantage dans le digital et les nouveaux canaux de distribution.

En France, les compagnies d’assurance intègrent de plus en plus le digital dans leur organisation et modernisent leurs réseaux de vente. Ceux qui ne prendront pas le virage de la distribution Internet s’exposeront à une perte de contact avec leurs clients, au bénéfice d’autres acteurs qui ont compris que les consommateurs prennent désormais leurs décisions d’achat en ligne.

* The Google Compare service itself hasn’t driven the success we hoped for*" (extrait de la lettre envoyée par Google aux partenaires de Google Compare).

**When it comes to insurance, customers appreciate that it is a complex transaction that requires professional advice.