L'agrégateur, nouvel acteur majeur du secteur bancaire ?
Devenir le passage par défaut à l’accès à l’information représente le graal pour toutes les sociétés de service digital. Les agrégateurs sont-ils naturellement éligibles à cette position dans le secteur bancaire ?
Avoir plusieurs comptes bancaires n’est aujourd’hui plus une chose réservée à une catégorie aisée de la population. Comme pour les opérateurs téléphoniques, le consommateur souhaite pouvoir tester et changer facilement de banque en ouvrant par exemple un nouveau compte bancaire en 20 minutes sans sortir de chez soi comme ce que propose la banque allemande number26.
C’est donc tout naturellement que les agrégateurs ont vu le jour il y a quelques années et sont de plus en plus utilisés pour permettre à ces clients multibancaires d’avoir une application unique permettant en un coup d’œil de connaître le solde de tous leurs comptes.
De simple facteur à
principal acteur
A l’instar de Google pour le web, Uber pour les taxis,
AirBnb pour les hôtels, devenir le principal point d’entrée vers l’accès à l’information
représente le graal pour toutes les sociétés de service digital et c’est
clairement cette place que les agrégateurs cherchent à prendre : la
plateforme d’intégration bancaire par défaut.
Les agrégateurs peuvent aujourd’hui faire des
recommandations basées sur toutes ces informations ou encore représenter un
véritable coach financier en apportant de l’Intelligence Artificielle (IA) sur
les transactions réalisées ou bien qui devraient l’être.
Seule ombre au tableau, un agrégateur est par essence un
simple « facteur » qui vient chercher le « courrier » pour
le mettre à disposition du destinataire en simple lecture passive.
Un agrégateur est donc aujourd’hui :
- Un facteur qui aurait décidé de garder et lire le courrier envoyé avec l’accord des destinataires pour analyser leur contenu
- Un coach sans jambe ou une IA sans bras pour exécuter des précieux conseils issus de cette analyse
C’est dans ce contexte que, voilà aujourd’hui 1 an, la
directive européenne sur les services de paiement DSP 2 a été annoncée pour une
mise en vigueur en 2018. Cette directive s’attaque aux paiements par carte, par
internet mais aussi et surtout par mobile. Elle souhaite avant tout encourager
la concurrence et l’innovation.
Cette directive est parfois perçue comme une brèche dans le
monopole bancaire car elle peut apporter aux agrégateurs ce qu’aucun ne propose
aujourd’hui : opérer des transactions au nom du client.
Et c’est bien ce risque fort de désintermédiation qui pousse
le secteur bancaire à regarder d’un nouvel œil ces « facteurs
agrégateurs » à l’aune de l’ubérisation ayant déjà eu lieu dans nombreux
autres secteurs.
Certaines banques ne considèrent cependant pas ceci comme
une fatalité et bien au contraire comme une véritable opportunité.
En effet, en alliant l’agilité et les capacités d’innovation
de ces startups avec le taux de confiance toujours élevé des banques envers
leurs clients, elles pensent pouvoir trouver le bon modèle gagnant / gagnant.
A l’heure où j’écris ces lignes, CA et Crédit Mutuel Arkéa
sont au capital de Linxo, Boursorama a racheté et internalisé Fiduceo. Iswigo
et Budget Inside sont sûrement en ligne de mire mais Bankin’ (1 Million
d’utilisateur) reste sourd aux propositions en attendant sûrement de pieds
ferme le Big Bang annoncé de Janvier 2018
Conclusion
Les agrégateurs ne représentent qu’une infime partie de tous
les nouveaux services financiers à venir poussés en grande partie par la
FinTech.
Ce qui les différencient est leur positionnement (ayant fait
ses preuves dans le monde digital) de « plate-forme bancaire » comme
point d’entrée principal vers des services bancaires intelligents, séparés de
la production, proposés par une banque devenue modulaire.
Crédit Agricole, à travers son app store coopératif CAstore
a bien compris cette modularité en permettant à des développeurs de produire des
applications mobiles utilisant les API fournis par la banque.
A contrario et dans un autre domaine, la RATP est en passe
de refuser l’exploitation de ses données aux startups telles que citymapper (application
mobile de calcul d’itinéraires multimodaux). La réaction des utilisateurs ne s’est
pas fait attendre à travers une pétition pour l’ouverture des données adressée
à Anne Hidalgo et Emmanuel Macron signée par plus de 17 000 personnes en une
semaine.
Mon analyse est que cela soit par envie ou par la force, par
transformation interne, rachat ou partenariat, les banques devront s’ouvrir
vers l’extérieur et mettre à disposition les API nécessaires.
Le risque étant qu’un jour, ce manque de flexibilité et de praticité
soit le déclencheur d’une bascule massive vers ces nouveaux acteurs digitaux
proposant des services toujours plus innovants.