Faut-il craindre une montée en gamme d’Airbnb ?

Airbnb, la plateforme de location entre particuliers, n’en peut plus de croître. De New York à Paris, les marchés de l’hôtellerie et de l’immobilier traditionnels doivent composer avec cette nouvelle concurrence qui mise sur le collaboratif et se limite donc pour l’instant aux tissus urbains.

Apparue en 2008, la location entre particuliers se développe massivement depuis 2012. Airbnb est aujourd’hui utilisé par plus de 60 millions de voyageurs à travers 35 000 villes et Paris est en tête des endroits les plus sollicités par ce service. Implanté surtout dans les zones urbaines, Airbnb propose tous types de biens, de la chambre de bonne sous les combles à la villa les pieds dans l’eau.

Airbnb : particuliers ou professionnels ?

Certains hôtes Airbnb prennent leur rôle très à cœur et proposent à leurs locataires un service digne d’un hôtel. Cela passe difficilement du côté des professionnels de l’hôtellerie qui considèrent cette concurrence comme déloyale. En effet, ces nouveaux compétiteurs n’ont à ce jour pas à s’acquitter des mêmes charges qu’eux. Il y a encore peu de temps, Airbnb était libre de toute contrainte inhérente au milieu hôtelier. Aujourd’hui, on commence en France à légiférer pour cadrer le phénomène.

C’est la loi Alur-Duflot qui établit les règles fiscales incombant aux locataires Airbnb. Elle prévoit que les revenus locatifs soient déclarés et taxés sur le premier euro perçu. La loi stipule également qu’un hôte ne peut pas louer plus de quatre mois de l’année sa résidence principale. Pour louer une résidence secondaire, les démarches sont nettement plus compliquées et coûteuses. La plateforme américaine envoie par ailleurs à ses utilisateurs un rappel de déclaration, et commence à collecter les taxes de séjour (à Chamonix et à Paris pour l’instant). Cette mesure, si elle est bien appliquée et suivie, pourrait permettre aux hôteliers professionnels de souffler.

Airbnb souhaite clairement renvoyer l’image du particulier qui loue sporadiquement sa maison ou son appartement pendant le week-end ou les vacances. Mais en réalité, de plus en plus de logements sont disponibles à la location plus de 10, voire 15 semaines par an. L’hôte n’est alors plus un simple particulier qui loue son bien sur une courte période, il se professionnalise dans une activité commerciale lucrative. Dans ce cas, il est contraint aux mêmes obligations que les professionnels : TVA, impôts, taxe professionnelle, etc. Il est alors possible que la formule Airbnb devienne moins intéressante pour lui.

Le très haut de gamme reste intouchable

Airbnb a colonisé les métropoles à vitesse grand V. Cependant, cette croissance ne gèle pas l’activité des secteurs hôtelier et immobilier. La plateforme n’a en effet pas encore développé de branche luxe. Aussi, le marché haut de gamme de l’immobilier passe pour le moment entre les mailles du filet. C’est un marché de niche difficile à pénétrer, qui nécessite une relation de confiance, car les transactions y sont conséquentes. Il est assez délicat pour un particulier de débourser une somme importante sans garantie de qualité en retour. C’est en partie ce qui protège les professionnels de l’immobilier et de la restauration spécialisés dans le très haut de gamme, qui œuvrent pour bâtir des relations de confiance avec leurs clients, sur le long terme.
En Corse par exemple, où les propriétés luxueuses de bord de mer ne manquent pas, le marché traditionnel de l’immobilier haut de gamme est toujours florissant. On ne peut pas lui opposer Airbnb en tant que concurrent direct en ce sens où les deux entités ne proposent pas la même chose. Là où les agences spécialisées proposent des demeures d’exception et un service incomparable (chauffeur, cuisinier, etc.), Airbnb met en relation des particuliers qui s’arrangent à l’amiable.

La Corse commence toutefois à attirer les locations Airbnb avec des logements au Cap Corse pour 30 euros la nuit, à Calvi pour 39 euros, à Porto-Vecchio pour 36 euros.... Des villas bon marché à partir de 50 euros sont également proposées, mais elles ne correspondent pas aux réalités du marché haut de gamme de l’île de Beauté. A ce stade, l’expérience Airbnb évoque davantage une forme artisanale de “cueillette” qu’une mécanique industrielle.

La part d’annonces pour des biens d’exception est de ce fait infime car ce n’est pas ce que la clientèle recherche. De plus, l’offre Airbnb ne permet pas de personnaliser sa location comme peut se l’autoriser le client d’une agence haut de gamme (location sur plusieurs mois, accès privilégié à certains lieux, etc.).
Ce sont donc les agences et les centres hôteliers d’entrée et de milieu de gamme qui sont davantage menacés par la plateforme en ligne, car les logements proposés sont nettement plus semblables.

L’impact d’Airbnb sur le marché de la location d’hébergement est indiscutable; Abritel, leader de ce marché en France, a du souci à se faire, notamment si Airbnb étend son offre à de nouvelles zones géographiques moins urbaines. Il pourrait même bientôt surpasser Booking.com, l’actuel leader mondial de la réservation d’hébergement en ligne.

Mais le service proposé par Airbnb n’inquiétera jamais les marchés de niche, car leur positionnement haut de gamme est trop éloigné de l’offre grand public qui éprouve toujours de réelles difficultés à s’aventurer sur le marché du “tailor made”.