La blockchain est-elle une réponse à la transformation de l’assurance crédit ?

Dans un monde où il devient de plus en plus difficile de réaliser une transaction sans s’exposer à un risque et sans qu’une trace de l’opération en question soit conservée sous forme numérique, le concept de blockchain devrait apporter une véritable bouffée d’air frais.

Pour schématiser, une blockchain (ou chaîne de blocs) est une base de données distribuée qui gère une liste étoffée en permanence, d’enregistrements appelés blocs. Chaque bloc est horodaté et relié à celui qui le précède ; tous les blocs étant liés les uns aux autres et chiffrés au moyen d’un procédé cryptographique, il n’existe aucun point de défaillance central et cette structure est ainsi mieux armée pour résister aux attaques malveillantes.

La blockchain est, à dessein, intrinsèquement protégée contre la modification des données qui, une fois enregistrées, ne peuvent être remaniées à posteriori. La blockchain peut être assimilée à « un grand livre comptable public décentralisé, accessible à tous, répertoriant efficacement les transactions entre deux parties via des écritures vérifiables et ineffaçables ».

Imaginée à l’origine pour des transactions financières par l’intermédiaire d’un tiers de confiance (comme une banque), la technologie blockchain bouleverse aujourd’hui d’autres marchés, encore plus vastes, où « l’intermédiaire » ressemble sans doute davantage à un réseau ou un méga-système propriétaire. 

Quoi qu’il en soit, sur le marché de l’assurance-crédit, la rupture créée par la blockchain a reçu un accueil mitigé. Les acteurs redoutent en effet que cette technologie, de par sa structure, offre tous les mécanismes de sécurité indispensables aux opérations de crédit, limitant dès lors le rôle de l’assurance-crédit ; mais cette crainte est-elle véritablement fondée, ou ne traduirait-elle pas davantage une peur du changement ?

 

Notre secteur évolue lentement et doit, d’ores et déjà, relever un triple défi : réévaluer son offre auprès de ses clients, tirer le meilleur parti des opportunités qui se font jour sur le marché, et mieux cerner la dynamique d’un écosystème largement influencé par les technologies digitales. Il est difficile de rompre avec des usages solidement ancrés ; rien d’étonnant, par conséquent, à ce que la blockchain éveille la méfiance.

Pourtant, malgré ces préoccupations, quantité d’évolutions nouvelles sont appelées à avoir des répercussions sur le marché de l’assurance-crédit et, puisque celles-ci risquent de ne pas s’éterniser, il est essentiel de prendre collectivement la juste mesure de leurs atouts potentiels pour l’environnement en mutation qui est le nôtre, sans se focaliser exclusivement sur le spectre des menaces. Le marché de l’assurance, et les segments qui le composent, ne sont nullement cloisonnés et puisque l’année 2017, d’après les prévisions, verra s’imposer la technologie blockchain auprès de tous ceux qui entendent se réapproprier leurs transactions en ligne, sans doute les services financiers devraient-ils logiquement, non pas suivre le mouvement, mais ouvrir la voie.

Les établissements d’assurance-crédit adoptent d’ores et déjà une approche davantage orientée client, en s’appuyant sur la technologie, et ce n’est plus qu’une question de temps avant que des applications blockchain ne soient développées pour les crédits commerciaux. Plusieurs banques, dont HSBC et America Merrill Lynch proposent des lettres de crédit automatisées et autres instruments analogues ; il importe donc que les assureurs-crédit s’intéressent à la façon dont cette technologie permettra de modeler leurs processus et offres produits.

Les plus grandes inquiétudes éprouvées par les assureurs-crédit ont trait aux bases de données qui stockent des informations détaillées sur les clients. Celles-ci ne sont plus l’apanage des grandes compagnies d’assurance traditionnelles. Les coûts de l’informatique ont chuté, l’Internet fiabilise des recherches de grande envergure, et de nouveaux venus ont fait leur apparition sur le marché.

Cela soulève une question : qui, dans le secteur de l’assurance-crédit, mènera cette révolution de façon constructive ? Au fil de l’Histoire, les défenseurs de schémas archaïques ont prouvé à quel point il était difficile d’adhérer à la nouveauté. À l’instar des mutations qui l’ont précédée, la blockchain produira des gagnants et des perdants. 

Concrètement, cela signifie que les assureurs-crédit doivent rivaliser sur un nouveau terrain, et élaborer des stratégies de mobilisation clients s’inscrivant au-delà des systèmes d’évaluation et de notation. Les évolutions sectorielles, aujourd’hui, laissent entrevoir que les priorités des prochaines années seront accordées à l’intégration, à la transparence, au dialogue et à l’ouverture sur l’extérieur. Des services sur mesure ou spécialisés doivent prendre en compte les besoins de chacun sur des territoires géographiques et dans des secteurs d’activité différents. Dans cette optique, il leur faut communiquer plus efficacement, en fournissant des informations en temps réel sur la limite de crédit consentie aux acheteurs, en mettant en évidence les risques potentiels et en communiquant tous détails utiles sur les marchés sur lesquels ces clients évoluent.

La technologie se révèle cruciale dans cet exercice. Non seulement elle permet à l’assureur de prendre des décisions avisées à partir d’informations précises, mais elle accélère aussi le processus, épargnant aux clients une attente pénible. Idem pour les règlements, qui pourront pendant quelque temps encore continuer à être effectués par virements, mais qui devront inévitablement transiter par la technologie blockchain dans les années à venir. 

Les progrès sont incontestables, et la généralisation du numérique par la technologie blockchain pourrait représenter un intérêt stratégique certain pour les assureurs-crédit. Le plus délicat, dans la mise en œuvre de cette technologie à l’échelon sectoriel, revient à faciliter la collaboration entre les acteurs du marché et les chefs de file technologiques, de sorte qu’une transformation digitale et opérationnelle puisse s’accomplir. Il existe certes une menace latente, mais aussi et surtout de formidables perspectives : il appartient au secteur de faire en sorte que la balance penche du bon côté, afin de tirer parti des atouts de cette technologie au plus vite.