Carte grise : et si l'État externalisait le service auprès du privé ?

Depuis que les services de cartes grises dans les préfectures ont fermé boutique, le nombre de dossiers en attente sur le service web de l’Etat dépasse les 400 000. Peut-être serait-il temps de les externaliser pour mieux délivrer.

Le Plan préfectures nouvelle génération (PPNG) a engendré la dématérialisation des démarches relatives aux cartes grises à partir du 1er novembre 2017. A la clé, l’Etat prévoyait un service simplifié et plus accessible pour les usagers, une limitation du nombre de fonctionnaires et donc des économies. Quelques mois plus tard, cela s’est transformé en cauchemar pour les usagers : entre 400 000 et 450 000 cartes grises sont toujours en attente selon les derniers chiffres. Le service en ligne mis en place par le ministère de l’Intérieur, compte tenu de ses multiples dysfonctionnements, génère un mécontentement majeur des usagers.

À tel point que certains particuliers sont allés jusqu’en justice : des procès que l’État a perdus, pour des indemnisations allant jusqu’à 1000 € par plaignant. Car si l’affaire touche à l’image, c’est avant tout une question de comptes. Dans un contexte où la dette publique atteint désormais 97,6 % du PIB national, cette réforme, destinée à limiter les coûts, produit, en réalité, l’effet inverse. Dépenses non prévues, coûts de développement et de maintenance supplémentaires, indemnisations : le PPNG ne joue pas son rôle, et alourdit même davantage les charges ! En effet, le recrutement massif d’intérimaires, fait en urgence, et la remobilisation du personnel de préfecture sur d’autres postes ne soulagent pas l’État, mais accroissent son plus fort poste de dépenses : les salaires.

Les nouveaux artisans des cartes grises

Ce que l’État n’avait pas anticipé, ce sont les contraintes techniques de la dématérialisation ainsi que la complexité des démarches pour les utilisateurs. Au-delà de la population qui n’est pas égale face aux outils numériques, le site gouvernemental destiné aux demandes de cartes grises a souffert d’un discours complexe et de process… pas si accessibles. En plus de ces freins techniques, l’accompagnement – essentiel dans ce type de démarches administratives – a fait défaut. Si les contractuels embauchés en urgence devaient pallier ce problème, leur manque de formation n’a fait que l’amplifier.

Pourquoi, alors, ne pas déléguer entièrement ce service aux professionnels de l’automobile ? La Loi du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, dite loi Macron, a déjà tranché en cette faveur pour l’examen du Code de la route (art. 28). En vigueur depuis 2016, cette réglementation a pourtant permis de fluidifier et de faciliter l’obtention du précieux sésame. Ainsi, en appliquant ce schéma à la production de cartes grises, l’État comme les usagers auraient tout à y gagner.

Avec un nombre limité d’intervenants privés pour produire ces documents et des contrôles réguliers, les bénéfices seraient incontestables. Une expertise, indispensable pour réaliser des documents officiels, un accompagnement des usagers pour construire le dossier de demande, un suivi efficace, mais également la possibilité de réduire drastiquement les délais de traitement, aujourd’hui compris entre une semaine et trois mois, à 24 h.

100 millions d'économies par an

Cette initiative pourrait également créer de nombreux emplois et générer de nouveaux impôts sur les sociétés, charges sociales et TVA : autant de revenus pour l’État qui serait alors en mesure de limiter les charges et la dette publique sur ce poste en se désengageant. À la clé, entre les économies réalisées et les recettes encaissées, le gain pour l’Etat serait supérieur à 100 millions d’euros par an. Face à des usagers en colère et des déboires qui n’en finissent pas de faire les gros titres de presse, l’État aurait tout intérêt à déléguer entièrement la délivrance de cartes grises auprès d’acteurs dont c’est le métier pour un service plus rapide, plus efficace et plus satisfaisant.