FoodDelivery : quand la marketplace prend (enfin) tout son sens

La marketplace. Si le mot sort aisément et uniformément de toutes les bouches depuis plusieurs années, le concept revêt quant-à-lui des réalités très disparates, avec par ailleurs des succès commerciaux tout aussi inégaux.

Tandis que le géant Facebook et son petit frère Instagram prennent eux aussi ce virage, il me paraît pertinent de rappeler ici ce que nous ne devrions plus jamais oublier, quel que soit le secteur dans lequel nous opérons : la marketplace n’est pas une boutique en ligne.

Du moins elle ne l’est plus depuis bien longtemps. Elle n’est rien de moins que le tiers de confiance dont les distributeurs et consommateurs ont aujourd’hui impérativement besoin. Si le secteur du FoodDelivery m’est particulièrement familier, il s’avère qu’il est aussi et surtout l’un des plus représentatifs de ce véritable choc des générations auquel nous assistons actuellement, et qui fera très rapidement, j’en ai peur, ses premières victimes.

Deux générations, deux visions  

Tout d’abord, un peu d’histoire : il y a près de 10 ans, naissait donc en France la première génération des marketplaces de restauration livrée. Leur offre était alors relativement simple, rassemblant une liste impressionnante – car non exhaustive - d’établissements, et laissant in fine le consommateur effectuer seul sa sélection, puis sa commande. Ces plateformes avaient en outre choisi de ne pas disposer de flotte en propre, laissant opérer les coursiers des restaurants référencés… Un business model, on le comprend, très peu risqué, et plus que profitable, que les leaders de cette génération ont pu un temps apprécier.

Mais c’était sans compter sur la génération 2, apparue dans l’hexagone au milieu des années 2010, avec dès le départ une vision radicalement différente de ce que devait être une marketplace ! Pour elle, la marketplace se devait en effet avant tout d’être la parfaite incarnation de ce qu’Internet peut apporter de mieux, à savoir un outil en mesure de satisfaire les besoins de l’ensemble des parties-prenantes. En l’occurrence, elles sont quatre sur ce secteur : le consommateur (en quête d’une sélection diversifiée mais dans le même temps plus fine de restaurants, ou encore d’un suivi de commande en temps réel) ; le restaurateur (soucieux d’une visibilité qualitative, d’un coût d’acquisition client plus faible, ou encore de la mise à disposition d’une flotte de coursiers) ; le coursier (désireux de revenus plus intéressants et de meilleures conditions de travail) ; et bien-sûr la plateforme elle-même, qui ne doit pas pour autant oublier d’être rentable.

Le prix de la survie  

Car mettre en place ces marketplaces "deuxième génération" a un prix, et il n’est jamais vain de le rappeler. Impossible tout d’abord de ne pas évoquer les levées de fonds colossales annoncées récemment par le marché : elles sont nécessaires au modèle, en l’occurrence au développement de fonctionnalités technologiques toujours plus performantes, au service des acteurs mentionnés plus haut. Mais lorsque nous parlons de « prix », nous incluons également les enjeux législatifs et juridiques du modèle, qui font eux aussi couler beaucoup d’encre : statut et rémunération des coursiers, montant des commissions prélevées sur les commandes, contrats d’exclusivité avec les restaurants… Autant de zones d’ombre au cœur desquelles se sont lancées, parfois trop rapidement et naïvement ne le nions pas, les plateformes de la génération 2.

Si le pari, quoiqu’ audacieux, est de mon point de vue le bon, il est donc plus que temps que des responsabilités collectives soient prises sur ces sujets, pour permettre aux marketplace de seconde génération de confirmer la démonstration de force déjà initiée sur les marchés.

Le prix semble bien élevé donc, pour les précurseurs de la génération 1, qui voient malheureusement chaque jour leur leadership s’affaisser, à défaut avant tout d’avoir su anticiper la dimension du rôle conféré aux marketplaces aujourd’hui...