Proptech, ou ce qui se cache derrière un buzzword

Qu'est-ce que la proptech? Cela peut sembler un concept marginal pour un nombre limité d'acteurs économiques. Mais il n'en est rien, au contraire. C'est une vague de fond qui nous concerne tous car au final, c'est de notre vie dans l'environnement urbain qu'il s'agit.

Commençons cette chronique avec un petit test que chacun peut réaliser chez soi, sans aucun risque. En tapant "fintech" sur Google, on trouve plus de 76 millions de résultats. 9,41 millions pour "cleantech". 8,62 millions pour "foodtech". Quid de "proptech" ? Seulement 2,8 millions de résultats. C'est toujours mieux que "civictech" (1,27 million) mais tout de même moins bien que "martech" (3,53 millions). La mode des concepts n'étant pas prête de s'arrêter, il semble raisonnable de considérer que ces statistiques sont caduques au moment où vous lisez ces lignes.

Dans un texte (1) très pédagogique écrit pour Forbes, Angelica Krystel Donati, Présidente d'un groupe immobilier italien et Venture Partner pour le fonds anglais Concrete VC, définit la proptech comme toute technologie utilisée dans l'univers de l'immobilier, qu'il s'agisse de software, de hardware, de matériaux ou de techniques de production. Quel est le potentiel de ce marché en France ? Majeur, si l'on considère que le secteur immobilier représente 10,8% du PIB français et 20% des créations d'emplois en 2017 (2).

L’industrie immobilière a déjà amorcé sa transformation digitale

Peu importe l'expression que l'on utilise, l'apport de l'innovation technologique dans la façon dont les acteurs immobiliers français pensent et développent leur activité est devenu indéniable. Dès 2015, Bouygues Immobilier lançait Bird, une filiale consacrée à l'investissement dans les start-up de l'immobilier. Depuis près de deux ans désormais, Orpi s'est associé avec Plug and Play, plateforme d'innovation globale, pour développer un programme spécifique sur le marché français. Gecina, de son côté, vient d'annoncer un investissement de 20 millions d'euros dans le fonds américain Fifth Wall Ventures. Les exemples sont nombreux. ils sont partout : la tendance a depuis longtemps cédé la place à un mouvement profond, structurel.

Du côté de l’écosystème des start-up, l'heure est désormais à la consolidation des positions. Les créations sont plutôt moins nombreuses et les financements tendent à être plus importants. Dans son second baromètre annuel (3), l’association Real Estech annonce pour 2018 un montant total de levées de fonds de 204 millions d’euros, soit 15,2% de plus qu’en 2017 et… 13,6 fois plus qu’en 2015 ! La très récente levée de fonds historique de Meero (230 millions de dollars financés par des acteurs européens) témoigne de ce mouvement vers la maturité (l’immobilier a été l’un des premiers secteurs à adopter de ce service photographique boosté à l’intelligence artificielle). N’oublions pas tout de même que des acteurs majeurs comme Google, Microsoft, Siemens, Schneider Electric ou encore Alibaba n’ont pas attendu 2019 pour s’intéresser au marché de l’immobilier et proposer leurs solutions technologiques avancées.

Une vision plus large du rôle de l’immobilier

Pour continuer à aller de l’avant et donner plus de visibilité à ces changements à l’œuvre, il est nécessaire d’élargir les perspectives. L’immobilier n’est pas une industrie hors sol. Il fait partie intégrante de l’environnement urbain au sens large, qui structure en grande partie la vie des individus. Or, les citoyens aspirent à une meilleure qualité de vie. Force est de constater que les enjeux d’accessibilité du logement, d’individualisation des services, de santé, de développement durable, de mobilité n’ont jamais autant mobilisé les populations, du fait notamment d’une urbanisation qui s’accélère. La réponse ne peut pas venir uniquement de l’immobilier en tant que secteur ou de la technologie en tant que moyen, mais elle passe en partie par là. Commençons donc par poser la question de l’environnement urbain dans lequel nous souhaitons vivre, travailler, nous déplacer, nous amuser (et cette question nécessite une réponse aussi individuelle que collective). Posons-nous ensuite la question de la responsabilité de l’industrie immobilière. Enfin, interrogeons-nous sur l’intérêt de l’apport des technologies (intérêt qui ne peut pas être toujours évident).

Suivre cet ordre des choses devrait permettre de donner plus de visibilité et de crédit aux initiatives déjà à l’œuvre, en générer de nouvelles et, finalement, dépasser la mode-réflexe des mots qui finissent par « tech ».

(1) https://www.forbes.com/sites/angelicakrystledonati/2018/09/24/7-questions-on-proptech-that-will-make-you-sound-like-a-pro/#6121d6b45bae