Les bénéfices d’une approche plateforme pour les assureurs

La transformation digitale place les assureurs face à un dilemme majeur : doit-on changer un modèle économique qui fonctionne depuis des décennies, peut-être des siècles ? Si oui, comment ?

La transformation digitale revêt une réalité différente selon les entreprises mais toutes s’accordent à dire qu’elle est aujourd’hui un point crucial pour maintenir leur compétitivité. Très souvent elle consiste à mettre en place un écosystème de plateforme qui lui-même suppose un partage extensif de données de manière dynamique, y compris à l’extérieur de l’entreprise.

Le modèle économique de la plateforme technologique permet à plusieurs participants d’interagir les uns avec les autres. Uber, Amazon, Google, Alibaba ou encore Facebook utilisent tous ce type de modèle, avec des services interconnectés à d’autres et un écosystème de partenaires et de consommateurs. Pour les clients finaux, l’intérêt est d’obtenir un accès fluide et facilité à certains produits ou services. Ces entreprises qui réussissent dépendent totalement de leur plateforme technologique tout comme la plupart des produits et services révolutionnaires qu’elles proposent. Par exemple, General Motors a investi 500 millions de dollars dans la plateforme de covoiturage Lyft. Ce partenariat a donné vie à un nouvel écosystème numérique pour le transport des personnes qui a lui-même généré des bénéfices immédiats pour les deux parties.

Les plateformes numériques et les écosystèmes qui s’y construisent offrent un potentiel important de croissance et de création de valeur. Comment les assureurs peuvent-t-il se l’approprier pour en bénéficier ?

S’inspirer d’un autre assureur

Compagnie d’assurance chinoise établie depuis 30 ans, Ping An a complètement revu son modèle économique il y a quelques années pour se muer en un écosystème fondé sur une plateforme. En plus d’être le plus gros assureur chinois, Ping An a déployé avec l’aide de dix start-up des applis mobiles et les technologies sous-jacentes faisant le pont entre les assurances, les services bancaires, la gestion d’actifs et plusieurs plateformes de services non-financiers imaginés pour favoriser les bonnes relations entre l’assureur, ses clients et ses partenaires. La société investit chaque année 1% de ses bénéfices dans des nouvelles solutions de ce type afin de préparer sa croissance future.

La technologie n’est pas la seule composante importante d’une économie de plateforme. Des investissements constants sont nécessaires pour rester au goût du jour. Les consommateurs et les clients aspirent davantage à utiliser des applications que des sites web, ils préfèrent les services numériques que les documents papier, et ils souhaitent pouvoir s’adresser à des agents du service client pour obtenir rapidement la réponse à leur question par quelque méthode numérique que ce soit.

Facilité de partenariat avec d’autres entreprises

Plutôt que de se concentrer sur les ventes et d’évaluer la réussite en termes de marchandises, de services, de recettes et de profits, les plateformes se focalisent sur les interactions. Autrement dit, les échanges de valeur sur la plateforme entre producteurs et consommateurs. Dans le cas de Uber, passagers et conducteurs évaluent leurs expériences réciproques. C’est l’occasion de rendre l’application aussi efficace que possible. Le succès des interactions directes avec les clients a amené Uber à lancer le service de restaurant Uber Eat. Ainsi, après avoir d’abord perfectionné un type d’interaction, les entreprises peuvent ajouter de nouveaux produits ou services à leur gamme en s’associant avec d’autres partenaires.

En plus des restaurants, des chauffeurs et des passagers, la plateforme Uber doit gérer plusieurs solutions de paiement et de la publicité sociale. Le service informatique de toute entreprise qui souhaite se doter d’un écosystème de plateforme doit donc veiller à disposer de la technologie adaptée pour que les partenaires puissent adhérer au nouvel écosystème. L’une des facettes les plus importantes concerne les API (application programming interface) qui permettent aux systèmes de communiquer entre eux et de transférer les données avec plus de fluidité. L’utilisation d’API est un must pour toute entreprise qui souhaite accroître son écosystème de partenaires efficacement.

Les concurrents peuvent aussi être des partenaires

Les assureurs sont souvent des acteurs très isolés dans leur secteur d’industrie : ils ont pour partenaires des entreprises extérieures à leur domaine d’expertise et ne travaillent jamais avec leurs concurrents. L’économie de plateforme suggère que cela doit changer.

Prenez l’industrie automobile par exemple, un secteur qui a déjà connu une profonde transition. BMW et Daimler ont été concurrents pendant de nombreuses années, maintenant ils sont partenaires et ont créé une joint-venture en vue de consolider leurs services d’auto partage, de co-voiturage et de localisation de place de parking ainsi que leurs services de facturation. Ils pensent ainsi dominer plus de 30% du marché mondial de l’auto partage.

La nécessité d’ouverture quant aux types d’entreprises avec lesquelles les assureurs travaillent s’inscrit dans un contexte de progression du secteur de l’assurtech. Pour ne pas se laisser distancer, les assureurs vont devoir collaborer avec les très nombreuses start-up spécialisées qui développent des produits innovants que les consommateurs et les clients voudront utiliser. Ils ont donc besoin d’une infrastructure qui favorise des changements rapides, que l’on peut facilement dimensionner à la hausse comme à la baisse et qui permette le pilotage rapide de nouvelles offres. Il convient d’envisager les offres cloud ici pour faciliter le déploiement d’application et leur mise à l’échelle de manière transparente.

Mettre vraiment l’accent sur la data

Quel que soit le type d’écosystème de plateforme qu’un assureur choisit, s’il ne s’intéresse pas de près à la façon dont les données sont collectées, stockées et analysées, ainsi qu’à la gouvernance et la qualité de ces données, son nouveau business model ne lui servira à rien.

Les meilleurs écosystèmes de plateforme dépendent de la data. Par exemple, Google dispose d’information à jour sur le trafic, si bien qu’Uber utilise l’API Maps pour estimer la durée d’attente pour un passager avant l’arrivée du chauffeur et la durée de la course en voiture. Si ces données ne sont pas à jour, les clients mécontents d’Uber rechercheront des alternatives. Et Uber devrait alors chercher une API plus fiable.

Avec l’essor des capteurs, des dispositifs IoT, des drones et de la télématique avancée, les assureurs vont multiplier les partenaires et analyser de grosses quantités de données pour améliorer leurs opérations et stimuler leur croissance. Ils doivent s’assurer que leurs propres données et celles de leurs partenaires sont fiables et qu’ils extraient les bons éléments de ces informations.

Utilisées correctement, les données peuvent aider à améliorer les souscriptions d’assurances et le développement de produits, avec à la clé plus de recettes et de bénéfices. Pour ce faire, les assureurs doivent adopter les nouveaux produits d’analyse de données, et former leurs équipes à devenir des analystes et des data scientists. Certains assureurs forment même leurs actuaires qui connaissent déjà bien le secteur pour qu’ils deviennent data scientists, afin qu’ils puissent extraire davantage de valeur des données disponibles dans l’entreprise.

Votre entreprise est-elle prête ?

Avant tout projet de plateforme, il convient de procéder à une analyse en profondeur afin de garantir que l’environnement IT d’une entreprise est prêt pour un écosystème de plateforme sans perturbation des opérations métier traditionnelles. Les entreprises doivent comprendre comment l’activité de plateforme peut soutenir la partie la plus rentable des opérations existantes et créer une nouvelle approche de croissance intégrant la réflexion autour de la plateforme et de l’écosystème. La stratégie qui s’en suit devrait couvrir les points suivants : 

1.    Quels homologues de l’industrie ou autres acteurs de l’écosystème au sens large peuvent vous aider à maximiser votre plateforme ?

2.    Plateformes de vente : à quelles plateformes allez-vous vous relier pour élargir vos opportunités commerciales ?

3.    Amélioration et optimisation des opérations en l’état : en quoi cette nouvelle approche de plateforme et d’écosystème bénéficiera-t-elle à votre activité ?

4.    Création d’une nouvelle division autonome : allez-vous devoir créer une nouvelle division pour gérer et optimiser l’écosystème ?

5.    Création d’une joint-venture avec un autre acteur du marché : une joint-venture est-elle nécessaire et est-ce le moyen le plus efficace de développer votre écosystème ?

6.    Investissements financiers : quel sera le montant de l’investissement pour mettre ce modèle en place ?

7.    Mon environnement IT actuel est-il prêt pour une stratégie de plateforme ?

8.    Ai-je une stratégie big data prête et adaptée pour valoriser les données de la plateforme et les traduire en résultats de business ?

Pour pouvoir exposer ces idées à la direction, aux membres du conseil et aux actionnaires, il est important de communiquer la valeur potentielle d’une approche de plateforme en termes d’impact sur les taux de croissance, les facteurs de valorisation, la satisfaction client, les marges, le retour sur actifs et autres métriques clés.

Comme toujours, il y a des risques

Aussi bénéfique que puisse être un modèle à base de plateforme quel que soit le type d’entreprise, il comporte des risques : le succès peut aboutir à une trop forte demande de la part des clients que la plateforme ne pourra pas absorber. L’effet peut être dévastateur en cas de lancement d’un nouveau produit ou d’ouverture à un nouveau marché.

S’il est bon de créer de nouvelles interactions avec les clients, il convient aussi de surveiller la réussite des initiatives lancées : y a-t-il des moments où les clients abandonnent le process avant de s’inscrire à de nouveaux services ? Il se peut qu’il faille juste corriger une erreur sur le site web ou donner plus d’information à un moment donné sur l’application pour faciliter la souscription à de nouveaux services.

Dans certains cas, il peut apparaître intéressant pour les assureurs d’unir leurs forces avec des concurrents sur certaines plateformes. Cela peut comporter certains risques que l’on peut atténuer en créant des entités séparées des business traditionnels et en leur donnant une véritable autonomie de gestion, et la possibilité de recruter les talents pour les laisser libre d’inventer un avenir différent.

Il ne fait aucun doute qu’une entreprise quelle qu’elle soit a tout intérêt à rejoindre une économie de plateforme. Au cours des vingt dernières années, quelques-unes des entreprises les plus prestigieuses et rentables ont adopté des stratégies de développement basée sur des modèles de plateforme numérique, permettant à des groupes différents d’interagir et de créer ensemble plus de valeur pour eux comme pour leurs clients.