Tom Blomfield (Mondo) "Nous voulons construire une banque de la taille de Google ou Facebook"

La start-up britannique Mondo a fait sensation en levant un million de livres sterling en 96 secondes sur une plateforme de crowdfunding en mars. Son fondateur explique sa stratégie.

Tom Blomfield, fondateur et CEO. © Mondo

JDN. Votre grand argument de différenciation par rapport aux banques traditionnelles est d'apporter plus d'information au client. Pouvez-vous nous donner des exemples ?

Tom Blomfield. L'objectif de Mondo est effectivement de pouvoir retrouver un maximum d'informations très facilement. Ça peut paraître évident, mais cela ne l'est pas pour une banque traditionnelle qui se concentre sur la vente de produits financiers et n'essaie de résoudre les problèmes des clients que lorsque cela peut lui apporter du profit : pour une assurance, un prêt…. Par exemple, nous géo-localisons chaque transaction pour y ajouter le nom du commerce où elle a été passée, la catégorie de l'achat… L'utilisateur peut voir si quelqu'un essaie d'utiliser sa carte bancaire sur un site dès que la commande est passée, et non lorsque la transaction est finalisée quelques jours plus tard, et peut donc prévoir la fraude avant même d'être facturé. Il peut aussi regarder directement sur l'application si une transaction a échoué et pourquoi : mauvais code ou date d'expiration de la carte…

Vous avez lancé l'application en version alpha avec 3 000 testeurs en novembre 2015 puis la version béta avec plusieurs dizaines de milliers de clients en mars. A quand la version publique ? Attendez-vous de recevoir la licence bancaire pour laquelle vous avez postulé en février pour la lancer ?

En effet, nous nous lancerons complètement quand nous aurons obtenu l'agrément bancaire. Nous espérons l'obtenir avant la fin de l'année. La grosse différence, c'est que nous fonctionnons aujourd'hui avec des cartes prépayées alors qu'on pourra prêter de l'argent une fois la licence obtenue.

L'allemand Number26 s'est lancé sans agrément et ne dit pas encore s'il va en demander un. Pourquoi ne pas s'appuyer, comme lui, sur une banque partenaire ?

Number26 n'a pas encore d'agrément mais je pense qu'ils en demanderont un… Certes, d'un point de vue technique, il est possible de lancer un service comme le nôtre sans agrément, mais je ne pense pas que ce soit souhaitable. D'abord, parce que le fonds de garantie des dépôts inspire la confiance. Ensuite, je pense qu'être une banque confère un énorme avantage "émotionnel" : les clients ont intégré l'idée depuis très jeunes qu'ils ont besoin d'un compte bancaire certifié. Et puis, bien sûr, notre business model repose sur l'obtention de l'agrément bancaire : il nous permettra d'accorder des prêts. Nous nous financerons grâce à des prêts court-terme en cas de découvert dans un premier temps puis, sur le long terme, nous permettrons d'accéder à d'autres produits financiers depuis notre plateforme.

Combien est-ce que la demande d'agrément bancaire vous aura coûté ?

Quand nous nous lancerons officiellement en tant que banque, nous aurons eu besoin de 20 millions de livres [25 millions d'euros, ndlr] pour nous financer. Ça donne une idée des fonds nécessaires pour financer le développement, les fonds de garantie…

"Nous devons lever 15 millions d'euros avant la fin de l'année"

Vous avez déjà levé 8 millions de livres auprès de Passion Capital et en crowdfunding. Il va donc falloir vous refinancer avant le lancement…

Il faut en effet que l'on lève 12 millions de livres [15 millions d'euros, ndlr] supplémentaires avant de se lancer complètement en tant que banque… donc avant la fin de l'année.

Est-ce que la licence sera valable dans le reste de l'Europe ? Prévoyez-vous déjà une internationalisation ?

On va se lancer d'abord au Royaume-Uni et peut être ensuite penser à l'expansion. Aujourd'hui, oui, la licence est valable dans toute l'Union européenne, mais pour la suite cela dépendra de l'issue du vote sur l'avenir du Royaume-Uni dans l'UE… Un Brexit serait clairement une mauvaise nouvelle. En cas de sortie, l'harmonisation financière subsistera certainement. Mais cela pourrait prendre quelques années pour arriver à un accord et cette période d'incertitude pourrait poser un problème.

De toute façon, même si on regarde à l'étranger, et en Irlande notamment, nous prendrons notre temps avant de nous internationaliser. Chaque pays possède une culture différente pour la gestion des finances personnelles et il faudra adapter l'application en fonction. Au Royaume-Uni, l'usage du découvert est très élevé, tout comme celui de la carte bancaire, de la technologie NFC… En Allemagne, le cash est très important et c'est pour ça que l'allemand Number26 met en avant la possibilité de retirer de l'argent dans un réseau de commerçants. En Italie, payer en cash des commandes en ligne est commun. Au Japon, énormément de paiements, même en ligne, nécessitent tout de même d'aller signer un papier à la banque. Il est donc très important de comprendre les caractéristiques de chaque marché avant de se lancer.

Selon les projections financières présentées à vos investisseurs, vous ne prévoyez pas d'être rentable avant 2020 mais vous pensez engranger des millions de livres de chiffre d'affaires d'ici à 2018. Vous confirmez ?

Ces chiffres sont en effet ceux d'un pitch pour investisseurs, mais pour être honnête c'est assez difficile à prévoir en réalité…

Number26 a noué un partenariat avec la start-up de transfert d'argent à l'international Transferwise et son CEO, Valentin Stalf, explique qu'il veut bâtir un "fintech hub" sur son application en regroupant tous les meilleurs services du marché. Est-ce que vous voulez suivre la même stratégie, en agrégeant divers services, ou bien voulez-vous tout bâtir en interne ?

C'est une question stratégique très intéressante. Je crois vraiment dans le marché libre et le libéralisme. L'idée que la banque du futur pourrait être une marketplace, un app store où l'on peut trouver tous les services concurrents pour choisir le meilleur en comparant les offres et les prix est une idée très intéressante d'un point de vue intellectuel. Mais la réalité est plus nuancée : je pense que les gens valorisent la praticité. Une expérience simple, en un clic, dans laquelle on n'a pas à comparer plusieurs services fonctionnera mieux que si l'on oblige à comparer tous les services.

C'est ce que fait Number26 en cherchant le meilleur service de chaque catégorie…

En effet, cela pourrait être un modèle.

Quel est votre objectif, en termes de clients, de chiffre d'affaires… ?

Nous ne communiquons pas de chiffres précis, mais notre ambition est de construire une banque qui fera la taille de Google ou Facebook. Je pense que la mondialisation numérique va rendre les pays de moins en moins spécifiques en termes de produits financiers, de processus de paiements, etc… Et dans ce monde, nous proposerons notre plateforme.

Vous pensez pouvoir devenir le Google de la banque ?

Je pense en tout cas que quelqu'un va le devenir… Et nous travaillons pour être ce quelqu'un.

Diplômé de l'université d'Oxford ainsi que de Paris II, Tom Blomfield a fondé Boso.com en 2004 puis a travaillé en tant que consultant chez OC&C Strategy Consultants, avant de cofonder la start-up à succès GoCardless en 2010. Il devient VP Growth chez Grouper en 2013 avant de fonder Mondo en février 2015.