Guillaume Princen (Stripe) "Deux tiers des start-up retail créées depuis 18 mois en France utilisent Stripe"

L'API de paiement irlandaise Stripe, valorisée 5 milliards de dollars, se lance officiellement en France. Guillaume Princen, directeur général France et Europe du Sud, détaille sa stratégie.

Guillaume Princen. © Stripe

JDN. Vous annoncez votre lancement officiel en France mais vous travaillez déjà avec des entreprises dans la capitale depuis plusieurs mois. Pourquoi cette période de tests ? Quelles sont les spécificités de l'API Stripe en France ?

Guillaume Princen. Nous nous sommes lancés en version bêta il y a un peu plus d'un an en France. Nous nous sommes rapprochés de fonds, d'incubateurs et de start-up pour savoir de quoi les entreprises avaient besoin et pour adapter notre produit au marché français. Nous avons lancé un site Web en français et mis en place des interlocuteurs parlant la langue. Comme l'un des gros challenges des start-up françaises réside dans la vente de produits à l'international, nous avons poussé les fonctionnalités qui permettent de faire de la multidevise. Nous avons aussi lancé en test le service Atlas, qui aide à monter une entité et à ouvrir un compte en banque aux Etats-Unis pour aller attaquer le marché américain. Stripe intègre aussi des modes de paiement différents selon les pays, comme Alipay pour aider à vendre des produits en Chine.

Combien de collaborateurs travaillent dans le bureau parisien de Stripe ?

Huit personnes. Le bureau parisien est en fait le hub de Stripe pour la France et l'Europe du sud.

L'Europe du sud… Est-ce que cela veut dire que vous allez lancer Stripe dans d'autres pays ?

Oui. Nous sommes déjà présents au Royaume-Uni, en Irlande, dans les pays scandinaves et désormais en France. Le reste de l'Europe va suivre dans les mois qui viennent.

"Nous sommes en discussion avec des grands comptes qui ont tout intérêt à innover dans le mobile"

Quels types de clients visez-vous ? Des start-up principalement ?

Malgré un écosystème tech très mature en France avec le fort développement d'incubateurs et la hausse des investissements dans les start-up, seuls 7% des achats des consommateurs français sont effectués sur Internet ou mobile. L'objectif de Stripe est d'accompagner la bascule du commerce sur le Web et mobile et d'accélérer le mouvement en fournissant une plateforme technologique et des outils pour expérimenter de nouveaux business models en ligne et se développer à l'international. C'est donc un outil idéal pour les start-up. D'ailleurs, plus de deux tiers des jeunes pousses créées ces 18 derniers mois à Paris et qui vendent un produit en ligne utilisent Stripe. Mais nous visons aussi les entreprises tech plus matures. Nous sommes d'ailleurs en discussion avec des grands comptes qui ont tout intérêt à innover dans le mobile pour trouver de nouveaux relais de croissance et éviter la disruption.

Pouvez-vous citer quelques-uns de vos clients français ?

Drivy et Heetch, dans le domaine de l'économie collaborative, Algolia et Dashlane dans le Saas, Ulule et Kisskissbankbank dans le crowdfunding, mais aussi l'e-commerçant Rad, MK2…

Combien revendiquez-vous de clients dans l'Hexagone ?

Des milliers.

Aux Etats-Unis, Stripe permet aux entreprises d'accepter des paiements via Apple Pay, Samsung Pay ou même en bitcoin. Puisque ces outils n'existent pas encore en France, est-ce que Stripe n'y a pas moins de valeur ?

Stripe est une plateforme de paiement mais plus globalement une plateforme technologique qui aide de nouveaux business à se créer sur mobile grâce à une multitude de services associés : outil de lutte contre la fraude, de comptabilité, de facturation, de paiement multidevises…  C'est une proposition de valeur globale. Et bien sûr, nous proposons tous les modes de paiement disponibles en France pour que l'expérience de paiement soit fluide, notamment avec la conservation des données carte et le "one-click payment".

Quel est votre business model ?

Nous prélevons une commission sur chaque transaction. Elle s'élève à 1,4% plus 25 centimes d'euros en France pour les start-up, et la tarification est discutée au cas par cas pour les entreprises plus matures.

Alven Capital a révélé être entré à votre capital lors du dernier tour de table de Stripe de 100 millions de dollars, en juillet 2015, pour une valorisation de 5 milliards de dollars. Qu'en est-il de l'accélérateur français TheFamily, duquel vous semblez très proche ?

"Nous avons ouvert notre capital à TheFamily"

Nous avons en effet ouvert notre capital à TheFamily lors de notre dernier tour de table. C'était délibéré : pour comprendre les besoins des entreprises locales, Stripe avait besoin de s'intégrer dans l'écosystème. C'est une manière de se rapprocher des start-up qui gravitent autour de TheFamily.

Stripe a lancé en 2015 un outil baptisé "Relay" qui permet d'installer un "buy button" sur les réseaux sociaux. Utilisé par Twitter ou Pinterest, il semblait être un axe très fort de développement pour Stripe. Mais Twitter a récemment décidé d'arrêter de mobiliser des ressources sur le projet. De son côté, Facebook teste un bouton similaire aux Etats-Unis depuis 2015 mais ne l'a toujours pas lancé. Est-ce que le "buy button" est mort ?

Le fait que Twitter n'ait plus besoin d'ingénieurs pour maintenir le buy button est plutôt une bonne nouvelle puisqu'on a construit la brique technologique... Relay est un pari de long terme. Nous sommes conscient que les comportements des clients ne changeront pas en un mois mais nous faisons le pari de l'avènement du social commerce. Le social commerce via Stripe a augmenté de 900% en un an aux Etats-Unis. Certes, nous partions de très bas, mais cela veut dire qu'il y a sûrement quelque chose à faire. Mais nous restons pour l'instant concentrés sur notre activité principale : apporter les outils pour aider les start-up à monter des business model sur mobile en y facilitant le paiement.

Quels objectifs vous êtes-vous fixés en France en termes de chiffre d'affaires et de nombre de clients ?

Nous ne communiquons pas sur les données françaises. Je peux vous dire qu'au niveau mondial, nous gérons des milliards d'euros de transaction tous les ans et nous revendiquons des centaines de milliers de clients.  Nous sommes présents dans 25 pays et comptons 480 employés dans 10 bureaux. 


Guillaume Princen est ingénieur Supélec de formation, également titulaire d'un MBA délivré la Harvard Business School. Il a accompagné des entreprises, notamment dans leur transformation digitale, au sein du cabinet de conseil McKinsey pendant six ans, en France, en Europe et aux Etats-Unis. Il a également créé une startup dans le mobile, MyC, tournée vers un modèle de publicité innovant sur téléphone mobile. Il a rejoint Stripe en 2014.