L'IA, meilleur allié des banques et des e-commerçants pour détecter la fraude

L'IA, meilleur allié des banques et des e-commerçants pour détecter la fraude Mastercard, Ravelin ou The AI Corporation ont développé des solutions basées sur le machine learning pour détecter les transactions frauduleuses sur Internet, qui s'élevaient à 30 milliards de dollars dans le monde en 2015.

Banquiers et e-commerçants s'arrachent les cheveux pour détecter plus efficacement les transactions frauduleuses réalisées sur Internet. Un problème d'autant plus difficile à résoudre que le nombre d'opérations réalisées chaque année sur les sites de vente en ligne progresse constamment : de plus de 1 500 milliards de dollars en 2015, il devrait passer à 4 000 milliards en 2020, selon des données compilées par Statista.

La fraude se développe elle aussi d'une année sur l'autre : "entre 2014 et 2015, nous sommes passés de 14 à 30 milliards de dollars de transactions frauduleuses sur le net à l'échelle internationale, notamment parce que les sites d'e-commerce veulent rendre le paiement aussi rapide et facile que possible pour leurs clients afin de maximiser leur taux de conversion. Ils sont donc moins stricts sur la vérification de leur identité", explique Martin Sweeney, PDG du spécialiste londonien de la lutte contre la fraude Ravelin.

"Entre 2014 et 2015, nous sommes passés de 14 à 30 milliards de dollars de transactions frauduleuses sur le net à l'échelle internationale"

Dans ce contexte, les entreprises doivent muscler tous les ans un peu plus leur dispositif de prévention de la fraude. Dernière tendance en date : l'utilisation de solutions d'intelligence artificielle (IA) capables de brasser en quelques heures d'importants amas de données. Basé sur le machine learning, le logiciel développé par Ravelin calcule par exemple un score de risque pour chaque transaction à partir d'un historique de données mais aussi d'informations collectées en direct sur un prospect. Il n'envoie un avertissement aux salariés chargés de pister les hackers que lorsque ledit score dépasse une certaine valeur, définie en amont par la société cliente. "Nos utilisateurs examinent à la main moins de 1% de leurs opérations contre 25% en moyenne pour les entreprises qui vendent sur le web", affirme le patron de la jeune pousse.

L'intelligence artificielle permet également de valider ou non une transaction quasiment en temps réel, un attribut essentiel dans une économie de l'instantané où le service à la demande se développe fortement. La start-up se concentre sur ce segment de marché. Sa solution est par exemple utilisée par le spécialiste de la livraison de repas à domicile Deliveroo ou encore par l'application brésilienne EasyTaxi. Ravelin a levé depuis sa création en 2014 plus de 5,6 millions de dollars.

"Les clients de Ravelin examinent à la main moins de 1% de leurs transactions contre 25% en moyenne pour les entreprises qui vendent sur le web"

Grâce à l'intelligence artificielle, il devient aussi possible de minimiser les "faux positifs", ces transactions réputées frauduleuses, et donc bloquées par les banques ou par les sociétés qui vendent leurs produits en ligne, alors qu'elles sont parfaitement licites. "En 2014, 120 milliards de dollars de paiements réalisés sur le net ont été refusés dans le monde alors qu'ils étaient réguliers. C'est un manque à gagner encore plus important que la fraude en elle-même pour les entreprises", s'exclame Mark Goldspink, PDG de The AI Corporation. Cette dernière, fondée en 1998 et basée à Guilford en Caroline du Nord, conçoit des outils de détection de fraude basés sur l'IA. L'un de ses logiciels, baptisé SmartScore, a par exemple permis aux banques qui l'utilisent de détecter une transaction frauduleuse pour six faux positifs contre une pour 32 en moyenne auparavant.

Au départ, toutes les entreprises qui ont besoin de détecter des transactions frauduleuses ont créé un corpus de règles, en fonction desquelles leur logiciel de détection de fraude (pas forcément basé sur une IA) détermine si une opération est ou non risquée. Une transaction d'un montant élevé passé par un client inconnu installé en Azerbaïdjan ne sera par exemple pas validée. The AI Corporation améliore cet ensemble normatif : sa solution analyse un jeu de données historiques d'en moyenne 10 millions de transactions fourni par son client, en modifiant à chaque fois légèrement les règles en place et en en intégrant de nouvelles. Ils choisi in fine la solution la plus efficace. "Avec notre IA basée sur les réseaux neuronaux, nous mettons deux heures à faire ce travail, là où un ingénieur aurait mis au minimum douze jours", souligne le patron.

The AI Corporation totalise aujourd'hui plus de 100 clients bancaires mais propose aussi ses services à de petits e-commerçants et des PME grâce à son offre cloud

"Nous espérons réaliser 6,2 millions de dollars de chiffre d'affaires en 2017, contre 3,8 millions en 2016", prévoit Mark Goldspink. Le business model de The AI Corporation est double : l'entreprise vend des licences à ses gros clients mais propose également un système cloud de "pay as you go" destiné aux plus petites sociétés. Barclays, China Construction Bank… Le spécialiste de l'IA dénombre aujourd'hui plus de 100 clients bancaires. "Mais trois millions de marchands qui vendent leurs produits sur le net utilisent aujourd'hui des solutions siglées The AI Corporation", se félicite le patron.

Le géant du système de paiement Mastercard a lui aussi opté pour l'intelligence artificielle. Il a développé une solution baptisée Smart Agent, capable de détecter la fraude en direct en comparant les data collectées à un instant T avec des données historiques pour repérer les similitudes et dépister les potentiels hackers. Mais Smart Agent identifie également les comportements positifs des clients (un individu X a déjà réalisé cinq transactions non frauduleuses sur ce site) pour limiter au maximum le nombre de faux positifs. "Sur plus de 600 millions de transactions traitées en moyenne chaque jour, notre technologie permet de détecter 40% de fraude de plus et 50% de faux positifs de moins que la moyenne dans notre champ d'activité", pointe Johan Gerber, vice-président exécutif des produits sécurité et décision chez Mastercard monde.

Selon lui, la prochaine étape pour le groupe sera de "sécuriser grâce à ces mêmes technologies d'intelligence artificielle les objets connectés qui vont réaliser de plus en plus de transactions au nom de leur propriétaire, afin de ne pas freiner le développement de ce secteur à fort potentiel".