Le smart contract, un contrat qui compte triple pour les assureurs

Le smart contract, un contrat qui compte triple pour les assureurs Basé sur la blockchain, le contrat intelligent va permettre d'automatiser la relation entre les assureurs et leurs clients et de réduire les coûts. Certains acteurs planchent sur des cas d'usages.

Dans le petit monde de la blockchain, les assureurs tentent de se faire une place. Groupes de travail internes, investissements dans des start-up, partenariats avec des instituts… à chacun sa recette. Mais leur but n'est pas de transférer des actifs financiers. Ce qui les intéresse, c'est le "smart contract". Ce dernier est un programme autonome qui exécute automatiquement des actions validées au préalable par les parties prenantes.

En automatisant l'exécution de certains  contrats, les assureurs et les assurés peuvent s'émanciper de tâches rébarbatives comme les réclamations de prime, les vérifications de justificatifs ou encore le déclenchement d'indemnisation. Avec en ligne de mire la baisse du coût de la gestion des dossiers, la réduction du temps d'attente imposé à l'assuré pour toucher le versement d'une indemnité… "On peut imaginer énormément de cas d'usages dans l'assurance car tout ce qui a trait à l'exécution automatique d'une obligation peut être programmé en smart contract", assure Simon Polrot, fondateur de l'association Chaintech et avocat. Les assureurs commencent à plancher sur ces problématiques mais pour la plupart restent discrets. 

Allianz teste le smart contract pour les cas de catastrophe naturelle

Allianz, à travers son centre Allianz Risk Transfer, a annoncé la réalisation d'un smart contract en juin 2016. Celui-ci permet de verser automatiquement une indemnité à un assuré en cas de catastrophe naturelle. Cette expérimentation a été menée sur des "cat swap", des instruments financiers liés aux catastrophes naturelles. Concrètement, l'assureur paie un tiers pour assurer le risque financier d'une catastrophe définie au préalable en échange d'un paiement ou d'une série de paiement. Quand l'événement se produit, selon les critères prédéfinis, le versement de l'indemnité est automatiquement déclenché. Cependant, c'est le tiers et non l'assureur, qui procède au paiement de l'indemnité. Ce test a démontré que le processus d'indemnisation pouvait être accéléré et simplifié et qu'il était possible de l'étendre à d'autres transactions d'assurance. Cette nouvelle technologie permettrait aux assureurs de faire des économies puisque le smart contract diminuerait leurs coûts de gestion. Le business lié aux catastrophes naturelles (dont font partie les assureurs) est en progression. Dans une étude publiée fin 2015, l'association française de l'assurance estime que les aléas naturels coûteront 92 milliards d'euros dans les 25 prochaines années, soit le double de ce qu'ils ont coûté sur la période équivalente passée. 

De l'assurance automobile à l'assurance habitation 

Le groupe Covéa (MMA, MAAF, GMF) s'intéresse depuis plus d'un an au smart contract. A ce jour, aucun "proof of concept" n'est encore sorti mais quelques pistes apparaissent. "Les smart contracts ne sont pas encore mûrs techniquement et juridiquement mais il y a des aspects qui pourraient bien fonctionner. La question qui se pose est : jusqu'où peut-on aller ?", s'interroge Bruno Garçon, en charge des projets blockchain du groupe. Pour accélérer ses recherches, Covéa vient de s'associer avec l'Institut de Recherche Technologique (IRT) parisien SystemX. C'est le premier assureur à rejoindre le projet Blockchain for Smart Transactions (BST) lancé en novembre 2016. L'objectif : expérimenter des cas d'usages en particulier dans le domaine de l'assurance automobile et habitation. "Nous avons un fort intérêt à travailler avec eux car c'est à la fois un institut de recherche qui regarde de manière proactive ce qui va se passer demain et après-demain et c'est aussi l'occasion de travailler concrètement avec d'autres secteurs d'activités. Nous allons pouvoir faire des tests sur nos cas tout en prenant de l'avance", explique Bruno Garçon. 

Covéa vient de rallier le projet de véhicule blockchain mené par PSA

L'institut de recherche est aussi un écosystème à lui tout seul. Ce projet blockchain rassemble des établissements publics, des PME et des grandes entreprises de différents secteurs comme EDF, PSA ou encore La Poste. Covéa vient d'ailleurs de rallier le projet de véhicule blockchain mené par PSA. "L'un des intérêts de la blockchain est de pouvoir collaborer avec une multitude de partenaires. Plus il y a d'intervenants, plus c'est intéressant. Le secteur automobile est évidemment complémentaire avec le nôtre", souligne Bruno Garçon. Le constructeur automobile travaille par exemple sur la dématérialisation du carnet d'entretien des véhicules PSA via la blockchain. Il serait alors disponible à tous les garagistes et non au seul concessionnaire. Selon un rapport du cabinet Capgemini, l'utilisation de smart contracts dans le secteur de l'assurance automobile personnelle pourrait faire économiser 21 milliards de dollars de coûts (au niveau mondial et par an) grâce à l'automatisation et à la réduction des frais engagés dans la gestion des déclarations. Les primes d'assurance pourraient alors baisser... Entre sa collaboration avec PSA et ses projets propres à l'assurance, Covéa s'attend à des premiers résultats dans six mois. 

Les start-up se positionnent 

Les assurtech s'intéressent aussi aux smart contract. Certaines ont même pris un peu d'avance. Fondée en 2015, Slock.it est une start-up allemande avec un slogan plutôt accrocheur : "louez, vendez ou partagez n'importe quel objet sans intermédiaire". La jeune pousse a pour objectif de rendre les objets entièrement autonomes… pour signer directement des contrats avec eux ! Actuellement, elle se focalise sur la location d'appartement. L'idée est de concevoir une porte avec laquelle on pourrait interagir et signer un contrat de location. Une fois signé, cela déclencherait son ouverture et le paiement au propriétaire même s'il n'est pas sur place. La porte connectée pourrait même regarder en temps réel les tarifs pratiqués dans la ville ou le quartier et proposerait le prix le plus adapté. L'équipe de Slock.it étudie aussi la possibilité d'envoyer une demande d'intervention à une équipe de ménage une fois que l'utilisateur quitte les lieux.  

Slock.it conçoit une porte avec laquelle on pourra signer un contrat de location 

Un autre projet est surveillé par les assureurs : InsurETH. Créé en 2015 lors d'un hackathon à Londres, il est aujourd'hui chapeauté par Thomas Bertani. Cet Italien est à la tête d'Oraclize, une start-up qui facilite la création de smart contract. En deux jours, il a programmé avec une petite équipe un smart  contract sur la plateforme ethereum qui indemnise automatiquement les passagers d'un vol en retard. En Grande Bretagne, environ 550 000 personnes par an ne réclament pas de dédommagement suite à un retard de vols d'avion. Depuis, la start-up développe de nouvelles applications, notamment dans l'e-commerce.