Les assureurs à la conquête de la génération Uber

Les assureurs à la conquête de la génération Uber Deliveroo, Uber et Foodora ont récemment signé des partenariats avec Axa France pour mieux protéger leurs travailleurs. Les indépendants du numérique seraient 200 000 en France.

Dans le monde de la livraison, rayer une voiture ou bousculer un passant peut vite arriver. Si le livreur est salarié, l'assurance de son employeur se chargera de régler la note. S'il est indépendant, c'est à son assurance de prendre le relai. Pour les livreurs Deliveroo, Foodora et autres, c'est encore une autre histoire. Certains sont salariés d'un employeur tiers (autre que la plateforme), d'autres autoentrepreneurs, d'autres encore sont étudiants... Pour remédier à ce casse-tête qui concernerait 200 000 travailleurs en France  selon l'Institut de l'entreprise, assureurs et plateformes collaborent. AXA France est l'un des plus actifs sur ce sujet. La filiale de l'assureur a récemment signé un partenariat avec Foodora. Comme ses concurrents Deliveroo et UberEats, le service de livraison de restaurants a subi les foudres de ses coursiers.

En 2017, les travailleurs de ces plateformes ont dénoncé leurs conditions de travail et la fragilité de leur statut à coups de manifestations, piquets de grève ou encore appels au boycott. Depuis le 1er novembre, Foodora fournit gratuitement à ses 2 000 coursiers une assurance responsabilité civile professionnelle AXA. Cette assurance couvre les dommages corporels, matériels et immatériels causés par un livreur, à partir du moment où il se connecte à l'application jusqu'à sa déconnexion. La franchise ne dépassera jamais 150 euros et sera de zéro pour les dégâts corporels.

"En général, nos coursiers ne paient pas d'assurance et croisent les doigts pour qu'il ne leur arrive rien"

Cette responsabilité civile professionnelle vient en complément de celle déjà souscrite par le travailleur ou la remplace par défaut. Pour certains indépendants, cette assurance comblera un vide. "Nos coursiers sont soit des étudiants soit des intermittents du spectacle qui travaillent pour Foodora afin d'obtenir des revenus complémentaires pendant une période limitée. Le turnover est de trois à quatre mois chez nous. En général, nos coursiers ne paient donc pas d'assurance pour une si courte période et croisent les doigts pour qu'il ne leur arrive rien", explique Stéphane Mac Millan, CEO de Foodora France. Avant le partenariat avec AXA France, il estime que 90% de ses livreurs ne possédaient pas d'assurance de responsabilité civile professionnelle. Pour le moment, cette offre ne concerne que les coursiers de Foodora France (l'entreprise est implantée dans dix pays). Le dirigeant français devra échanger régulièrement avec son homologue italien intéressé par l'offre puisque le pays a aussi un statut d'autoentrepreneur.

Une assurance santé sans condition  

AXA France a également signé en janvier dernier un partenariat sur le responsabilité civile avec Deliveroo (7 500 livreurs en France). Celui-ci a été suivi en septembre d'un accord sur la protection sociale. La loi travail imposera à ces plateformes "de prendre en charge à compter du 1er janvier 2018 la cotisation d'assurance d'accidents du travail qu'auront souscrite les travailleurs indépendants." Cette nouvelle législation laisse quelques questions en suspens. "Pour l'instant la loi est inapplicable. Un coursier Foodora peut aussi travailler pour Deliveroo ou Frichti. Qui l'assure dans ce cas ? Faut-il faire un prorata du chiffre d'affaires ou un prorata au kilomètre ?", s'interroge Stéphane McMillan.

A la rentrée, AXA s'est aussi associé à Uber France, qui estimait qu'un seul chauffeur indépendant sur cinq bénéficiait d'une couverture personnelle. Les 20 000 chauffeurs français sont désormais couverts en cas d'accident pour les frais d'hospitalisation.

"En développant des partenariats avec ces plateformes, AXA entre dans la vie des gens"

"L'assurance est accordée à tous puisqu'elle ne prend pas en compte le chiffre d'affaires. Par exemple, les montants remboursés correspondent à 100% de la base de remboursement de la sécurité sociale sur les soins de ville (consultation, frais hospitaliers…). Nous avons aussi déterminé un bon niveau de couverture en cas de blessure et de décès", résume Elise Bert, directrice marque et partenariats d'AXA France.

Ce partenariat permet à Uber de redorer son image après la vague de manifestations des chauffeurs, mécontents de la hausse de la commission prélevée par la plateforme (passé de 20 à 25% en décembre 2016). "Comme Uber prend en charge la protection pour ses chauffeurs, cela lui permet de les fidéliser et d'en recruter de nouveaux", souligne Elise Bert. Et pour AXA, c'est une façon d'augmenter sa visibilité. "La fréquence de contact avec un assureur est assez faible. En développant des partenariats avec ces plateformes, on entre dans la vie des gens. Demain, vous commanderez un repas le midi assuré par AXA, vous vous déplacerez en Uber le soir avec AXA, vous dormirez en réservant sur une plateforme partenaire d'AXA… En bref, vous passerez une journée complète pendant laquelle vous serez assuré AXA", résume-t-elle. Déjà partenaire d'une centaine de plateformes, l'assureur prévoit d'en ajouter des nouveaux à sa liste en 2018, sans donner de noms. "C'est un marché à fort potentiel. Aujourd'hui, 70% des travailleurs français estiment devenir indépendants une fois dans leur carrière. Le modèle de salarié ne sera plus roi, les carrières seront multi-statuts", insiste Elise Bert.

"Aujourd'hui, entre 15 et 20% des assurés Alan sont des indépendants"

Allianz France a aussi tissé des liens avec des plateformes comme Uber (assurance automobile et responsabilité civile), Chauffeur Privé ou encore la plateforme de bricolage Supermano. L'assurtech Alan, lancée fin 2016, a rapidement investi ce créneau. En mars dernier, elle a lancé une offre dédiée aux indépendants, qui varie de 40 à 55 euros par mois en fonction de l'âge. "Aujourd'hui, entre 15 et 20% des assurés Alan sont des indépendants. En octobre 2017, le nombre d'indépendants a même doublé. Parmi eux, il y a tous types de plateformes comme Uber et Deliveroo mais aussi des freelances du web. C'est un levier très important de l'économie. Nous allons continuer à investir là-dedans", confie Jean-Charles Samuelian, fondateur de l'assurtech. Au Royaume-Uni, la start-up Zego s'est spécialisée dans la nouvelle économie. Elle assure les livreurs de Deliveroo, UberEats, ou encore du Français Stuart (racheté par La Poste en mars 2017). Contactée, l'entreprise britannique n'a pas souhaité répondre à nos questions.