Les arnaques aux crypto-monnaies se suivent mais ne se ressemblent pas

Les arnaques aux crypto-monnaies se suivent mais ne se ressemblent pas Fausses monnaies, levées de fonds en crypto-monnaies bidons, minages factices… Les escroqueries inondent la toile malgré la vigilance et les avertissements de la communauté.

La communauté bitcoin s'agrandit : les fonds d'investissements commencent à miser dessus, la banque américaine Goldman Sachs envisage d'ouvrir un desk de trading dédié, Amazon vient d'acheter des adresses web liées aux crypto-monnaies... Mais cette popularité n'est pas sans danger. Les arnaques au bitcoin et autres crypto-monnaies continuent de fleurir sur le web malgré la vigilance de la communauté. Il est impossible de connaître l'ampleur de ce phénomène mais certains continents sont plus touchés que d'autres. "L'endroit du monde où les arnaques se diffusent le plus est l'Asie du Sud-Est, en particulier la Chine. La culture du jeu d'argent est très forte là-bas. C'est d'ailleurs pour cette raison que la Chine a une attitude sévère envers les crypto-monnaies. En Europe, il y a aussi des arnaques mais elles sont moins organisées qu'en Asie", assure Alexis Roussel, cofondateur de Bity, plateforme d'échanges de bitcoin et ether.

Avec un cours à plus de 7 000 dollars, et qui a été multiplié par sept en moins d'un an, le bitcoin n'est plus à portée de tous. "Aujourd'hui, l'aspect psychologique est le point de départ de ces arnaques. On vous dit : vous avez raté le bitcoin, on a mieux à vous proposer", explique Alexis Roussel. "On met "coin" à la fin de n'importe quoi et on dit que c'est une crypto-monnaie alors qu'il n'y a rien derrière", se désole Manuel Valente, directeur de la Maison du Bitcoin.

"On met "coin" à la fin de n'importe quoi et on dit que c'est une crypto-monnaie alors qu'il n'y a rien derrière"

La plus célèbre de ces escroqueries est Onecoin. Créée en septembre 2015, le Onecoin a tout l'air d'une crypto-monnaie comme les autres sauf qu'elle est basée sur une pyramide de Ponzi. Cette technique notamment utilisée par Bernard Madoff consiste à rémunérer l'investissement des clients grâce aux fonds apportés par les nouveaux entrants. Les créateurs de Onecoin demandent aux internautes intéressés d'envoyer de l'argent contre des Onecoins. Une partie de l'argent empochée servirait à payer les montants que les autres victimes s'attendent à recevoir après avoir, elles aussi, acheté l'investissement en question. Autre problème dans le cas de Onecoin : cette "monnaie" n'est échangeable sur aucune plateforme de crypto-monnaies. "Les créateurs de OneCoin ont créé leur propre plateforme d'e-commerce qui fonctionne uniquement à l'intérieur de leur propre écosystème", indique Manuel Valente. Et la seule plateforme d'échange Xcoinx, créée en 2015, est toujours en maintenance… Malgré des interdictions dans plusieurs pays, les arrestations de certains membres et investisseurs, les avertissements de grands médias comme le britannique Mirror, Onecoin continue de fonctionner. "Il y a encore une sorte de fièvre qui pousse les gens à vouloir gagner plus d'argent avec les crypto-monnaies", regrette Manuel Valente.

Dans la série des faux, il existe aussi les fausses plateformes d'échanges de crypto-monnaies ou encore des faux portefeuilles Ethereum. Autre nouvelle arnaque : le minage en ligne. Pour sécuriser le réseau bitcoin et vérifier les transactions, des "mineurs" utilisent des machines dotées de puissance de calcul importantes (bien plus qu'un ordinateur ou un serveur d'entreprise). En échange, ils reçoivent des bitcoins nouvellement créés et les frais des transactions qu'ils confirment. Aujourd'hui, le minage n'est plus une activité rentable pour les particuliers en raison de la hausse de la concurrence. Seuls des entreprises et sites industriels, surnommées "fermes de minages", en ont la capacité technique et financière. Certains sites Internet proposent du minage en ligne aux particuliers, qui n'en est pas vraiment un.

 "Au lieu d'acheter des machines que vous installez chez vous, vous créez un compte sur un site web, vous envoyez des bitcoins et eux utilisent ces bitcoin pour acheter des machines qu'ils gardent chez eux et qui minent à notre place. Ils gardent votre argent et vous ne gagnez rien", résume Manuel Valente. 

Des ICO trompeuses

Les ICO (initial coin offering), ces levées de fonds en crypto-monnaies qui ont explosé cet été, ont aussi amené leurs lots d'arnaques. La majorité des projets ont collecté des dizaines de millions de dollars en quelques jours alors qu'aucun produit n'était encore sorti. Soit l'équipe en question met simplement du temps à développer sa technologie, soit elle profite de la folie ICO et n'a donc aucune intention de lancer un nouveau business. Andreas Antonopoulos, une figure renommée dans la communauté bitcoin, a récemment déclaré que 99,99% des ICO actuelles sont "de la camelote. Elles ne donneront aucun retour sur investissement."

"Si vous envoyez vos ethers et bitcoins sur un site web et qu'on vous dit simplement merci, alors ce n'est pas bon signe"

 

Lancer un fausse ICO est un jeu d'enfant. "Il suffit de monter un faux site et de permettre de payer par carte bancaire et le tour est joué (normalement, il faut payer en bitcoin, ether ou une autre crypto-monnaie, ndlr). Les personnes derrière ces arnaques utilisent la crédulité des gens. Tout le monde peut se faire avoir. On peut être le meilleur analyste financier du monde mais on ne connait pas tous les tenants du système", alerte Alexis Roussel. "Les gens voient l'ICO comme une levée de fonds mais ce n'en est pas une. Les levées de fonds ont des mécanismes très réglementées, tout le contraire des ICO. Il faut être très prudent, bien regarder comment le projet est structuré, qui fait partie de l'équipe… Et si le projet n'a pas besoin de blockchain, elle n'a pas besoin d'ICO, il ne faut donc pas investir", conseille Pierre Gérard, CEO de Scorechain, une start-up qui commercialise une plateforme de tracking et de scoring des transactions bitcoin.

"Si vous récupérez un token (ou jeton, ndlr) lors de l'ICO et que vous pouvez ensuite le revendre sur une plateforme, c'est bon. Si vous envoyez vos ethers et bitcoins sur un site web et qu'on vous dit simplement merci, alors ce n'est pas bon signe", prévient également Manuel Valente. Pour l'instant, aucune ICO n'a encore été recensée comme une escroquerie puisque le phénomène est encore nouveau. Mais ce n'est qu'une question de temps. "Des projets d'ICO vont se faire poursuivre pour escroqueries. On verra des règles et des législations naître", avance Alexis Roussel. 

Les investisseurs particuliers  ne sont pas les seuls touchés par les arnaques, les entreprises peuvent aussi en faire les frais. "Les grandes banques investissent dans des arnaques, c'est-à-dire des projets blockchain qui ratent les uns après les autres. Des personnes issues de cabinets de consulting vendent des projets qui ne sont pas fiables", regrette Alexis Roussel, sans citer de noms. Arnaque ou pas, les consortiums font l'objet de critiques : coûts élevés, désaccords entre les participants, projets longs à aboutir… On n'est jamais trop prudent.