KissKissBankBank et La Banque Postale : mariés, 2 chantiers

KissKissBankBank et La Banque Postale : mariés, 2 chantiers Un an après son rachat, la plateforme de crowdfunding française intègre ses offres au réseau bancaire et développe une régie. Elle vise les 4 millions d'euros de CA en 2018.

Le mariage, ce n'était pas trop son truc. "Si vous m'aviez posé la question d'un rachat il y a six ans, je vous aurais répondu : jamais ! Mais les temps changent", nous avait confié en septembre dernier Vincent Ricordeau, cofondateur de KissKissBankBank. La plateforme de crowdfunding de dons a finalement dit oui à La Banque Postale il y a un an, le 28 juin 2017 (le montant de la cérémonie n'a pas été révélé), après sept années de collaboration. Les deux acteurs ont notamment monté ensemble une opération baptisée "Coup de Cœur" : KissKissBankBank propose plusieurs projets, une fois qu'un l'un deux atteint la moitié du montant visé, La Banque Postale couvre le reste.

Cette proximité a facilité l'intégration de la fintech chez La Banque Postale. "Si on avait été racheté par une entreprise qu'on ne connaissait pas, je pense que ça ne se serait pas aussi bien passé", assure Vincent Ricordeau. Le dirigeant ne s'attendait pas non plus à un aussi bon accueil. "Comme on a une image anti-finance, on pensait que certains n'allaient pas nous accueillir à bras ouverts. De notre côté, on pensait être face à des conservateurs qui nous considéraient comme des trublions mais pas du tout. Il y a de la bienveillance à tous les étages, que ce soit côté réseaux, grand public, banque pour les professionnels…", promet-il.

"Nous seront présents, via une vidéo, sur les écrans de tous les bureaux de poste dès le 4 juillet prochain"

Une fois les vacances d'été passées, il était temps d'ouvrir le premier gros chantier : l'intégration rapide des offres KissKissBankBank et Lendopolis (prêt rémunéré aux TPE/PME) dans le réseau de La Banque Postale. "C'est une priorité car il faut rendre la marque KissKissBankBank mainstream", souligne Vincent Ricordeau. Objectif atteint avec la BPE, la banque privée de La Banque Postale, qui permet depuis deux mois à ses clients de financer des projets d'énergies renouvelables de Lendopolis. Les quatre derniers projets ont été financés par les clients de la BPE, pour un total d'1 million d'euros. "Les montants collectés sont plus importants et les campagnes se terminent plus vite. Le secteur des énergies renouvelables sera une activité phare pour nous au deuxième semestre 2018", indique Vincent Ricordeau. En janvier 2019, les programmes immobiliers de Lendopolis s'ajouteront aux produits proposés aux clients de la BPE.

La marque KissKiss est en parallèle progressivement intégrée aux supports média de La Banque Postale. "Nous sommes présents sur le site web, plus précisément sur le portail et quelques pages grand public, depuis septembre 2017. Et nous seront présents, via une vidéo, sur les écrans de tous les bureaux de poste dès le 4 juillet prochain", annonce le dirigeant. Des conférences et des KissKiss Dating (des formations sur le crowdfunding) seront organisés dans les bureaux de poste. Tous les appels aux dons de KissKissBankBank seront disponibles à terme dans 2 000 bureaux de Poste (sur 17 000 en France) de grandes villes, dont 200 cette année. Le premier "corner" KissKiss sera inauguré le 4 juillet 2018 à Lyon. Une équipe de la plateforme de crowdfunding formera les représentants de La Banque Postale à toutes ces offres. "Les commerciaux de La Banque Postale doivent s'approprier nos produits KissKiss et Lendopolis. Le plan de formation commence en septembre 2018. Dès 2019, les commerciaux de La Banque Postale parleront de KissKissBankBank et Lendopolis à leurs clients", précise Vincent Ricordeau.

Un mini board pour les points stratégiques

KissKissBankBank participe également au projet de banque mobile Ma French Bank, qui devrait voir le jour en fin d'année pour un premier cercle de clients. KissKiss sera intégré à cette future banque pour "donner vie à un projet en ouvrant un appel à dons ou participer simplement au financement d'un projet qui nous tient à cœur", précisait un communiqué. Vincent Ricordeau est d'ailleurs au board de Ma French Bank. "Je travaille principalement sur l'identité graphique, la sémantique et l'UX. En revanche, j'interviens peu sur la partie technologique. C'est géré du côté de La Banque Postale", explique le dirigeant. Les deux autres cofondateurs de KissKiss, Ombline Le Lasseur et Adrien Aumont, sont quant à eux concentrés sur le projet d'incubateur de La Banque Postale, dont les détails n'ont pas encore été révélés. "Nous sommes en train de créer les programmes. Une fois qu'il sera ouvert, normalement en janvier 2019, nous accompagnerons les start-up", révèle Vincent Ricordeau. Le CFO de KissKiss, Romain Payet, travaille de son côté sur les volets réglementaire et conformité avec La Banque Postale. A part ces quatre personnes, la cinquantaine de salariés a gardé les mêmes fonctions. Et sont toujours dans les locaux du Xème arrondissement de Paris. Ils reçoivent d'ailleurs des visites de collaborateurs de La Banque Postale, qui utilisent ces locaux pour organiser des réunions internes ou externes.  

"Nous sommes en train de créer les programmes pour l'incubateur de La Banque Postale"

Un petit board a également été mis en place  pour définir les points stratégiques de KissKissBankBank tous les deux mois. Siègent Rémy Weber, président du directoire de La Banque Postale, Marc Batave, directeur général de la banque commerciale et de l'assurance, Alice Holzman, patronne de Ma French Bank, Serge Bayard, président du directoire de La Banque Postale crédit entreprises et les cofondateurs de KissKissBankBank. 

Côté business, les résultats de la plateforme continuent à être satisfaisants, estiment les dirigeants, malgré une baisse de la collecte de 10,7% sur un an sur la période janvier-mai 2018 (5,8 millions d'euros contre 6,5). "C'est le changement de notre processus de sélection de projets qui nous a fait un peu décroché en volume", explique Vincent Ricordeau. "On a retrouvé la croissance en mai." L'activité BtoB, qui s'apparente à celle d'une agence de communication, a en revanche bien progressé ces derniers mois pour atteindre 20% du chiffre d'affaires. En particulier grâce au rachat de Gooded en mars dernier, une plateforme spécialisée dans les dons financés par la publicité en ligne. "Avec Goodeed, on va aller plus loin que ce que nous faisons actuellement puisqu'elle va devenir une plateforme dédiée aux marques. En fait, on est en train de créer une régie. Et cette régie va nous permettre de nous internationaliser", nous avait confié Vincent Ricordeau lors du rachat. En 2017, la fintech a enregistré un chiffre d'affaires de 3 millions d'euros et vise les 4 millions en 2018. Pour y parvenir, elle mise particulièrement sur Lendopolis, avec le secteur des énergies renouvelables, et Goodeed.