Le cashback, un chemin pavé d'or mais semé d'embûches pour les banques

Le cashback, un chemin pavé d'or mais semé d'embûches pour les banques Alors que ces programmes font l'unanimité aux US, ils peinent à convaincre en France. En cause : un chantier très technique, une communication faible et une expérience client pas optimale.

Payer c'est gagner. Voilà un slogan qui conviendrait au cashback, cette technique promotionnelle qui consiste à reverser aux consommateurs une partie d'un achat effectué en ligne ou en magasin chez des marchands partenaires. Ces rétrocessions s'élèvent en moyenne à 4% mais peuvent aller jusqu'à 15 voire 30% dans certains cas. Et tout le monde est gagnant : le consommateur obtient une sorte de ristourne différée, le marchand attire des nouveaux clients, la banque (qui crée ces programmes) fidélise ou du moins retient ses clients tentés de rejoindre les néobanques ou banques en ligne.

En plus de tous ces atouts, le cashback n'est même pas un "programme coûteux", d'après Société Générale, qui a mis en place son programme fin 2014 pour certains de ses clients et que la recette a déjà fait ses preuves aux Etats-Unis. Apparu dans les années 70, il s'est étendu aux sites d'e-commerce dans les années 2000 et a fait un boom en 2012, quand le prix de l'essence a bondi (la plupart des stations services étaient partenaires des programmes de cashback). Aujourd'hui, 60% des consommateurs américains estiment que le cashback est une raison importante pour choisir une carte de crédit, d'après une étude annuelle menée par le processeur de carte de crédit TSYS. Flairant la tendance, des acteurs non bancaires comme PayPal et Amazon ont lancé des cartes bancaire avec du cash-back, créant ainsi de la concurrence avec les banques. 

Pas d'effet domino

Alors pourquoi la situation ne s'est pas répliquée en France, pays de la carte bancaire ? Aujourd'hui, seules LCL (fin 2015) et Société Générale ont lancé leurs programmes de cashback."Nous pensions que d'autres banques allaient lancer ce genre de service après LCL . Cela n'a pas été le cas", confirme Frédéric Lapeyre, directeur général d'Avantage +, le programme de cashback de LCL. Même Société Générale n'a ouvert à ses 8 millions de clients particuliers qu'en avril 2018. Auparavant, il était disponible seulement pour les détenteurs du package Jazz (assurance, points fidélité…). BNP Paribas devrait sortir un programme de cashback d'ici quelques semaines, en collaboration avec la start-up Paylead, mais aucun détail n'est connu pour le moment.

"Au lancement du programme de Société Générale, très peu de start-up étaient positionnées sur le cashback"

Pour les deux acteurs qui se sont déjà lancés, monter un programme de cashback n'est pas si simple. Premièrement, il est encore difficile de trouver les bonnes compétences techniques. Pour LCL, impossible de lancer ce chantier en interne. La banque a donc choisi de travailler avec CDLK Services, qui a développé un moteur algorithmique qui traite des millions de transactions chaque jour pour catégoriser, identifier et géolocaliser précisément les dépenses. "En plus de son moteur de cashback, CDLK Service dispose d'un service d'amélioration de données monétiques. C'était plus simple et rapide de travailler avec eux que de tout refaire en interne", se souvient Frédéric Lapeyre. "Au lancement de Grande Avenue, très peu de start-up étaient positionnées sur le cashback. Nous avons donc choisi de travailler sur une solution interne avec notre filiale CFC Services (Franfinance), spécialisée dans la mise en œuvre de programmes de fidélité et de clubs affinitaires", indique de son côté Sophie Vuillemin, responsable marketing offres de services aux particuliers chez Société Générale.

Entre temps, d'autres start-up sont arrivées, comme Paylead en 2016. Mais il leur reste encore des progrès à faire. "On est plug and play mais notre société est encore jeune. Sans oublier que l'intégration dans le système des banques n'est pas une mince affaire. Mais une fois que la DSP2 (directive européenne qui obligera les banques à partager les données de paiement de leurs clients à des acteurs tiers, ndlr) sera appliquée et que les banques auront des API, on va gagner du temps", indique Charles de Gastines.

Autre écueil dans la mise en place d'un programme de cashback : la communication. Société Générale se focalise sur ce sujet. "Nous communiquons sur notre espace Internet et sur l'application à des moments forts de consommation (soldes, Black Friday, vacances d'été et d'hiver…), ce qui génère des pics d'enrôlements et des pics de consommation. Nous allons encore augmenter notre visibilité sur le site. Les efforts de communication sont focalisés sur Grande Avenue après l'arrêt en juin dernier de notre programme de fidélité Filigrane", indique Sophie Vuillemin. A ce jour, Société Générale compte 180 000 adhérents Grande Avenue sur ses 8 millions de clients particuliers, un chiffre "en augmentation constante depuis l'ouverture à l'ensemble des clients", assure la responsable marketing.

"80% de nos offres ne nécessitent plus que le client passe par le site LCL avant d'acheter chez le marchand"

De son côté, LCL compte près d'un million d'adhérents sur 6 millions de clients. Des chiffres faibles au regard de la population française. D'après une étude de Xerfi et du Syndicat national du marketing à la performance (SNMP) publiée fin 2016, seulement 10,9% de la population française dispose d'un ou de plusieurs programmes de cashback. "Ce genre de dispositif est beaucoup moins connu en France qu'aux Etats-Unis et au Royaume-Uni. En revanche, quand un client fait un premier achat qui lui rapporte du cashback, nous constatons ensuite une récurrence d'achats importante qui montre l'intérêt du client pour ce type de service", note Sophie Vuillemin. Mais pas question pour la Société Générale de faire trop de publicité à son programme. "Le client peut recevoir une newsletter à la fréquence qu'il souhaite (hebdomadaire, bimensuel ou mensuel) avec les offres du moment. Nous restons une banque, nous ne souhaitons pas sur-solliciter nos clients. Le cashback ne doit pas prendre le pas sur notre offre bancaire", souligne la responsable marketing.

La difficulté de la "no expérience"

Côté expérience client, le cashback est un casse-tête pour les banques françaises. Difficile de faire aussi bien qu'Amazon et son fameux "one click". "La principale difficulté que nous avons rencontrée au début du programme a été la mise en place d'un parcours utilisateur fluide. Car le marché n'était pas à la pointe de l'expérience client à l'époque. Depuis, cela a été simplifié. Une fois enrôlé, il suffit de vous rendre sur la page de Grande Avenue et de sélectionner l'enseigne dans laquelle vous souhaitez faire un achat pour bénéficier du cashback", explique Sophie Vuillemon.

"Le cashback ne doit pas prendre le pas sur notre offre bancaire"

Même défi du côté de LCL. Au départ, il fallait effectuer plusieurs clics pour avoir la ristourne, mais désormais presque tout se fait automatiquement. "80% de nos offres ne nécessitent plus que le client passe par le site LCL avant d'acheter chez le marchand", précise Frédéric Lapeyre. En magasin, il suffit juste de payer avec sa carte LCL et le cashback est reversé entre un et deux mois plus tard sur le compte courant. "La clé est la simplicité. Plus c'est simple, plus la perception de valeur augmente et plus le comportement d'achat est modifié. Il faut que les banques apportent une "no-expérience", que le programme n'interagisse jamais avec le consommateur mais qu'il s'occupe de lui quand même", estime Charles de Gastines. Société Générale planche sur cette "no experience". "Nous réfléchissons à élargir le cashback au magasin. Mais les problématiques ne sont pas les mêmes. Il faut s'adosser à un expert de la data monétique... Nous sommes donc en train de consulter des partenaires externes", confie Sophie Vuillemin.

Dans un programme de cashback, il faut certes séduire les clients mais aussi les marchands. Sans eux, pas de ristourne et donc pas moyen d'attirer les clients. D'après l'étude Xerfi, 96% des e-commerçants recommandent ce système mais seulement 48% le jugent "performant" pour acquérir et fidéliser." Si vous avez des partenaires petits et locaux, il ne se passera rien. Si vous emmenez les gros retailers, les pétroliers, les grandes enseignes de prêt à porter… ça va se mettre à rapporter de l'argent", souligne Charles de Gastines. Aujourd'hui, LCL compte 300 enseignes partenaires pour un total de 1 400 points de vente, Société Générale en dénombre 800. En revanche, la proportion des grands versus petits commerçants n'est pas connue.