L'impact sociétal sera la clé du succès des néobanques

L'espace des banques mobiles est de plus en plus encombré. Il convient donc de faire le tri entre les modèles qui ont plus de chances de réussir au niveau mondial.

Le phénomène de la néobanque (également appelée banque mobile ou banque digitale) continue de prendre de l'ampleur, alors que la pandémie de Covid a eu tendance à accélérer la transformation digitale de nombreux secteurs et habitudes de consommation. Selon Pitchbook, les néobanques compteront 60 millions de clients en Europe et en Amérique du Nord d'ici la fin de l'année et dépasseront les 145 millions d'ici 2024.

Depuis début 2020, les néobanques ont rassemblé plus de 3,6 milliards de dollars de financement et les derniers mois ont été marqués par les levées emblématiques d’acteurs dont les valorisations en font des leaders mondiaux : Nubank (Brésil - 10 milliards de dollars), N26 (Allemagne - 3,5 milliards de dollars), et enfin Chime, qui avec 14,5 milliards de valorisation est désormais la plus importante fintech BtoC américaine (Chime est une société de portefeuille de Cathay Innovation).

Pour autant l'espace des néobanques n’est pas monolithique et de plus en plus encombré et il convient de faire le tri entre les modèles qui ont plus de chances de réussir au niveau mondial.

On peut distinguer aujourd’hui cinq modèles distincts de néobanque :

1. Basée sur les transactions : Plusieurs néobanques (Chime par exemple) s'appuient sur les paiements, obtenus par le biais de l’interchange, comme source de revenus. C’est-à-dire que la néobanque est rémunérée chaque fois qu'un client utilise sa carte comme moyen de paiement.

2. Basée sur le crédit : Certaines (par exemple Nubank au Brésil) s'appuient sur un modèle centré sur le crédit, en commençant par une carte de crédit (ce qui est souvent difficile sur les marchés développés sans avoir une licence ou un partenariat avec une banque traditionnelle). 

3. Basée sur des actifs : D'autres proposent des comptes d'épargne et cherchent à acquérir des dépôts à des taux compétitifs (par exemple Marcus ou Beam aux Etats-Unis).

4. Basée sur l'écosystème : Dans ce modèle (celui de N26 et Monzo notamment), les comptes courants sont censés servir de passerelle vers d'autres produits financiers pour être monétisés.

5. Basée sur les extensions de produits : Ces fintechs (dont RobinHood, Wealthfront, Rewire) tendent à brouiller les lignes des segmentations habituelles et à proposer des services financiers de pointe à un public élargi.

Naturellement, la différence de modèles est due en partie au fait que chaque marché a des besoins et des réglementations différentes. Le premier modèle est ainsi moins adapté à l’Europe, où les taux moyens sur les transactions sont nettement plus bas (plafonnés à 0,3 % contre environ 1,2 % aux États-Unis).

Pour autant, nous sommes convaincus qu’à partir de ces modèles de départ distincts nous nous dirigeons vers un élargissement des services proposés et l’émergence d’acteurs pertinents au niveau mondial.

La montée en puissance des néobanques créé en effet une nouvelle approche technologique, offrant une vue à 360 degrés des clients qui change drastiquement les services financiers et la vitesse à laquelle ils sont fournis. La fluidité des paiements et des devises, des transactions traditionnelles aux micro-transactions, va continuer de se propager à d'autres services et à de nouvelles géographies.

Surtout, il existe à nos yeux un facteur primordial : les néobanques qui réussiront le mieux seront celles qui ont le plus d'impact pour leurs clients, en particulier ceux qui sont les moins bien servis par les acteurs traditionnels.

Certains ont pu penser que l'essor des néobanques est dû à l'attrait qu'elles exercent sur les jeunes générations nées avec le digital et qui n’ont plus besoin de se rendre dans une agence bancaire.

Mais le véritable moteur pour les acteurs qui compteront demain réside dans le fait de toucher un ensemble beaucoup plus large de clients qui sont sous-bancarisés et n'ont pas accès à l'économie formelle, représentant environ un tiers de la population mondiale en âge de travailler, soit 1,7 milliard d'adultes.

Les néobanques vont avoir un impact considérable sur le monde grâce à une plus grande transparence, des coûts réduits et un accès plus facile aux services financiers. Ces acteurs sont en train de devenir le levier d’une transformation digitale et sociale de l’écosystème financier vers les populations qui en ont le plus besoin. Ce phénomène est aussi pour les investisseurs l’illustration que des succès importants ne seront désormais possibles qu’en considérant le triptyque risque, profitabilité et impact dans la prise de décision. L’âge de l’accès à des services financiers plus utiles, plus durables et moins chers ne fait donc que commencer.