Les agences de notation, zones d'ombre de la finance mondiale Des inflexions à la suite de la crise des subprimes

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Les produits financiers peuvent être d'une extrême complexité, même pour les spécialistes. © 2jenn - Fotolia.com

La directrice de Standard & Poor's Europe Francophone reconnait que les méthodes utilisées dans la notation des véhicules de titrisation se sont révélées ne pas être assez conservatrices. "C'est vrai que nous avons fait des erreurs. Nous n'avons pas assez anticipé l'ampleur de l'effondrement immobilier américain. Mais nous avons su nous réformer, revoir nos méthodes et sommes désormais beaucoup plus sures. Notamment sur la problématique des conflits d'intérêts." En effet, la gravité de la crise de 2008 s'explique en partie par la crise de confiance qui a affecté les marchés après qu'ils aient découvert que la majorité des subprimes étaient regroupées en produits complexes notés "AAA" par les agences de notation, soit la meilleure note possible, pour des actifs "pourris".

Deux explications à cette grave erreur d'appréciation : d'une part, la complexité des produits structurés et l'opacité de leur agrégation, d'abord. "Encore aujourd'hui, les produits financiers peuvent être d'une extrême complexité. Les agences n'ont pas tous les moyens pour les comprendre, et encore moins d'apprécier les garanties qu'ils offrent", explique Norbert Gaillard. D'autre part, les conflits d'intérêts, "cœur du problème des agences" durant les années 1990 et 2000, selon le consultant pour la Banque Mondiale, qui ont valu aux agences de faire l'objet d'une régulation, la première de leur histoire.

En 2008, on a découvert que de nombreux actifs notés AAA étaient "pourris".

Plusieurs réglementations édictées en 2009 et 2010 en Europe et aux Etats-Unis, ont en effet encadré beaucoup plus sévèrement l'activité des agences. Rappelons au passage que la notation financière est un business rentable. En 2010, Moody's, Standard & Poor's et Fitch ont respectivement déclaré 2,032 milliards de dollars, 1,695 milliards de dollars, et 609 millions de dollars de chiffre d'affaires dans leurs rapports annuels. On a tendance à l'oublier, mais les agences de notation sont aussi des entreprises, avec toutes les problématiques que cela implique : si leur notation n'est pas conforme aux desiderata des entreprises, ces dernières continueront-elles à les solliciter et donc à les rémunérer ?