Les agences de notation, zones d'ombre de la finance mondiale L'oligopole des agences : un phénomène historique

standard & poor's, fitch et moody's représentent 95% du rating d'agences.
Standard & Poor's, Fitch et Moody's représentent 95% du rating d'agences. © Michael Nivelet - Fotolia.com

"Standard & Poor's abaisse la note de la Grèce à CC". "Moody's abaisse la note de Chypre". Pas besoin de remonter à plusieurs semaines pour trouver trace de la présence des agences de notation. Depuis les années 70, et surtout à la suite de la crise des subprimes, le grand public a découvert ces entités un peu mystérieuses, qui semblent professer des oracles suivis par l'intégralité des acteurs du marché. On les accuse de nombreux maux, absence de transparence, conflits d'intérêts ou prophéties "auto-réalisatrices", parfois avec justesse, souvent abusivement.

Norbert Gaillard, docteur en Economie, consultant pour la Banque Mondiale et auteur de l'ouvrage "Les agences de notation" (Collection Repère, Editions La Découverte), y détaille le cheminement historique qui a conduit à l'omniprésence des agences. Les trois principales aujourd'hui sont déjà de vieilles dames. Standard & Poor's, dont les origines remontent à 1868, et Moody's, fondée en 1900, sont centenaires. Fitch, née en 1913, le sera dans deux ans. Mais, explique Norbert Gaillard, "c'est véritablement en 1931 qu'elles vont prendre une autre dimension, avec la décision des régulateurs américains d'intégrer les notations des agences dans le pricing, la fixation du prix des titres." En d'autres termes, de bons résultats ne suffisent plus pour que la valeur des titres d'une entreprise s'apprécie. Il faut également que les agences estiment qu'elle est solvable.

En 1931, les agences deviennent acteurs principaux du marché.

En 1931, donc, les agences de notation, qui n'étaient jusqu'alors destinées qu'à "donner une opinion sur la solvabilité des titres souverains ou d'entreprises", sont désormais au cœur même des marchés. Au lieu d'être des indicateurs parmi d'autres, des observateurs, les agences deviennent acteurs principaux. La position hégémonique des trois agences, qui "représentent 95% du marché du rating", précise Norbert Gaillard, n'est pas seulement leur fait propre, c'est aussi et d'abord celui des pouvoirs publics, américains puis mondiaux.