Journée noire pour les agences de notation

Pour Pascal de Lima, chef économiste chez Altran Financial Services, l'abaissement de 4 crans de la note du Portugal décrédibilise les agences de notation.

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Pascal de Lima enseigne également à Sciences-Po Paris. © de Lima

Le 5 juillet 2011, les agences de notation ont perdu de leur crédibilité. C'est une journée noire pour elles. Pourquoi ? Parce que l'abaissement de la note portugaise dans un délai aussi court et d'une manière aussi brutale et anachronique a enfin choqué les marchés financiers, son ami. Le corps social revendicateur se lie des marchés financiers pour protester contre les agences de notation. C'est d'ailleurs souvent ce que l'on observe dans l'histoire économique. Après un vent de révolte sociale, la raison revient et très souvent les marchés se calment.

Les agences se trompent en abaissant la note du Portugal et les commentaires qui rapprochent la Grèce du Portugal n'ont pas de sens économique. Comme la jalousie, dont les raisonnements fiables et rationnels reposent aux extrémités sur des hypothèses et des conclusions préétablies fausses, les modèles des agences de notation permettent de formuler des raisonnements sur la situation des pays qui reposent sur des hypothèses et des conclusions erronées.

Une sanction de court terme sur une question économique de long terme comme la soutenabilité d'une dette publique est une irresponsabilité totale.

Aujourd'hui, le Portugal a un niveau d'endettement rapporté au PIB d'environ 90%, la Grèce 150%. Cela fait déjà une différence de 60 points. Le déficit du Portugal se situe à environ 9% du PIB contre 10,5% pour la Grèce. Si le taux de croissance économique de la Grèce était de -4% en 2010 et encore -3% en 2011, celui du Portugal se rapprochera pour les deux années de 0% en moyenne (cf. légèrement négatif) ce qui fait la encore, une différence notoire. Les taux d'intérêt à 10 ans des bonds portugais quant à eux, ont très longtemps stagné à 7, puis 8, puis 9% pour atteindre très récemment des niveaux qui dépassaient les 11% quand les taux grecs explosent de façon délirante au-dessus des 13% depuis bien longtemps (17% aujourd'hui). La soutenabilité (mesurée par la différence entre les taux de croissance et les taux d'intérêt) de la dette publique portugaise est donc assez sensiblement meilleure que la soutenabilité de la dette grecque. Or une sanction de court terme sur une question économique de long terme comme la soutenabilité d'une dette publique est une irresponsabilité totale.

Les mesures connues de long terme pour redresser l'économie portugaise ne sont pas compatibles avec le cash machine de la privatisation, davantage adapté peut-être au cas de la Grèce.

Cela est d'autant plus irresponsable que les agences de notation font du lobbying puissant avec leurs amis financiers pour mettre en place, en pleine période de légère reprise pour la zone euro, de croissance nulle voire légèrement négative pour le Portugal, des plans d'austérité un peu partout comme pour étouffer la légère reprise qui peine déjà à émerger. Puis, à leur plus grand étonnement, ils constatent, après, que la croissance n'est pas au rendez-vous. C'est le serpent qui se mort la queue. Heureusement que les marchés commencent à s'interroger avec l'appui de la population écœurée.

Cette irresponsabilité sanctionne uniformément le secteur bancaire dans son ensemble. Or si en Grèce, c'est l'endettement public qui a fragilisé le secteur bancaire, qui n'attendait pas cela d'un acteur qui aime à se faire détester de tous (il paraît que ce comportement existe dans l'humanité), au Portugal au contraire, c'est l'endettement des sociétés non financières locales et l'endettement externe qui ont pesé sur les finances publiques. Aussi, les réformes d'un pays à un autre ne peuvent être identiques. Au Portugal par exemple, la déréglementation de certains secteurs abrités, la décentralisation des négociations salariales au niveau de l'entreprise, la baisse des cotisations sociales, la remise en cause du statuquo à la tête des fleurons de l'économie, un peu comme les chaebols en Corée, familiaux ici, enfin la bureaucratie lourde, forment les principales mesures auxquelles l'économie portugaise doit s'attaquer pour redresser sa compétitivité. Mais il faut laisser respirer la machine un minimum.

Les agences de notation s'amusent avec l'austérité et s'adonnent à une logique sacrificielle.

Les agences de notation s'amusent avec l'austérité et s'adonnent à une logique sacrificielle dont on se passerait bien, surtout que les mesures connues de long terme pour redresser l'économie portugaise ne sont pas compatibles avec le cash machine de la privatisation, davantage adapté peut-être au cas de la Grèce, encore qu'après avoir eu le cash que fait-on ? Allons plus loin, imaginons que l'endettement de la Grèce soit résolu, et alors, en l'absence de croissance que se passe t-il ?