Yvon Breton (AG2R La Mondiale) "Nos assurances seront de plus en plus couplées à des services pour les DRH"

Bilan 2013 et perspectives 2014, stratégie sur le marché de l'ANI, nouveaux services... Le directeur général délégué du numéro 1 français de la protection sociale répond au JDN.

Entré chez AG2R en 1972, Yvon Breton y a effectué toute sa carrière avant d'en devenir le directeur général délégué en 2007. L'année suivante, il initiait sa fusion avec La Mondiale pour donner naissance à un groupe pesant 16,6 milliards d'euros collectés en 2012 et employant 7 500 salariés.

yvon breton ag2r lamondiale
Yvon Breton, directeur général délégué d'AG2R La Mondiale. © AGZR

JDN. Quel bilan tirez-vous de l'année 2013 pour AG2R La Mondiale ?

Yvon Breton. Nos résultats définitifs ne sont pas encore arrêtés, mais tous nos objectifs ont été atteints. Il semblerait que la croissance de nos métiers, la retraite, la prévoyance, la santé, l'épargne et l'assurance-vie, soit supérieure à la moyenne du marché, malgré un contexte économique peu favorable et une concurrence qui s'exacerbe. Je retiens surtout de l'an dernier le retour à une collecte positive sur l'assurance-vie, après une année 2012 ou elle avait reculé pour la première fois.

Comment se présente 2014 ?

Nous pourrions connaître un très bon exercice si les incertitudes règlementaires autour de l'accord national interprofessionnel (ANI) du 11 janvier 2013 (qui prévoit la généralisation de la complémentaire santé à tous les salariés, NDLR) sont levées. Nous estimons le potentiel de ce marché à trois milliards d'euros et six millions de personnes supplémentaires à couvrir, surtout dans les TPE. Le cœur du problème se pose essentiellement pour les mutuelles puisqu'il s'agit d'une assurance collective. Il s'agit de faire basculer des salariés et des travailleurs indépendants d'un régime individuel à une assurance de groupe. Or, les mutuelles proposent principalement des contrats individuels. Une chose est sure : ce surcroît de concurrence stimulera le marché et sera bénéfique pour tout le monde : pour les assurés, salariés ou indépendants, pour les entreprises et pour le secteur de l'assurance. 

"Je retiens surtout de l'an dernier le retour à une collecte positive sur l'assurance-vie, après une année 2012 ou elle avait reculé pour la première fois"

Quelle sera votre stratégie pour attaquer ce marché de l'ANI ?

La différence se fera par le montant des primes et des garanties, mais aussi sur les services qui y seront associés. Or, nous sommes bien placés sur ces prestations qui font la différence, parce qu'elles répondent aux attentes des entreprises et des assurés.

Quels sont les principaux freins qui ralentissent votre croissance ?

J'évoquais le flou ou plutôt les incertitudes réglementaires entourant la mise en œuvre de l'ANI. Le Conseil constitutionnel a déjà invalidé deux fois l'ANI et doit se prononcer sur la validité des modifications dont il fait l'objet. Nous sommes toujours dans l'attente de décrets d'applications d'une mesure qui doit s'appliquer avant le 1er janvier 2016. Pour autant, nous avons tout mis en œuvre pour être prêts et relever avec succès ce nouveau défi.

Justement, AG2R recrutera-t-il pour attaquer ce marché et pour soutenir son développement ?

Dans l'immédiat, notre objectif prioritaire est de maintenir nos 7 500 emplois existants. Vu le contexte économique actuel, nous sommes extrêmement vigilants quant à la maîtrise de nos coûts, notamment en santé et plus particulièrement sur les produits collectifs sur lesquels notre savoir-faire est reconnu. Nous avons énormément investi dans des outils ultra-pointus pour améliorer l'efficacité de notre système d'information et nous allons continuer à le faire. Nous n'excluons pas de recruter si nous continuons à surperformer par rapport à nos marchés même si nous comptons sur l'amélioration de notre productivité. Tout dépendra également de la nature des contrats engrangés : les modes de gestion nécessiteront plus ou moins de ressources humaines selon qu'il s'agira de mettre en place des contrats avec des prestations plus ou moins complexes. Une chose est certaine : le besoin en assurance santé des salariés est énorme. Et pas seulement pour les actifs. De façon générale, les attentes des entreprises en matière de gestion de la protection sociale, notamment en termes de coûts, sont de plus en plus importantes.

"Notre objectif prioritaire est de maintenir nos 7 500 emplois existants"

Que voulez-vous dire ?

Les vrais besoins des assurés se font sentir au moment de la retraite quand ils perdent l'essentiel de leur protection sociale. Nous devons leur proposer des solutions qui continuent à les couvrir aussi bien que lorsqu'ils étaient salariés ou actifs, à un coût supportable. Notre savoir-faire reconnu par les assurés et les mutuelles nous permettra de gagner des parts de marché sur le "troisième étage de la protection sociale". Mais là-aussi, ça ne sera pas possible si nous ne maîtrisons pas nos coûts et si nous garantissons à nos neuf millions assurés et à nos 40 000 entreprises cotisantes une qualité de service exemplaire. AG2R lancera par ailleurs de nouveaux portails d'information comme celui sur la préparation de la retraite, qui apportent une vraie valeur ajoutée à ceux qui s'y connectent, les aident à anticiper cette échéance et permettent des échanges de conseils, d'expériences ou de tuyaux entre les internautes.

"Notre savoir-faire nous permettra de gagner des parts de marché sur le troisième étage de la protection sociale"

Vous allez donc lancer un portail pour permettre aux assurés sociaux de se repérer dans le maquis des remboursements des soins et des médicaments ?

Nous devons effectivement accompagner le lancement de ces nouveaux contrats Santé avec un fort volet Prévention-Information qui répond à une demande très forte des assurés et des entreprises, et pas uniquement dans le cadre de leur RSE. Les attentes en la matière sont énormes ! Il faut aller au-delà des simples simulateurs de remboursement ou de futures pensions de retraite. Pour les entreprises, nous avons commencé par mettre en place des dispositifs permettant de lutter contre les addictions, en collaboration avec leurs DRH. Là aussi nous sentons poindre de fortes attentes. Pour les assurés sociaux, il est clair que la demande d'explications ou plutôt d'orientation dans le maquis des remboursements et des taux de remboursements est elle aussi énorme. Nous irons dans cette voie. Même si nos budgets sont contraints, nous y affecterons des ressources car l'enjeu est important. Nos brochures fournissent déjà des explications sur le ticket modérateur et le reste à charge, mais nous devons aller au-delà de ces définitions. La meilleure des solutions me semble celle des outils digitaux, ne serait-ce que parce qu'ils permettent de rafraîchir et de mettre à jour rapidement des informations à des coûts raisonnables. Ce sont autant de produits et de services différenciant qui répondent à des demandes fortes, et nous permettent de nous distinguer de nos concurrents. On peut aller encore plus loin.

"Nos contrats d'assurance et nos garanties seront de plus en plus couplés à des services et des prestations pour les DRH"

C'est-à-dire ?

Nous allons bien entendu continuer à proposer des contrats d'assurance et des garanties pour la santé, la retraite, l'assurance-vie, etc. Mais, ils seront de plus en plus couplés à des services et des prestations pour les DRH sur la préparation à la cessation d'activités de leurs salariés les plus âgés, à la gestion de carrières de plus en plus longues alors que l'âge du départ à la retraite est repoussé, etc.

Qu'en est-il de vos ambitions internationales ?

Comme vous avez pu vous en rendre compte depuis le début de notre entretien, notre terrain de jeu en France est déjà suffisamment grand ! Ce qui ne veut pas dire que nous tournons le dos à l'international. Pour le moment, nous nous contentons des DOM-TOM car nous devons nous adapter à la réduction du poids des régimes obligatoires dans le financement de notre modèle social.  Et justement, notre modèle de gouvernance unique nous y prépare très bien. Cette alliance entre des instituts de prévoyance, des mutuelles et des assureurs privés, unique en France, fait même des émules chez nos concurrents.

Envisagez-vous des opérations de croissance externe ?

Nous souhaitons poursuivre la stratégie de développement de notre entreprise, désormais premier groupe de protection sociale et patrimoniale en France. Nous sommes donc particulièrement attentifs à nouer des partenariats dans nos différents secteurs d'activité, notamment en retraite et en santé.

"En interne, la voile et le vélo se sont révélés deux puissants facteurs d'intégration pour mener la fusion entre AG2R et La Mondiale"

Vous venez de renouveler votre partenariat avec l'équipe cycliste de Vincent Lavenu jusqu'en 2016 et le parrainage d'initiatives en faveur de la pratique de la voile par les handicapés. Pourquoi avoir choisi ces deux sports ?

Il s'agit d'abord de deux spectacles de plein air et gratuits. Ensuite, il s'agit de deux sports d'équipes, qui font la part belle à nos valeurs : la performance, la solidarité et l'esprit d'équipe. Il s'agit aussi de deux disciplines ou le nom du sponsor est systématiquement cité : on parle "des AG2R La Mondiale" pour designer les coureurs de Vincent Lavenu et "La Transat AG2R la Mondiale". Ce sont autant de garanties de voir notre marque reprise par les médias et notre notoriété augmenter. En interne, la voile et le vélo se sont révélés deux puissants facteurs d'intégration pour mener la fusion entre AG2R et La Mondiale. Il y un très fort sentiment de fierté et une très forte implication chez les salariés du groupe. Jamais nous n'aurions eu les moyens d'acheter autant d'espaces publicitaires, 95 millions pour la voile et 12 millions pour le cyclisme, pour hisser notre marque à de tels niveaux de notoriété.

Enfin une question que le JDN aime bien poser aux dirigeants qu'il rencontre... Si vous deviez créer une entreprise aujourd'hui, ce serait dans quel secteur ? Le feriez-vous en France ?

Nul doute que le secteur de l'assurance de personnes serait privilégié, tant il concourt à servir l'intérêt général, démarche qui a toujours donné du sens à ma vie professionnelle. La retraite, la prévoyance, la santé, sans oublier la protection financière, constituent des enjeux de société majeurs et autant de défis passionnants à relever. Cette entreprise, je la créerais bien sûr en France, car il y existe un potentiel de développement important pour l'assurance complémentaire, tant il reste à mes yeux encore beaucoup à faire pour répondre efficacement aux besoins et attentes de nos concitoyens.