Partenariats Public-Privés : le nouveau terrain de bataille des géants du BTP

Professeur à Paris Ouest - Nanterre et à l'Ecole des Ponts ParisTech, directeur du Master 2 "Financement de projet – Financements structurés", Michel Lyonnet du Moutier révèle les enjeux des PPP pour Bouygues, Eiffage et Vinci.

Le 30 avril 2011, le groupe Bouygues signe avec l'Etat un "contrat de partenariat" de plus de 3 milliards d'euros pour le nouveau siège du ministère de la défense à Balard (Paris XV). Pour ses services, Bouygues recevra un loyer annuel de plus de 100 millions d'euros. A l'issue d'une période de 30 ans, le "Pentagone français" reviendra à l'Etat.

 

Plusieurs formes de PPP pour différentes catégories de collectivités

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Michel Lyonnet du Moutier. © Patrick Simon

Le contrat de partenariat est la forme la plus récente des montages en partenariat public-privé (PPP). Créé en 2004, il s'agit d'un contrat global, intégrant conception, construction, financement et maintenance de l'infrastructure, voire d'autres services. En contrepartie, la collectivité verse un loyer, déduction faite d'éventuelles pénalités si le service n'est pas conforme aux engagements. L'opérateur concourt ainsi à la réalisation d'un service public assuré par la personne publique. Le montage autorise une répartition raisonnée des risques entre le public et le privé et la mobilisation de compétences et de fonds privés.

Il ressemble à une autre forme de PPP, celle-là multiséculaire, la concession, utilisée notamment dans le domaine autoroutier. La principale différence est que, dans la concession, le service public est géré par le privé et non par des agents de l'Etat. De plus, le concessionnaire supporte un risque sur les recettes, car le service est rémunéré par le péage acquitté par l'utilisateur.

Le contrat de partenariat est, dans la majorité des cas, pratiqué par les collectivités locales (75% du nombre de projets selon le site de la MAPP en mars 2011). Indépendamment de projets de collèges, de piscines, d'éclairage public, de communications à haut débit, de bâtiments à performance énergétique, etc., plusieurs stades sont réalisés selon ce schéma (Lille, Nice).

Depuis quelques temps, l'Etat utilise cette formule dans le domaine judiciaire et pénitentiaire, ainsi que dans le domaine universitaire (plan Campus). Il l'encourage aussi pour des infrastructures de grande ampleur (proches du milliard d'euros ou plus). La taille de ces opérations et leur complexité fait que la concurrence se réduit bien souvent aux trois majors du BTP.

 

Une concurrence réduite sur les gros PPP

Pour ces grands projets, Vinci semble se tailler la part du lion. Le groupe commence à exploiter GSM-Rail, un système de communication entre trains mis en place par Réseau Ferré de France (RFF). Le projet dépasse le milliard d'euros. Le groupe est également concessionnaire de la liaison à grande vitesse Tours-Bordeaux. Avec plus de 7 milliards d'euros, il s'agit du plus gros projet ferroviaire en Europe. Il est aussi en négociation pour le projet CDG-Express, la liaison ferroviaire entre la gare de l'Est et l'aéroport Charles de Gaulle, bien qu'il ne soit pas encore certain que cette concession sera finalisée. Vinci a également emporté la concession du nouvel aéroport du Grand Ouest à Notre Dame des Landes.

Pour les grands projets, Vinci semble se tailler la part du lion.

De son côté, Bouygues, même s'il va réaliser le projet de Balard, s'est fait coiffé sur le poteau par Eiffage pour le contrat de partenariat de la ligne à grande vitesse entre Le Mans et Rennes (3,4 milliards d'euros). Il a peut-être une nouvelle chance de gonfler son carnet de commandes avec le futur canal Seine-Nord Europe, d'un montant supérieur à 4 milliards d'euros, pour lequel il est en compétition avec Vinci.

Une autre possibilité pour lui est le contournement ferroviaire de Nîmes et de Montpellier, pour plus de 1,5 milliard d'euros. L'attributaire pressenti sera choisi vers la fin de l'année 2011. Le gagnant sera-t-il Bouygues, qui n'a pas encore emporté de projet avec RFF ? Sera-ce Vinci, dont le modèle visant des opérations globales et pas seulement des travaux a montré son efficacité ? Ou bien Eiffage, déjà concessionnaire de Perpignan-Figueras, une section de la ligne à grande vitesse de Nîmes vers l'Espagne ?

Pour les gros PPP, seuls les grands opérateurs ont les moyens de mettre en oeuvre des compétences dans de multiples domaines.

Le but des PPP -en particulier celui des contrats de partenariats- est de réduire le coût global du projet, en intégrant conception et construction, tout en prenant en compte, dès l'origine, les contraintes de la maintenance. Cette démarche a ses limites. On constate, en effet, que peu de groupes disposent des moyens de mettre en oeuvre des compétences dans de multiples domaines (technique, financier, juridique, etc.), de l'aptitude à mobiliser les financements nécessaires et, partant, des références suffisantes dans ce genre d'opération. En réalité, pour les gros projets, la concurrence -même si elle apparait âpre- se réduit aux seuls grands opérateurs.

En tout état de cause, après 2011, le rythme de sortie de nouveaux contrats de partenariat – comme, plus généralement, de nouvelles commandes publiques d'infrastructure – pourrait ralentir avec la fin des incitations du plan de relance au niveau des collectivités territoriales, la contraction des budgets publics et l'approche des élections.